La filière des combustibles solides de récupération (CSR) est encore marginale en France. Mal définies, ces préparations de déchets solides destinées à la production énergétique restent méconnues au-delà des spécialistes. Aussi l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a-t-elle organisé le 25 juin une table ronde pour partir "à la découverte" de ce secteur dans le cadre de son colloque national "Prévention et gestion des déchets dans les territoires".
Aujourd'hui, le recours aux CSR se limite en France à un peu plus de 100.000 tonnes par an brûlées quasi exclusivement en cimenterie, contre plus de 2 millions de tonnes en Allemagne. Les promoteurs du secteur évaluent le potentiel français à plusieurs millions de tonnes par an destinées principalement aux cimenteries ou à des unités de production d'énergie consommant pour tout ou partie des CSR.
Dans ce contexte, ces combustibles aiguisent les appétits, aussi bien du côté des spécialistes des déchets que du côté des industries consommant de grandes quantités de combustibles solides. Cependant, alors que le secteur se met en ordre de bataille, Marc Cheverry, chef du service de l'Ademe dédié à la prévention et à la gestion des déchets, appelle à se poser les bonnes questions pour éviter de créer des surcapacités. Sa crainte ? Qu'un développement incontrôlé crée des "aspirateurs à déchets" comme ce fut le cas avec l'incinération. Parmi les bonnes questions figure donc en premier lieu la disponibilité à long terme des gisements compte tenu de la volonté de réduire le volume de déchets.
Les REP mises à contribution ?
Si l'idée d'incinérer les déchets n'est pas nouvelle, les CSR restent pourtant peu connus et mal définis. "Juridiquement, les CSR n'existent pas", explique Christine Cros, chef du bureau de la planification et de la gestion des déchets au ministère de l'Ecologie, rappelant que la réglementation classe les produits selon qu'il s'agit de déchets ou non. En l'occurrence, les CSR sont des déchets et ils ne peuvent donc être brûlés que dans des installations d'incinération ou de co-incinération, insiste la représentante du ministère de l'Ecologie.
Concrètement, les CSR sont des déchets solides broyés de telle sorte à pouvoir être consumés dans des installations de co-incinération, et tout particulièrement en cimenteries en ce qui concerne la France. Il s'agit principalement de bois, de plastiques (mis à part le PVC qui contient du chlore), de papiers, de cartons ou de tissus qui sont issus des déchets industriels banals (DIB), des refus de tri en collecte sélective, des déchets non fermentescibles extraits des unités de tri mécano-biologique (TMB) ou encore des déchets collectés par certaines filières de responsabilité élargie du producteur (REP).
François de Tarragon, directeur commercial et marketing de l'entreprise de gestion de déchets Coved, estime d'ailleurs que les REP permettent d'assurer un flux stable dans le temps compte tenu de leur agrément. Ainsi, l'agrément de la nouvelle REP ameublement, dont les déchets collectés intéressent vivement les producteurs de CSR, "laisse la place" à la valorisation énergétique d'un tonnage égal à 35% des mises sur le marché.
Compte tenu de l'absence de définition, Pierre Mauguin, qui représente le groupement européen des producteurs de CSR (Erfo), plaide pour une standardisation afin d'améliorer la qualité des CSR. Cette standardisation passe notamment par la norme EN 15 359 qui définit les caractéristiques des CSR en se basant sur le pouvoir calorifique, le taux de chlore et le taux de mercure. A ces critères reconnus par la norme peuvent être ajoutés dans les contrats de fourniture des critères liés à l'humidité des CSR ou à la taille des broyats. Côté utilisateur, la priorité est donc accordée aux caractéristiques d'usage qui assurent une bonne combustion et peu de matières dangereuses pour l'environnement ou l'installation.
Un choix politique
Par ailleurs, le développement des CSR reste étroitement lié à la politique nationale de gestion des déchets. Ainsi, les intervenants ont souligné que l'essor du secteur en Allemagne est directement lié à l'arrêt de la mise en décharge en 2005. L'abandon de certains types d'exutoires constitue donc un moteur essentiel pour le secteur. Ainsi, la hausse de la TGAP pour l'enfouissement en France pourrait jouer un rôle dans le développement des CSR. Mais, à l'inverse, les politiques françaises de réduction des déchets, de réemploi et de recyclage doivent être prises en compte.
Surtout que le développement des CSR n'est pas sans ambiguïté au regard de ces priorités nationales en matière de déchets. Gaëtan Rémond, directeur du département énergies et climat d'Inddigo, estime qu'"il faut appeler un chat, un chat", jugeant que dans certains cas le but est "d'appeler autrement qu'incinérateur les unités de combustion de CSR". Sont particulièrement visées les chaudières CSR dédiées à la production d'énergie qu'il appelle "des incinérateurs branchés sur des réseaux de chaleur". D'ailleurs, sans être aussi explicite, François de Tarragon estime que les termes "chaudière plus" ou "incinérateur moins" s'appliquent à ce type d'unité.
Ainsi, du point de vue de l'acceptabilité sociétale, Gaëtan Rémond considère que "si on veut vraiment produire de l'énergie à partir de déchets, les politiques devront prendre leur responsabilité". Pour l'instant, la réponse du ministère est claire : "ce n'est pas le but aujourd'hui, il n'y a pas d'objectif politique pour la valorisation énergétique des déchets", explique Christine Cros, rappelant que les priorités vont à la réduction des déchets et à l'augmentation du recyclage.
Un message auquel Stéphane Rutkowski, représentant de l'Association technique de l'industrie des liants hydrauliques (ATILH) qui regroupe les cimentiers, répond sans détour : "l'enjeu du CSR, je le dis clairement, c'est le maintien de la compétitivité de l'industrie cimentière". Il explique notamment l'intérêt qu'il y a pour les producteurs à substituer des déchets à un combustible classique pour une industrie dont la facture énergétique représente environ la moitié des coûts.