A l'occasion du débat sur l'énergie, Actu-environnement publie une série d'articles sur la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) pour la production d'énergie.
La précédente programmation pluriannuelle des investissements (PPI) pour la production d'électricité (1) , présentée en 2009, visait à établir le mix électrique français optimal, pouvant contribuer, avec la chaleur et les agrocarburants, à l'atteinte des objectifs européens en matière de développement des énergies renouvelables à l'horizon 2020 (2) .
Selon la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), cette PPI devait permettre d'atteindre cet objectif (23%) voire même de le dépasser (29%). De même, les émissions de CO2 imputables à la production électrique devaient diminuer de 34,7 Mt en 2006 à 13 à 25 Mt/an en 2020. Avec les investissements prévus et les hypothèses retenues, la sécurité d'approvisionnement en électricité serait assurée jusqu'en 2015. "Au-delà, des tensions pourraient apparaître à la pointe de la consommation en fonction de l'évolution du parc fioul ou d'une répartition par usages différente, notamment davantage de chauffage électrique", notait la DGEC dans son rapport au Parlement sur la PPI 2009 (3) .
Le document fixe des objectifs de développement de moyens de production d'électricité renouvelable : 25.000 MW d'éolien (19.000 MW en terrestre et 6.000 MW en offshore), 5.400 MW de solaire photovoltaïque, 2.300 MW de biomasse, et 3 TWh/an et 3.000 MW de capacité de pointe pour l'hydraulique.
Où en est-on aujourd'hui dans sa mise en œuvre? A l'échéance 2020, "les sujets principaux pour la production électrique en France concernent l'atteinte des objectifs du Grenelle de l'environnement, la durée d'exploitation du parc nucléaire actuel, la mise en service de deux réacteurs EPR et la question du renouvellement des installations thermiques", notait la DGEC en 2009.
L'éolien très en retard
Concernant les 19.000 MW d'éolien terrestre supplémentaire, la France est bien loin du compte : elle est passée de 2.500 MW installés fin 2007 à 6.700 MW fin 2011, soit une progression de 5.200 MW. Or, avec des contraintes réglementaires à la hausse, le rythme d'implantation a largement chuté, en repli de 37% entre 2010 et 2011. En 2012, moins de 500 MW ont été raccordés au réseau alors que, selon le Syndicat des énergies renouvelables, un rythme de 1.400 MW est nécessaire pour atteindre l'objectif fixé par la PPI. L'assouplissement réglementaire annoncé par le nouveau gouvernement pourrait peut-être inverser la tendance.
Pour l'éolien offshore, alors qu'un premier appel d'offres, lancé en 2011, devait doter la France de 3 GW répartis sur cinq sites, ce ne sont que 1.920 MW de projets qui ont été retenus sur 4 sites. Un deuxième appel d'offres devrait être lancé d'ici décembre 2012 pour la création de parcs éoliens au large du Tréport et de Noirmoutier, mais il ne suffira pas à atteindre les 6 GW fixés.
Le solaire et la biomasse sur la bonne voie
En revanche, le photovoltaïque est sur la bonne voie avec un rythme d'installation annuel supérieur à 1 GW, alors que l'objectif 2020 était fixé à 5.400 MW. En mars 2012, 3.200 MW de photovoltaïque étaient raccordés, contre 36,7 MW en septembre 2008. Mais alors que le secteur enregistre une baisse des demandes de raccordements, liée aux différentes modifications réglementaires, le gouvernement a annoncé une révision du dispositif des tarifs d'achat qui pourrait relancer la demande. De plus, 45 MW de projets ont été sélectionnés dans le cadre d'un premierappel d'offres pour les installations sur bâtiments entre 100 et 250 kWc et 450 MW d'installations sur très grandes toitures ou centrales au sol devraient être construites, d'ici 2014, dans le cadre d'un autre appel d'offres.
En termes de biomasse pour la production d'électricité, fin 2010, la capacité installée représentait 774 MW pour la biomasse solide et 175 MW pour le biogaz, soit un léger retard de 100 MW pour la biomasse solide par rapport aux objectifs fixés par la PPI (+520 MW en 2012 et +2 300 MW en 2020, contre 216 MW en 2006). Mais le dernier appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a retenu 420 MW de projets afin de rattraper ce retard.
Incertitudes pour l'hydraulique
Pour l'hydraulique, en 2011, 25.600 MW étaient installés, soit 300 MW de plus qu'en 2007. On est donc bien loin des 3.000 MW supplémentaires ! Si l'Union française de l'électricité (UFE) estime que le potentiel d'augmentation brut annuel peut atteindre 10,6 TWh (+9,5 TWh de nouveaux sites et + 1,1 TWh d'ouvrages existants optimisés), le résultat des "études de potentiel hydroélectrique menées dans le cadre des schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE)" n'est pas encore connu, note la DGEC, qui se refuse de faire des prévisions, dans un rapport sur l'industrie des énergies décarbonées en 2011. Car la période 2011-2012 sera charnière, estime-t-elle. Le dossier du renouvellement des concessions, initialement prévu en 2010, devait permettre d'optimiser la production énergétique, grâce à la modernisation du parc existant, ou à la création de nouveaux ouvrages, comme des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP). Il est actuellement en stand by. Ce qui est certain, en revanche, note la DGEC, c'est que "le relèvement des débits réservés au 1er janvier 2014 (4) devrait réduire la production nationale d'environ 2 TWh."
Quid des énergies classiques ?
Pour les énergies classiques, la PPI estimait que, malgré un fort développement des énergies renouvelables, "un parc thermique classique minimal reste nécessaire". De même, pour la gestion de la pointe, les centrales au fioul et les turbines à combustion sont présentées comme les seules alternatives à l'hydroélectricité. Ce parc, d'ici 2020, devait absolument être renouvelé en raison du déclassement de 50% de ses moyens de production, lié au durcissement des normes de pollution européennes. Des projets de cycles combinés à gaz devaient permettre de remplacer les centrales déclassées. Cependant, dans son dernier bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande de l'électricité, RTE évalue, d'ici 2016, à 3,6 GW et 4 GW le groupes charbon et fioul déclassés et estime que les quatre nouveaux cycles combinés attendus d'ici 2017 ne devraient pas compenser toutes ces fermetures. La mise en œuvre de la loi Nome, qui a créé une obligation de capacité d'effacement ou de gestion de la pointe, est censée répondre à cette problématique au-delà de 2015.
Pour le nucléaire, la PPI prend l'hypothèse d'une prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans. Pour l'heure, la question d'une prolongation au-delà de 30 ans fait l'objet d'un examen au cas par cas par l'ASN. Bugey 2, Fessenheim 1 et Tricastin 1 ont reçu le feu vert de l'autorité. Cependant, le gouvernement a affiché sa volonté de fermer la centrale de Fessenheim (1.800 MW) d'ici 2016.
La PPI misait également sur l'ouverture des EPR de Flamanville (1.650 MW) en 2012 et de Penly (1.650 MW) en 2017. Le chantier du premier a pris du retard et devrait conduire à une ouverture en 2016. Le gouvernement a également indiqué qu'il ne lancerait pas le chantier de Penly.