Si le socle fondamental en la matière reste la loi du 13 juillet 1992 qui fixe les objectifs de réduction, de réemploi, de recyclage et de traitement des déchets, le CES, dans sa mission de conseil auprès du gouvernement, s'est saisi de la question des déchets afin de fournir une véritable feuille de route à la politique française. Le CES avait émis un avis sur le même sujet en 1999 mais la situation de gestion des déchets a évolué depuis cette date, il manque encore un cadre opérationnel clair, a commenté la rapporteure.
Une adaptation nécessaire malgré des évolutions constatées
Les déchets ménagers et assimilés (ordures ménagères, déchets des petites entreprises et déchets occasionnels) représentent 32,5 millions de tonnes chaque année, soit 4 % de la production totale de déchets en France. Si en 60 ans ce chiffre a doublé, la tendance actuelle serait à une stabilisation de la production des déchets ménagers. Selon le CES, des évolutions ont été constatées depuis le dernier avis émis en 1999 (montée des filières de responsabilité élargie des producteurs, renforcement de la réglementation sur l'incinération et le stockage, normalisation des composts, création du Centre national des déchets…) mais des progrès restent à faire quant à l'organisation de la gestion des déchets et à son financement : les performances de l'organisation de la collecte ne décollent pas, la collecte et la valorisation des biodéchets sont marginales, certains gisements, comme les déchets dangereux diffus, sont très mal captés et la réduction des déchets à la source peine à se concrétiser, a constaté l'institution. Afin de rectifier le tir, le CES a axé sa réflexion sur plusieurs principes : la coresponsabilité des acteurs, le développement du caractère incitatif des financements et enfin le niveau des taxes et contributions et leurs modes d'affectation et de gestion. 21 propositions ont émergé des travaux du CES, qui seront soumise au débat et au vote les 22 et 23 avril.
Vers une économie circulaire
Favoriser l'éco-conception, le réemploi et le recyclage des produits sont au centre des premières propositions émises par le CES. L'objectif ? Créer une économie circulaire afin de réduire les déchets à la source et favoriser la valorisation des ressources déjà produites. Deux principales catégories de déchets sont visées : les produits manufacturés (68 % des déchets ménagers) et les déchets organiques (24 %).
Pour ce faire, le CES prône la généralisation des responsabilités élargies des producteurs (REP) à l'ensemble des produits manufacturés, appuyant les conclusions du Grenelle de l'environnement qui défendent, entre autre, la création d'une taxe envers les produits fortement générateurs de déchets et la mise en place d'une filière pour les déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI).
Les efforts en matière de recyclage des déchets organiques devraient également être accentués selon le CES qui préconise la collecte séparative systématique du flux des fermentescibles.
Développer la coresponsabilité
Si aujourd'hui, la responsabilité de la collecte des déchets incombe principalement aux collectivités territoriales et en partie aux producteurs, via la mise en place de filières de valorisation spécifiques, le financement de la gestion des déchets pèse davantage sur les contribuables (plus de 80 %). En favorisant la mise en place d'un dispositif de financement équilibré, le CES souhaiterait inciter la coresponsabilité des acteurs et encourager chacun d'entre eux, producteurs, collectivités, citoyens, à agir à son niveau.
Afin de responsabiliser les producteurs, le CES préconise 4 mesures : atteindre un niveau de prise en charge à 80 % par les REP des déchets induits par les produits manufacturés, contre 6 % actuellement ; introduire des critères incitatifs dans les barèmes des producteurs afin de favoriser l'éco-conception ; harmoniser les REP et n'agréer qu'un éco-organisme par filière contrairement à certaines pratiques actuelles (DEEE…) et enfin réintroduire les consignes qui ont quasiment disparu en France aujourd'hui, notamment pour les produits dangereux (solvants…).
Afin d'inciter le consommateur à modifier ses comportements, le CES préconise un marquage « fin de vie » des produits, inspiré de l'étiquette énergie développée pour l'électroménager, et l'intensification des campagnes d'information afin de promouvoir l'éco-consommation.
Le CES recommande également de faire évoluer les dispositifs de financement actuels (TEOM, REOM, redevance spéciale…) vers un mode de financement unique et incitatif. Cette mesure rejoint la proposition du comité opérationnel (ComOp) Déchets du Grenelle qui préconisait la création d'une redevance incitative sur les déchets.
L'Etat, principal régulateur
Enfin, selon le CES, la coresponsabilité entre acteurs nécessite une régulation publique, afin de renforcer la cohérence de la politique des déchets et améliorer le traitement lui-même comme son organisation. Cette régulation passe, selon le CES, par une définition claire de la notion de déchets ultimes, qui fait l'objet de conceptions très différentes aujourd'hui.
L'Etat aurait également un rôle accru à jouer dans le développement et le financement de la filière de valorisation de la matière organique.
Une optimisation des éco-organismes et du système de financement doit également être recherchée, via la mise en place d'un régulateur des éco-organismes et la réaffectation de la TGAP étendue vers la gestion des déchets (aujourd'hui, une partie de la TGAP perçue finance l'ADEME par exemple).
Enfin, le CES demande que soit clarifié le rôle du Centre national des déchets, que la recherche sur les déchets soit relancée et qu'une nouvelle loi Déchets soit proposée au Parlement.