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AccueilDavid DeharbeRetour sur la récusation d'un expert judiciaire anti-éolien

Retour sur la récusation d'un expert judiciaire anti-éolien

David Deharbe, avocat associé au cabinet Green Law Avocat, revient sur l'impartialité, exigible des experts comme des juges à travers la décision du Tribunal administratif d'Amiens de récuser un expert militant contre le développement de l'éolien.

Publié le 30/04/2012

Avec le jugement rendu le 10 avril 2012 par le Tribunal administratif d'Amiens, c'est un véritable coup de théâtre que vient de connaître le contentieux administratif de la cohabitation des éoliennes terrestres et les radars météorologiques (TA Amiens, 10 avril 2012, « Société Ecotera », n°1200428).

Retour sur les principales étapes du contentieux

L'on sait que selon les chiffres du SER, plusieurs milliers de mégawat éoliens sont paralysés par Météo-France qui émet des avis défavorables dans le cadre des procédures de permis de construire ou des refus dans le cadre de la procédure ICPE propre aux éoliennes onshore.

Pourquoi ? Tout simplement parce que Météo-France ne pourrait plus mener à bien ses missions de sécurité civile du fait d'une perturbation par l'implantation d'éoliennes à moins de 20 kms de ses radars (zone dite « de coordination », au sens de la circulaire du 3 mars 2008 des Ministres de l'écologie et de la Défense).

Or les opérateurs en ont légitimement douté et ont saisi le juge administratif pour obtenir l'annulation de refus de permis de construire. Dans un premier temps le Conseil d'Etat a lui-même admis dans un arrêt du 1er décembre 2010 qu'en l'état des connaissances scientifiques et en zone de coordination (s'agissant du radar d'Abbeville (80)), les permis devaient être délivrés (CE, 6ème ss section, 1er déc. 2010, n°323498, « Ministre de l'Ecologie »).

Mais en 2011, un rapport judiciaire a totalement inversé cette solution. Pour être scientifiquement éclairée, la Cour administrative d'appel de Douai a en effet nommé M. X dont la mission était d'analyser la réalité des perturbations alléguées, notamment à l'aune du rapport de l'Agence Nationale des Fréquences du 1 septembre 2005 (Rapport CCE5 n°1 du 19 septembre 2005). Concluant à la perturbation de façon encore plus catégorique, l'expert a considéré que la zone de coordination était sous-évaluée par le rapport de l'ANFR et devait être étendue à 30km au lieu de 20km ; selon une approche systémique l'expert devait même suggérer que l'on ne pouvait priver Météo-France de données radars et qu'aucune solution technique ne pourrait pallier cette perte.

Sur ces nouvelles bases scientifiques, la jurisprudence la plus récente de la Cour administrative d'appel de Douai ne semblait plus tolérer une quelconque perte de données des radars météorologiques en zone de coordination du fait du fonctionnement des éoliennes (CAA Douai, 30 juin 2011, n° 09DA01149, note X. Larue, AJDA 2011 p. 1497)… même si traditionnellement le juge exige que l'autorité démontre réellement le risque d'atteinte à la sécurité publique que constituerait la nouvelle construction.

Depuis, les décisions juridictionnelles s'étaient durcies, à l'instar de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er mars 2012, qui a infirmé un jugement ayant annulé des refus de permis fondés notamment sur le risque de perturbation du radar météo de Montclar. Les juges avaient là encore basé leur raisonnement sur le rapport de l'ANFR expertisé par M. X, mais de surcroit, avaient fait peser la charge de la preuve scientifique contraire du rapport sur le pétitionnaire du permis : « que devant la juridiction, la société d'exploitation du parc éolien de Monplaisir n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause les faits établis par ce rapport » (CAA Bordeaux, 1er mars 2012, n°11BX00737). L'expertise ordonnée par le Tribunal administratif d'Amiens étendue aux enjeux de sécurité… et la récusation de l'expert M. X.

C'est dans ce contexte qu'une nouvelle expertise a été demandée par un autre opérateur s'étant vu refuser des permis sur le même fondement du risque pour la sécurité publique. Le Tribunal administratif d'Amiens a ainsi très heureusement relancé le débat, en étendant le champ de cette nouvelle expertise, qui porte cette fois sur le radar d'Avesnes-sur-Helpe (59) mais surtout à l'appréciation concrète et localisée des enjeux de sécurité (TA Amiens, 18 octobre 2011, « Sté ECOTERA », n°0903355).

On ne pouvait manquer d'être surpris que Météo-France en soit réduit, en la matière, à soutenir ne plus pouvoir prédire les tornades, suivre en « live » des nuages toxiques à des dizaines de kilomètres d'industries classées Seveso ou devoir s'inquiéter des inondations engendrées par des phénomènes orageux sur des zones sans enjeux en termes de crues soudaines.

Manque d'impartialité

Une nouvelle fois Monsieur X a été désigné pour éclairer le juge et ici le Tribunal administratif d'Amiens. Mais à la demande de l'opérateur requérant, le même Tribunal a du se résigner courageusement à le récuser ! Et pour cause l'expert avait diffusé et signé sur les pages internet librement accessible de la Ville de Sèvres (« vert de rage ») des propos hostiles aux opérateurs éoliens et à la production d'électricité à partir de l'énergie éolienne en général… doux euphémisme pour rappeler que le récusé y qualifiait les éoliennes de « joujoux de riches » et les opérateurs éoliens de « prédateurs ». Mais ce sont les termes de l'article dans son ensemble, dont son auteur a revendiqué nommément la paternité, sur un site accessible à tous, qui ont également pesé dans la décision de récusation. Pour le Tribunal administratif d'Amiens en effet, c'est « une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité objective de M. X pour la réalisation de l'expertise diligentée » au sens de l'article L721-1 du Code de justice administrative.

