Et si les régions devenaient autorités organisatrices des énergies décentralisées (1) ? C'est ce que propose un groupe de réflexion de la Fabrique écologique, think thank qui réunit de nombreux acteurs du monde économique. Cela permettrait de clarifier les compétences de chaque collectivité et d'assurer une cohérence sur les territoires en matière de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables.
"Au-delà des aspects qui doivent rester centralisés, en particulier la sécurité et la gestion des réseaux, la population a intérêt, à coût égal, à ce que des autorités de proximité les accompagnent au mieux dans leurs problèmes énergétiques, et que se développent des solutions locales de production d'énergie face à la hausse des prix des marchés mondiaux", notent les auteurs.
Il s'agirait de donner davantage de responsabilités aux régions, comme elles le demandent, de "fournir un outil et des moyens supplémentaires pour développer les énergies décentralisées, mais, à la différence d'aujourd'hui, elles devront en assumer les conséquences en matière de financement des investissements nécessaires".
Ces propositions permettent de relancer la question de la décentralisation de la compétence énergie. Si cette idée a été largement partagée lors du débat national sur la transition énergétique, "les propositions qui s'en sont dégagées, limitées à celles qui font consensus, n'ont pas été à la hauteur des enjeux".
Réseau de distribution : une co-responsabilité entre ErDF et les régions
Alors que de nombreux acteurs demandent une plus forte emprise des collectivités sur le réseau de distribution, les auteurs du rapport estiment au contraire que, pour des raisons de sécurité énergétique, d'optimisation économique mais aussi de solidarité des territoires et de continuité de service public, cette gestion doit restée centralisée. En Allemagne et en Espagne, la territorialisation du système énergétique "pose le problème, devenu crucial dans ces pays, du renforcement et de la gestion des réseaux, et rend possible des écarts importants dans les tarifs de distribution", estiment-ils.
Créer des entreprises locales de distribution, comme le demandent de nombreuses collectivités, nuirait à l'équilibre des territoires et poserait la question des coûts de distribution, très différents selon la densité de la population, les difficultés du terrain… Cette solution "avantagerait les zones urbaines, dont certaines sont d'ailleurs fortement demandeuses d'un tel changement, mais risquerait en contrepartie d'accentuer l'écart avec des zones péri-urbaines ou rurales qui se sentent aujourd'hui délaissées".
Les auteurs préconisent donc d'améliorer le système actuel plutôt que de le remettre en cause. Les régions pourraient ainsi devenir autorités organisatrices des énergies décentralisées (société régionale d'énergie, SRE), c'est-à-dire disposer d'un "rôle opérationnel pour le développement des énergies décentralisées, le financement des investissements pour en assurer la distribution, et, le cas échéant, la prise en charge du guichet unique d'aide aux particuliers pour toutes les questions énergétiques".
Le schéma serait semblable à celui appliqué pour le transport ferroviaire avec la SNCF. ErDF se verrait attribuer la responsabilité de la distribution et devrait répondre à des objectifs de maîtrise des coûts et de qualitépour le réseau existant. "Une trajectoire d'investissement pourrait d'ailleurs être fixée par les pouvoirs publics, déclinée par régions sur la base d'objectifs nationaux harmonisés de qualité". En revanche, les SRE seraient en charge du développement du réseau pour accueillir les énergies décentralisées et de son financement.
Assurer la compétence énergie à l'échelle des bassins de vie
Pourquoi les régions ? Parce qu'elles sont déjà responsables des affaires économiques et des transports sur leur territoire et constituent un lieu de solidarité et de développement coordonné entre le rural et l'urbain. De plus, elles jouent déjà un rôle de planification en étant chargées de rédiger les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE).
Mais pas question de centraliser à nouveau une compétence au niveau de la région. Celle-ci devra en effet déléguer ses missions, à des échelles pertinentes (bassin de vie, métropole…), à des autorités locales organisatrices des énergies décentralisées (sociétés locales d'énergie, SLE), qui disposent de moyens humains et financiers suffisants pour assurer ces missions.
"L'objectif est de donner un cadre cohérent à la coopération inter-territoriale, en surmontant le clivage entre les réseaux d'acteurs existants. La nouvelle organisation énergétique du territoire serait ainsi fondée sur quelques autorités locales organisatrices des énergies décentralisées, en nombre réduit et avec une maille assurant une solidarité et une complémentarité entre l'urbain et le rural".
Certaines régions ont déjà montré l'exemple en créant des sociétés d'économie mixte d'énergie, notent les auteurs. "Le nouveau dispositif donnera aux SRE - SLE une configuration, des compétences et des moyens beaucoup plus importants. Il permettra d'imprimer une véritable logique régionale à la politique d'économies d'énergie et d'énergies renouvelables, tout en permettant une gestion au plus près des territoires".
Sur le statut des SRE-SLE, les auteurs ne tranchent pas : société d'économie mixte, établissement public, syndicat mixte ou société publique locale, peu importe. L'objectif premier est de "rassembler des acteurs publics locaux et les autres acteurs de l'énergie afin de bénéficier de leur expertise pour l'application de la politique énergétique territoriale".
Une contribution climat énergie régionale ?
Pour développer les moyens de production décentralisés (énergies renouvelables et chaleur) ou impulser des solutions de maîtrise de l'énergie, les régions devront utiliser des leviers financiers, que ce soient des incitations, des prises de participation, des prêts ou des garanties.
Les SRE-SLE devront être dotées de moyens financiers pérennes, sans pour autant mobiliser des ressources publiques supplémentaires. Plusieurs pistes sont évoquées par les auteurs, parmi elles la rationalisation, la réaffectation de certaines ressources existantes (TIPP (2) , taxes sur l'électricité, TURPE (3) …) et la réforme des taxes. Il s'agit de rationaliser les ressources et d'en optimiser l'utilisation via la mutualisation. Un fonds climat-énergie régional et local pourrait centraliser ces moyens.
Les régions pourraient décider également de la création d'une contribution climat énergie, à condition qu'elle concerne toutes les énergies, qu'elle soit proportionnelle à l'énergie consommée, "avec un coefficient de majoration en fonction des émissions de gaz à effet de serre et encadrée dans des limites étroites, quelques centimes". Autre prérogative : rester à prélèvements constants et donc diminuer, en contrepartie, des impôts existants.