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AccueilArnaud GossementDiscours de politique générale de Jean-Marc Ayrault : le Grenelle n'est pas loin

Discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault : le Grenelle n'est pas loin

A l'occasion de son discours de politique générale devant le Parlement, Jean-Marc Ayrault a préféré un discours de la méthode sur la manière dont les décisions seront prises au regard des grands objectifs fixés par le Président de la République. Un discours de la méthode proche de celle du Grenelle.

Publié le 04/07/2012

A l'occasion de son discours devant l'Assemblée, le Premier ministre s'est assez peu engagé sur le contenu des décisions publiques notamment en matière de développement durable qui seront prises durant le quinquennat. A un catalogue de promesses chiffrées, Jean-Marc Ayrault a préféré un discours de la méthode sur la manière dont les décisions seront prises au regard des grands objectifs fixés par le Président de la République.

Pour résumer le discours, il serait tentant de dire « tout ne viendra pas d'en haut et les décisions seront prises collectivement ». Tout au long de ce discours, le Premier ministre s'est en effet longuement fait l'avocat d'une démocratie plus participative dans un contexte où l'Etat, affaibli, concurrencé par d'autres institutions locales ou européennes, ne peut plus décider seul et ne peut plus imposer seul. Celles et ceux qui attendaient une liste de mesures toutes ficelées et du prêt à porter seront inévitablement déçus. Celles et ceux qui sont convaincus que l'Etat ne peut plus tout, sauf à créer l'illusion, applaudiront.

« Je crois à un Etat stratège »

Deux phrases du discours de Jean-Marc Ayrault sont absolument essentielles pour comprendre sa conception de l'Etat. La première : « Je crois à un Etat stratège, garant de la connaissance des politiques publiques et de la solidarité entre les citoyens et les territoires ». Le propos n'est pas ici de rappeler l'histoire et le contenu de ce concept d' « Etat stratège » qui échappe au clivage droite/gauche mais qui procède de l'idée que l'Etat n'est plus le seul acteur et auteur des choix collectifs. Qu'une meilleure coopération des secteurs publics et privés est nécessaire. Qu'une implication plus grande des citoyens est indispensable. Le discours du Premier ministre est d'ailleurs constellé d'appels à la mobilisation de tous et « l'association de tous à la décision » est promise à maintes reprises. Face à la crise économique, sociale et économique, Jean-Marc Ayrault ne brandit donc pas de baguette magique mais encourage l'émergence d'une démocratie plus participative. D'où l'annonce d'une conférence sociale et d'où l'annonce d'une conférence environnementale. Une autre phrase du discours du Premier ministre confirme ce parti pris : « Le changement ne se décrète pas, il ne se mesure pas au nombre de lois votées, il est un mouvement qui inspire toute la société, un mouvement porté par tous les corps intermédiaires (les collectivités locales, les partenaires sociaux, les associations, les ONG) ». Note histoire est en effet marquée par un amour du droit et des lois, lesquelles pleuvent dès qu'un fait divers vient émailler l'actualité. Le précédent gouvernement a en effet fait voter, parfois à marche forcée, une quantité impressionnante de lois, dont certaines seront prochainement déconstruites, comme celle relative à l'augmentation des droits à construire. Le droit de l'environnement n'a pas échappé à cette inflation législative et le code de l'environnement a considérablement grossi ces dernières années. Moins de lois et moins de gesticulation de l'Etat. Le principe de Jean-Marc-Ayrault, c'est donc le principe de participation du public. Reste à savoir comment il sera appliqué.