Le prononcé d'une récusation demeure extrêmement rare, principalement parce que les causes de mise en doute de l'impartialité ne sont pas nombreuses. Mais quand bien même les parties considéreraient détenir un motif valable de récusation, les juges font preuve, dans un souci de sérénité des opérations d'expertise et de bonne administration de la justice, d'une vigilance et d'une rigueur stricte.

L'Etat, intervenant à l'instance, n'aura guère été inspiré en défendant à l'instance, pour sa part, le maintien de l'expert. Sans doute, Météo-France et le Ministère de l'Ecologie ne voulaient-ils pas renoncer à la seule base scientifique qui, un temps au moins, leur aura permis de reprendre la main au contentieux. Ce d'autant que la nouvelle réglementation ICPE1 intervenue en août dernier prévoit une clause de revoyure à 18 mois, quant au bien-fondé technique de la nouvelle autorisation préalable requise pour tout radar en zone de coordination (art.4 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980).

Dans l'immédiat, les parties attendent la désignation d'un nouvel expert et c'est pour ainsi dire une éclaircie pour les opérateurs… avant l'orage ? Nous ne nous risquerons pas au périlleux exercice de la prédiction. Disons simplement que l'expertise à venir ne conclura peut-être pas à une absence totale de perturbation des radars météorologiques, mais au moins nous savons que la juridiction administrative aura su veiller à un strict respect d'un principe fondamental de notre droit : l'impartialité, exigible de l'expert comme des juges.

Avis d'expert proposé par David Deharbe, avocat associé au cabinet Green Law Avocat

1 Décret n° 2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées ; Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 : Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980.

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5 Commentaires

David

Le 01/05/2012 à 10h01

Joujous de riches défendus par de grands avocats, OUI.
L'énergie procédurière des promoteurs le confirme ici encore.

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Paul

Le 01/05/2012 à 12h16

Bonjour à tous,

Pourquoi ce genre d'information ne passent pas au 20 h de TF1 et France 2 !
Les faits sont très graves, ils s'agit de déni de justice, voire même d'une corruption évidente du soi-disant expert par conflit d'intéret !
Pour preuve, en Allemagne ou en Hollande, les côtes sont largement pourvues d'éoliennes et dans ces pays, il y a également des radars météo que je sache, donc pourquoi ces interférences n'existeraient qu'en France ?! Je suis ancien Pilote de Ligne et ingénieur météo, je connais donc un petit peu le sujet.
Révoltez-vous ! Le Lobby anti éolien est extrèmement puissant, omniprésent, très souvent lié au lobby pro nucléaire, Bizarre ? L'énergie éolienne est celle qui a le meilleurs rendement et de très loin dans les énergies renouvelables.
Bien cordialement.

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Chelya

Le 02/05/2012 à 13h07

C'est même plus qu'"anti-éolien"... Quand on lit la prose de l'expert on peut même mettre en question son équilibre mental ( http://www.sevres-developpement-durable.fr/pagelivredor.php?id_chapitre=80 ) vu qu'il se déclare persuadé que les promoteurs éoliens font partie d'un complot organisé pour mettre en place une dictature mondiale !

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Carto

Le 02/05/2012 à 13h47

Tous ces anti-éoliens chevronnés ne se rendent pas compte qu'ils font l'objet d'une manipulation à grande échelle orchestrée généreusement pas la filière nucléaire. Peut-être qu'un jour on choisira d'ouvrir les yeux en regardant simplement le retour d'expérience des pays qui ont fait le choix de développer leur parc éolien.
Ce M. X n'a pas été mandaté pour ce dossier par hasard.

Cher DAVID, si cette énergie est si procédurière c'est que la propagande anti-éoliens a fait son chemin ! Tous les moyens sont bons pour attaquer un projet mais il faudrait se poser en amont la question du bien fondé des informations qui conduisent à déposer des recours...

Tant de bruit contre l'exploitation d'une énergie disponible à profusion alors qu'elle n'a aucun impact comparable à nos moyens traditionnels... A oui j'oubliais: le paysage ! il faudra pourtant admettre un jour que tout le monde ne trouve pas ça moche et qu'il y a des règles à respecter sur le choix des territoires.

Par ailleurs, la réglementation française est la plus contraignante du monde en matière d'éolien. Alors toujours mettre toujours en avant le soi-disant "saccage" de nos territoires par des "vampires" avides d'argent pour justifier l'opposition à un projet commence à perdre de crédibilité. Si vous voulez vous révolter contre le profit, remettez en question tout notre modèle économique et VOTEZ BIEN !

OUI aux économies d'énergie, OUI au ENR (toutes !) et OUI à l'impartialité (dans les 2 sens)

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RICE

Le 03/05/2012 à 16h58

MAIS COMMENT FONT-ILS DANS LES AUTRES PAYS EUROPEENS ? Exemple l'Allemagne avec un parc éolien de quelques 27.000 MW ou l'Espagne avec 21.000 MW (pour info la France a moins de 6.000 MW). Il n'y a pas de problèmes avec leurs radars ? A moins qu'il ne s'agisse en France que de la "nième" obstruction au développement d'une énergie renvoyant l'atome au placard ?

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