Utiliser les cernes des arbres comme boîte noire des pollutions passées : c'est le principe d'une méthode de biosurveillance de l'environnement, la dendrochimie. Elle utilise en effet la mémoire végétale pour remonter l'historique des contaminations. L'arbre prélève les polluants du sol, dans la nappe phréatique ou dans les gaz du sol grâce à ses racines. Ces derniers passent par la sève et une partie sera évapotranspirée par le feuillage et une autre pourra être fixée dans le bois.
"Lorsque la pollution va apparaître et impacter l'arbre, les polluants vont être liés au bois nouvellement formé et nous allons les retrouver par des procédés de micro analyse, explique Jean-Christophe Balouet, co-auteur d'une étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology (1) et spécialiste de la question (2) , nous réalisons une sorte de scanner de l'arbre - un light scanning -tous les 50 microns qui fournit une analyse complète de tous les éléments présents".
Cette lecture des cernes des arbres permet une précision à une année près. Ainsi, lors d'une pollution aux composés organochlorés provenant d'un pressing, cette technique pourrait permettre de dater l'incident et de retrouver le propriétaire responsable.
La méthode implique la présence d'arbres à proximité du site pollué. "Un arbre de 10 m, par exemple, disposera d'un diamètre de racine grossièrement équivalent à 10 m, donc 5 m de chaque côté, expliqueChristophe Balouet, le cas idéal serait que l'émetteur de la pollution se situe dans ce périmètre, nous arrivons cependant à dater des contaminations de site avec un arbre à 35 m de la source".
Lorsque deux arbres se situent dans le panache de contamination, ils autorisent également le calcul du temps de migration de la pollution dans le sol et donnent des indices pour remonter jusqu'au pollueur.
Selon leur solubilité, les contaminants s'avèrent plus ou mois disponibles pour être absorbés par l'arbre. Ces derniers vont également être répartis dans différents compartiments de l'arbre.
" Dans la part de mercure qui remonte dans les racines, moins de 5% se retrouvent à l'intérieur de l'arbre : une partie va être filtrée au niveau racinaire, une autre au niveau tissulaire, une part sera évaporée par le tronc et le feuillage, précise Christophe Balouet, certains polluants nous obligent à descendre jusqu'à des limites de détection très basse".
Validés pour les composés organochlorés, des tests sont aujourd'hui en cours pour appliquer la méthode à d'autres polluants comme les PCB, les métaux lourds, les dioxines, les HAP.
Une autre technique, le phytoscreening, renseigne sur les pollutions actuelles. A partir du prélèvement de microéchantillons de bois sur cernes externes, les experts mesurent de très faibles concentrations (partie par trilliard ppt) et réalisent ainsi des cartographies des contaminants.
" Cette technique ne nécessite pas de gros arbres : des arbustes de 4-5 ans peuvent suffire, cela dépend de la profondeur de la nappe phréatique, pointeChristophe Balouet, nous sommes parvenus à réaliser des cartographies d'une pollution aux métaux lourds en plantant du maïs sur les sites pollués". Ces deux méthodes n'impactent pas les végétaux.
Des abeilles comme indicateurs de la qualité de l'environnement
Les bioindicateurs sont de plus en plus sollicités pour détecter la présence de polluants dans l'environnement. Les abeilles s'avèrent ainsi de bonnes sentinelles de la qualité de l'environnement.
" En volant, les abeilles collectent les polluants de l'air, en butinant, récupèrent les contaminants de l'eau, et le pollen fournit des indications sur les composés du sol", souligne Benjamin Poirot, Co-fondateur d'Apilab, bureau d'études spécialiste de la biosurveillance de l'environnement par les abeilles.
Pour évaluer un lieu, l'entreprise installe pendant au minimum 12 mois des ruches à proximité, mais également à 10 km pour disposer d'un point de repère comparatif.
En principe, les abeilles butinent dans une surface de trois kilomètres de rayon. "Si elles ne trouvent pas suffisamment à manger, elles peuvent s'aventurer plus loin, certains exemples montrent qu'elles s'aventurent à plus de 10 km, note Benjamin Poirot, mais ce n'est pas le cas en France".
Le premier indice pour repérer une pollution : la mesure de l'activité de la colonie. Un boîtier, situé à l'entrée de la ruche, permet de réaliser un comptage des abeilles qui entrent et sortent. Les équipes comparent ensuite les résultats avec ceux des ruches témoins.
" En été, par une journée ensoleillée, si au lieu de 200.000 sorties, le capteur en identifie par exemple 10.000, cela signifie que la colonie a développé une maladie ou accumulé un polluant qui la fait souffrir et l'empêche de sortir, développe Benjamin Poirot.
Le second indicateur est la mesure de la mortalité de la colonie. La mortalité quotidienne normale pour des butineuses est comprise entre 2.000 et 30.00 abeilles par jour. Une surmortalité de ces dernières peut révéler une pression liée à l'environnement.
" Les pertes d'abeilles sont liées à la présence de pesticides dans la plupart des cas, préciseBenjamin Poirot,les autres polluants entraînent une baisse d'activité seulement à forte dose".
Les équipes réalisent des prélèvements d'abeilles trois à cinq fois par an pour mesurer leurs concentrations en métaux lourds, HAP, dioxines, furanes, PCB et produits phytosanitaires.