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AccueilCorinne Mandin et Séverine KirchnerEpuration de l'air intérieur par photocatalyse : opportunité ou menace ?

Epuration de l'air intérieur par photocatalyse : opportunité ou menace ?

Corinne Mandin et Séverine Kirchner, respectivement ingénieures au CSTB et à l'OQAI, nous proposent un avis d'expert sur les limites de l'épuration de l'air intérieur par photocatalyse.

Publié le 15/10/2012

La photocatalyse est une réaction induite par l'action d'un rayonnement, visible ou UV, sur un substrat, le photocatalyseur, généralement du dioxyde de titane (TiO2) sur lequel les polluants à détruire sont préalablement adsorbés (cf fig 1). Cette réaction permet de détruire certains polluants de l'air comme les composés organiques volatils. Le processus finalisé produit essentiellement de l'eau et du dioxyde de carbone.

Ce procédé agit également sur les polluants d'origine microbienne par le biais de radicaux libres formés lors de la réaction ou lors de l'irradiation par une lampe UVC, qui affecte les cellules vivantes et joue ainsi un rôle bactéricide. Cette double action, à la fois sur la pollution chimique et microbiologique, lui confère de sérieux atouts pour l'épuration de l'air intérieur. Son efficacité dans les environnements clos et son innocuité sont cependant questionnées.

Une efficacité et une innocuité à démontrer

Les solutions photocatalytiques d'épuration de l'air intérieur se répartissent en deux grandes familles de produits : les systèmes dynamiques (autonomes ou bien intégrés au système de ventilation quand celui-ci prévoit une insufflation d'air dans le bâtiment) et les matériaux photo-actifs (peintures, papiers peints, dalles céramiques, etc.). Aussi performantes soient-elles sous certaines conditions restreintes de laboratoire, les techniques photocatalytiques doivent encore être éprouvées en regard de la spécificité de l'air intérieur et des contraintes de fonctionnement des bâtiments.

S'agissant des systèmes, le débit d'air épuré annoncé par les fabricants à partir de tests en laboratoire n'est pas garanti en espace réel, du fait notamment de la variation de nombreux paramètres influençant les performances : nature et concentration des polluants en présence, nombre de passages de l'air à traiter sur les surfaces actives, température et humidité, etc. De plus, à l'heure où les exigences en matière de performance énergétique sont croissantes, les systèmes intégrés aux réseaux de ventilation induisent une surconsommation d'énergie qui peut s'avérer problématique.

Concernant les matériaux photo-actifs, l'ensemble des études menées montre une faible efficacité de leur performance liée au contact limité des polluants avec la surface de ces matériaux du fait de l'aéraulique intérieure et de l'insuffisance de rayonnement énergétique dans les espaces clos. Pour l'ensemble des procédés, la diminution progressive de l'action du photocatalyseur dans le temps (encrassement) n'est par ailleurs pas exclue. En effet, contrairement à l'environnement extérieur où le lessivage par la pluie joue un rôle primordial sur la pérennité des performances, il n'y a pas de régénération possible dans les bâtiments.

Si l'efficacité n'est pas démontrée, l'innocuité de ces procédés est également mise en cause. Les réactions de minéralisation incomplètes conduisent à la formation de composés secondaires, pouvant présenter une toxicité supérieure à celle des polluants à traiter. Dans le cas des peintures photo-actives, les radicaux formés par photocatalyse dégradent aussi la matière organique entrant dans la composition, libèrant des composés carbonylés.

Par ailleurs, l'utilisation de TiO2 sous forme nanoparticulaire pose question compte tenu de la toxicité des nanoparticules qui pourraient être relarguées en cas d'usure, de perçage ou de ponçage des revêtements photo-actifs.

Vers des procédures d'évaluation

A l'issue de ce bilan des connaissances, l'OQAI recommande la mise en place de procédures d'évaluation normalisées de l'efficacité et de l'innocuité, à la fois initiales et dans la durée, prenant en compte les conditions réelles, et la certification de tous les systèmes et matériaux avant commercialisation sur la base de ces normes.

Les travaux conduits par l'AFNOR via la commission B44A, créée en 2007, doivent constituer à terme un socle d'outils pour l'évaluation des différents systèmes et matériaux photocatalytiques. La norme AFNOR XP B 44-200 s'applique déjà à tous les épurateurs d'air autonomes pour le secteur tertiaire ou résidentiel, quelles que soient les techniques filtrantes (photocatalyse, charbons actifs, etc.).

