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Actu-Environnement

La délégation de services publics, modèle français contesté

A l'heure de la montée en puissance des mouvements de remunicipalisation des services publics en France, les entreprises du secteur privé de divers secteurs tels que l'eau, les déchets et les transports revendiquent leur efficacité.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï

Lors d'un colloque au Conseil économique, social et environnemental à Paris le 10 octobre, les grandes entreprises de l'eau (Veolia et Suez), du BTP (Vinci Concessions et Eiffage), des transports (Keolis) affichaient une success story : face à des maires qui exercent leurs prérogatives de "décideurs de la qualité des services publics", les délégataires exécutent les cahiers des charges fixés par les appels d'offres. Par la délégation de service, les pouvoirs publics confient par contrat la gestion d'un service à une entreprise privée, le délégataire, qui se rémunère via l'exploitation du contrat.

Dans le domaine de l'eau, la gestion déléguée continue de prévaloir en France, où, selon un modèle spécifiquement français, elle couvre encore aujourd'hui 66% de la population. Doit-on s'en inquiéter, alors que d'autres pays européens, tels que l'Allemagne, la Belgique, la Norvège, les Pays-Bas, ont conservé dans le giron public la quasi-totalité de la gestion du service de l'eau ? "Il n'y a pas de raison qu'une collectivité n'ait pas les moyens de contrôler les délégataires", selon Antoine Frérot, PDG de Veolia Environnement. Ainsi n'y aurait-il pas lieu de considérer la délégation de service public comme une privatisation, car "le service public n'est pas régulé par les lois de l'offre et de la demande, mais par l'autorité publique", poursuit M. Frérot. "Le maire est l'interface, c'est lui qui choisit l'outil, et le client, c'est l'ensemble des usagers, le maire est le réceptacle de la satisfaction ou de l'insatisfaction", corrobore Jacques Pélissard, président de l'association des maires de France et député-maire (UMP) de Lons-le-Saulnier (Jura) depuis 1993.

Défiance des collectivités face à la dérive des coûts

Entretien avec Hubert du Mesnil, Président de l'Institut de la gestion déléguée
Reste que la gestion déléguée "a beaucoup évolué depuis vingt ans", reconnaît le PDG de Veolia Environnement. De fait, en France, la pression s'est nettement accrue sur les marges des opérateurs privés dans un contexte de renégociation de contrats (Toulouse, Bordeaux, Lille, Syndicat des eaux d'Ile-de-France ...) et de visibilité accrue de la problématique. Quelques cas emblématiques de remunicipalisation, comme Grenoble après l'affaire Carignon, ont marqué l'actualité. Et, à Paris, où l'eau a été remunicipalisée en 2010 à l'issue de 25 années de délégation de la distribution de l'eau aux deux géants du secteur - Veolia pour la rive droite, et Suez pour la rive gauche -, il s'est avéré que le passage en régie était source d'économies pour la Ville, estimées à quelque 35 à 40 millions d'euros par an. La reprise du contrôle sur l'ensemble de la filière, de la production à la distribution en passant par la facturation et la relation avec les usagers, a procuré des économies d'échelle et permis de gagner en efficacité, selon le cabinet SP 2000, spécialisé dans les audits de délégation de service public.

Les raisons d'un retour en régie pour les collectivités qui le choisissent sont diverses : choix politique, cohérence des modes de gestion, conséquences de résiliation de contrat, contentieux avec le délégataire, absence de concurrence... Volonté de transparence, maîtrise du prix et de la qualité du service sont recherchées. En régime privé, aux coûts de fonctionnement s'ajoutent les coûts des dividendes versés aux actionnaires privés, les marges en cascade générées par les systèmes de sous-traitance aux filiales, et les transferts financiers visant à alimenter d'autres activités de ces multinationales. "Beaucoup disent que la gestion déléguée est plus chère que la régie. Les délégataires ont fait des études pour montrer que ce n'était pas le cas. A qualité égale, la gestion déléguée n'est pas plus chère, voire moins. Mais la vérification est difficile", estime M. Frérot, pour qui "le profit n'est pas un surcoût, mais le résultat d'une meilleure efficacité". Une idée qui a du mal à passer...

