Des solutions existent
Philippe Desbrosses, le fondateur du centre pilote de « la Ferme Saint Marthe » et de l'association Intelligence Verte, se passe autour du cou sa vraie légion d'honneur, un collier de plantes presque illégales, composé de céréales non transgéniques, puis explique avec fougue qu'en 1939- 1944, à l'époque des tickets de rationnement, 34% des français étaient paysans contre seulement 4 ou 5% aujourd'hui. L'agriculture était bien moins dépendante du pétrole et nous étions moins vulnérable. Pour l'agronome, les occidentaux croient avoir acquis définitivement la sécurité alimentaire mais selon lui, au moindre accident climatique, politique ou diplomatique, si il y a des sécheresses, des inondations ou invasions de criquets, on peut être projeté dans la tragédie… Une prophétie que délivrait déjà l'orateur en 1986 dans son livre Le Krach alimentaire. Que préconise t-il ? L'homme annonce d'abord le lancement imminent d'un réseau, constitué d'universités paysannes et d'éco compagnonnage pour favoriser la création de fermes pilotes. Pourquoi ? Selon lui, il faut remettre les petits paysans dans les champs car les agricultures paysannes, vivrières et biologiques, qui sont malheureusement en voie de disparition avec un foncier trop cher, sont les seules à pouvoir réconcilier les hommes avec la terre sacrée (…). Question du public : Comment va-t-on devoir s'y prendre ? En étant plus solidaire, plus sobre et en partageant davantage» répond vaguement l'intéressé.
Pierre Rabhi, fondateur du Mouvement Terre et Humanisme, est ouvrier agricole depuis 50 ans et témoigne : j'ai fait mon 1968 en 1957 ! Pour moi le progrès était source de désordre. J'ai refusé la souveraineté absolue de l'argent et suis revenu à la terre, en refusant le recours à la chimie. Grâce à son travail, ce passionné a beaucoup voyagé. Il a découvert, surtout en Afrique, que les ouvriers agricoles s'endettaient pour payer le pétrole et ainsi exporter leur production. Il rappelle que pour une tonne d'engrais, il faut trois tonnes de pétrole ! Ils se ruinent donc…. Remonté, il donne volontiers une petite leçon d'histoire : Les occidentaux, menacés des temps-ci, ont l'air de découvrir la famine. Pourtant elle ne date pas d'hier ! (…) La crise d'aujourd'hui a été programmée depuis longtemps par le pillage des ressources naturelles des pays pauvres et par un mode d'organisation qui les a amené à l'indigence. Comment aider ces pays ? L'entrepreneur témoigne. Au Burkina Faso, une sécheresse terrible a infecté dans les années soixante dix toute la bande sahélienne, de l'Ethiopie au Sénégal, détruisant tout le biotope. Les populations avaient perdu leur troupeau et leur terre. Pierre Rabhi leur a alors proposé de recourir à l'agro-écologie : Grâce aux techniques de recherches mises au point dans nos labos en Ardèche, subventionnés, nous leur avons permis de produire davantage sur des terres arides et rocailleuses. Concluant, l'intéressé appelle la classe politique mondiale à faire preuve d'audace car il faut lutter contre l'imposture des OGM et généraliser les politiques décentralisées. La société civile est prête à innover .
Michel Jacquot, lui, avocat, membre de l'Académie de l'Agriculture de France, ancien directeur du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA), est persuadé que la crise alimentaire actuelle, en ville et à la campagne, peut être solutionnée. Après avoir rappelé la fragilité de l'équilibre entre l'offre et la demande en matière de nourriture, estimé que les thèses néo libérales ont faillies, l'expert s'emporte : Depuis 1994 et les accords de Marrakech, l'OMC persiste à vouloir détruire les politiques de protection et de soutien des agriculteurs C'est meurtrier ! Ajoutant, à propos de la dimension environnementale de ces accords commerciaux que Pascal Lami avait pour mission de développer une agriculture respectueuse de l'environnement. Pendant dix ans, il n'a rien fait ! . Regrettant le manque de coordination des règles agricoles à l'échelle mondiale, Michel Jacquot propose enfin, concernant les aides alimentaires, internes et externes que les excédents, gérés par la FAO ou le Programme Alimentaire Mondial, soient obligatoirement redistribués car il y a toujours aujourd'hui 800 millions de personnes qui mangent moins de 220 calories par jour. Essentiellement des végétaux, du lait et des œufs. C'est honteux ! Un sentiment partagé par Marc Dufumier, agronome et professeur d'agriculture comparée à AgroParisTech. Pour lui, il est également possible de doubler la production alimentaire mondiale car les techniques locales et adaptées existent. Surtout, l'agronome enfonce le clou : En attendant le doublement de la production mondiale d'ici 2050, par des voies originales et responsables, les éco consommateurs doivent prendre le pouvoir et faire évoluer le marché ! En mangeant moins de viande et en faisant des choix d'achats éthiques et respectueux de l'environnement…