Pour des concentrations voisines de celles de l'air intérieur, elles permettent de mesurer la performance intrinsèque, le débit d'air traité, les produits intermédiaires de réaction, l'acoustique et la puissance électrique absorbée par l'appareil.

Les épurateurs sont testés séparément avec un mélange de gaz (acétone, acétaldéhyde, heptane et toluène), des micro-organismes (bactérie Staphyloccocus epidermidis et champignon Aspergillus niger) (annexe informative pour les essais avec les micro-organismes), des allergènes (Felis domesticus 1) et des particules inertes (aérosol de Di-Ethyl-Hexyl-Sebacate entre 0,3 et 5 μm).

L'OQAI recommande également la poursuite des travaux de recherche et développement pour optimiser les substrats, tant sur le plan de la nature (envisager des alternatives au TiO2, à base de gallium, tungstène, palladium par exemple) que de leur structure.

Des matériaux comme les monolithes cellulaires ou les mousses alvéolaires, par exemple, possèdent un bon rapport surface/volume, assurent une bonne transmission de la lumière et occasionnent des pertes de charge trois fois inférieures aux médias de type feutre utilisés actuellement.

De plus, à l'heure actuelle, les constantes de temps des réactions photocatalytiques sont longues et peu en adéquation avec les impératifs de ventilation des bâtiments. Les développements futurs doivent donc porter sur l'amélioration de l'écoulement d'air à l'intérieur des systèmes. L'efficacité des systèmes doit être montrée en conditions réelles, les expérimentations in situ restant encore rares à ce jour.

Enfin, l'OQAI rappelle que l'amélioration de la qualité de l'air intérieur passe avant tout par la maîtrise des sources de pollution introduites dans les bâtiments et par une aération régulière des locaux. Les solutions d'épuration ne peuvent en aucun cas se substituer à ces principes de base.

Concernant la réduction des émissions de polluants, on peut rappeler que les produits de construction et de décoration introduits sur le marché après le 1er janvier 2012 doivent porter une étiquette indiquant leur niveau d'émission en composés organiques volatils. Cette obligation s'appliquera à tous les produits sur le marché à compter du 1er septembre 2013.

Les travaux de l'OQAI
L'Observatoire de la Qualité de l'Air Intérieur (OQAI) a été créé en juillet 2001. Il fait l'objet d'une convention entre les ministères en charge du Logement, de l'Ecologie et de la Santé, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe), l'Agence nationale de sécurité sanitaire en charge de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Son budget provient exclusivement de fonds publics. Le CSTB en assure la coordination scientifique et la mise en œuvre opérationnelle.

Outre le déploiement de campagnes à l'échelle nationale pour mieux connaître la qualité de l'air et le confort dans les lieux de vie fréquentés par la population française, l'OQAI assure également une mission de veille scientifique et de synthèse documentaire sur les études conduites dans les autres pays tout comme sur des sujets plus spécifiques. Dans ce cadre, l'OQAI organise périodiquement une synthèse des connaissances sur un sujet pour lequel des controverses existent, ou tout au moins qui mérite qu'un état des lieux sur les connaissances scientifiques soit posé objectivement. En 2010, l'OQAI s'était ainsi penché sur l'épuration de l'air intérieur par les plantes. En 2012, le thème retenu a également porté sur une technique d'épuration : la photocatalyse. Utilisée depuis peu dans les lieux clos, elle a au préalable montré son efficacité pour le traitement des effluents industriels. Pour chaque thème, l'expertise de l'OQAI s'organise en trois temps : 1) une journée scientifique réunissant les chercheurs du domaine, 2) l'élaboration d'un consensus pour l'établissement d'une synthèse des connaissances et des recommandations de l'OQAI et 3) la restitution publique de ces conclusions lors d'un « atelier de l'OQAI ». La journée scientifique sur la photocatalyse s'est tenue le 2 avril 2012 et a réuni environ 60 personnes ; la restitution publique s'est tenue le 25 juin.

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4 Commentaires

Stan

Le 17/10/2012 à 7h15

Je suis intéressé par le sujet

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Sylvain

Le 15/12/2012 à 9h57

je suis interresse par l'évolution des connaissances sur l'utilisation des traitements de surfaces par procédé photocatalytique.
leur nocivité ne semble pas établie?.

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Andrew

Le 07/01/2013 à 22h48

Interessé par le sujet.

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Luis

Le 06/01/2014 à 22h41

Cela concerne t-il également les fibres de laine de verre contenu dans les poussières et qui s'échappent lors du retrait de ces anciennes laines de verre ?

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