Des usagers déroutés

"Ajustement permanent, renégociation, avenants, enrichissements de contrat de gestion déléguée", la délégation de service public permettrait une grande maniabilité et une transparence satisfaisante, selon M. Pélissard. Pour Antoine Frérot, la durée des contrats doit être fonction "de ce qu'on attend de progrès du service dans la durée". Dans les faits, le risque pour les municipalités est de perdre le contrôle sur les délégataires en raison de la complexité des clauses et de la durée des contrats. Du reste, les sondages manifestent une certaine érosion de la satisfaction des usagers, dont une vaste majorité ne savent pas ce qu'est la gestion déléguée. Selon le baromètre BVA de 2012, le taux de satisfaction sur les services publics locaux est de 78%, un chiffre en diminution depuis 2008, où la satisfaction était de 90%, expose Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA : "Les Français pensent que leurs services publics sont bien moins gérés qu'ailleurs", et 53% d'entre eux seraient tout bonnement "contre" la gestion déléguée, "sauf si son intérêt économique était démontré".

Pour Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, il s'agit de débats complexes "assainis" par la loi Sapin, qui a fêté ses vingt ans cette année. Aujourd'hui, tous les services n'ont pas à demeurer dans le giron public. Ainsi, selon la ministre, le stade de Nice, construit par Vinci Concessions, mais éligible à des subventions publiques, pouvait être totalement privé. En ce qui concerne la construction d'un aéroport, une région "ne peut pas faire seule". Mais, pour certains services publics vitaux, les collectivités doivent pouvoir avoir le choix. L'Etat a mis en place des outils de mutualisation financière, afin de leur permettre d'obtenir des crédits à faibles taux sur des longues durées.

Réactions3 réactions à cet article

Service public mieux que régie pour l'usager ? À VOIR.

Prenons les SPANC (Service Public d'Assainissement Non Collectif).

Ils ont été créés sans tenir aucun compte du nombre de "clients" à contrôler, donc de contrôles facturables à faire. Comme si un boulanger s'installait quelque part sans avoir étudié si le nombre de pain à vendre suffira à le faire vivre. En cas de vente insuffisante, c'est la faillite.
Pour un service public, en cas de vente insuffisante, on augmente les factures, pas de risque de fuite du "client" puisqu'il est captif et en obligation de subir les contrôles imposés même inutiles.
Après quelques années de divers contrôles faits et facturés, il ne reste que très peu de contrôles à faire donc d'argent à gagner pour équilibrer le budget.

Il ne reste qu'un seul contrôle répétitif, c'est le contrôle dit de bon fonctionnement de l'installation. La loi autorise ce contrôle à intervalle de dix ans.
Alors pour gagner malgré tout de l'argent le contrôle de bon fonctionnement intervient bien plus souvent et on a créé une redevance ANC annuelle, ce qui est illégal puisque le SPANC est un service public à caractère industriel et commercial (SPIC) et qu'à ce titre il n'est autorisé à se financer que par la facturation de services effectivement rendus.
On fait payer des contrôles inexistants ou inutiles.
Le racket, sans recours possible, du service public.

micocharly | 18 octobre 2013 à 10h37 Signaler un contenu inapproprié

La mise en concession pourrait être plus économique sous l'angle de l'effet d'echelle. les grandes sociétés ont des services centralisés d'ingénièrie, de laboratoires d'analyses et contrôle, elles peuvent passer des marchés pour obtenir de meilleurs prix quand il s'agit de choses communes à plusieurs installations. Seulement la tentation est grande de n'employer ces possibilité QUE pour accroitre les bénéfices.
L'autre aspect, évident, est que dans un cas les bénéfices sont versés a des actionnaires dans l'autre ils sont réutilisés pour le service des abonnés. Le capital de ces grands groupes est excessivement dispersé et ce n'est pas bon.
Un exemple d'économie d'échelle: l'eau doit être contrôlée tous les jours sur un nombre de paramètres dont on n'a même pas idée et cela nécessite de gros équipements de laboratoire. un laboratoire centralisé recevra des échantillons de plusieurs sites et les analysera avec des appareils automatisés travaillant à pleine capacité. Un laboratoir par site devra acheter presque les mêmes appareils et ne les emploiera que partiellement.

ami9327 | 21 octobre 2013 à 09h57 Signaler un contenu inapproprié

Je suis très satisfait de cet article. Je souhaite avoir des information sur les avantages et les difficultés de la mise en œuvre de la gestion délégué.

soul | 22 octobre 2013 à 12h30 Signaler un contenu inapproprié

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