Le modèle du Grenelle

Un Etat stratège, une « mobilisation » de tous, une démocratie plus participative, moins de lois : c'était aussi la promesse du Grenelle. En 2007, le projet de celles et ceux qui ont « co-construit » une nouvelle « gouvernance à cinq » était bien de négocier des engagements qui engageaient tous les acteurs de la société – syndicats, entrepreneurs, associations, élus locaux – et pas seulement l'Etat. Le Grenelle devait symboliser l'émergence de cette démocratie écologique et participative qui était déjà annoncée par la Charte de l'environnement de 2005. En matière de développement durable, l'Etat n'était plus seule à décider et plus seul à s'engager. Malheureusement, au lendemain du Grenelle, le succès de cet exercice démocratique n'a été évalué qu'au poids de lois et de décrets votés. Bref, soit l'Etat faisait et l'écologie était sauve, soit il ne faisait pas et le Grenelle était mort. L'Etat est devenu de nouveau l'alpha et l'oméga de la politique de développement durable. Lorsque le Chef de cet Etat a déclaré que l'environnement commençait à bien faire, la messe était dite et le Grenelle enterré. La responsabilité de cette mise en sommeil du Grenelle était notamment celle de l'Etat dont les représentants n'ont pas admis que l'on ne pouvait pas tout attendre d'eux. Il semble que, de ce point de vue, le nouveau Premier ministre ait cette audace. Sans le nommer il revient bel et bien à la promesse initiale du Grenelle de l'environnement de 2007 : l'Etat n'est pas l'acteur unique du développement durable de la nation. La promesse sera-t-elle désormais tenue ? Il est trop tôt pour répondre sauf à intenter un procès d'intention à la nouvelle équipe. Certes, il n'était politiquement pas possible de reprendre l'expression « Grenelle de l'environnement » par souci de se différencier de la politique du précédent gouvernement mais aussi pour réduire le risque d'une comparaison. Pourtant, la « conférence environnementale » annoncée par le Premier ministre pour le mois de septembre prochain ne peut cacher son inspiration et son modèle. La réunion des cinq collèges plus celui des parlementaires a été annoncée. Quel en sera l'ordre du jour ?

Du Grenelle à la conférence environnementale

La nouvelle équipe sait parfaitement qu'il ne peut être question de refaire à l'identique le Grenelle de l'environnement. La Conférence environnementale ne peut avoir pour objet de renégocier des engagements : il y aurait fort à parier que les parties ré écrivent presque à l'identique les 263 engagements de 2007. Par ailleurs, les objectifs fixés par le Président de la République ne sont pas si éloignés de ces derniers. A deux exceptions prés. Le Premier ministre a en effet annoncé une réforme du code minier et une réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Pour le reste : performance énergétique du bâtiment, plan massif d'économies d'énergie, développement des énergies renouvelables, mobilité durable….tout ceci avait déjà été discuté. Inutile de rappeler qu'en matière d'écologie, les constats sont les mêmes depuis des décennies et que les solutions sont généralement connues depuis longtemps également. Si le discours du Premier ministre comporte de nombreux éléments de langage verts, il lui était également difficile d'être absolument novateur en ce domaine. En définitive, le principe du Grenelle est conservé et c'est en réalité à un bilan de sa mise en œuvre depuis cinq ans que la « Conférence environnementale » devra s'employer. Au demeurant, le Gouvernement n'a pas prévu de mettre en place des groupes de travail, de faire circuler un trame d'engagements. Comment cette conférence gouvernementale se présente-t-elle ? Force est de constater que les premiers signaux envoyés par le nouveau gouvernement n'ont pas été tous positifs. Du changement de ministre de l'écologie en plein sommet de la terre à la relégation de son ministère dans l'ordre protocolaire en passant par une gestion confuse du projet de forage pétrolier guyanais et la poursuite du projet nucléaire Astrid ou du chantier d'aéroport de Notre Dame des Landes : les bonnes nouvelles sont encore rares à l'exception de l'interdiction du Cruiser. L'écologie deviendra-t-elle pour autant une simple variable d'ajustement de la politique du Gouvernement ? Sans doute pas car cela n'est tout simplement plus possible. Le développement durable ne dépend pas que de la volonté du Premier ministre mais bien de choix réalisés collectivement et l'Etat stratège n'est plus seul à décider, à freiner ou à accélérer : sur ce point au moins donnons raison à Jean-Marc Ayrault.

Le Grenelle est mort ? Vive la conférence environnementale !

Chronique proposée par Arnaud Gossement, avocat en droit de l'environnement et ancien acteur du Grenelle.

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4 Commentaires

Albatros

Le 05/07/2012 à 8h33

Le progrès commencerait par cesser de "verdir" tout et n'importe quoi et à sortir de cet oxymore qu'est le "développement durable", complètement dépassé et dévoyé par les green-washers du marketing industriel et surtout politique. M. Gossement, en bon avocat spécialiste du droit de l'environnement (donc heureux bénéficiaire de cette inflation de lois inextricables qu'est devenu le code de l'environnement) oublie les deux autres dimensions: la sociale et l'économique. C'est souvent dans l'ignorance de ces deux dimensions que s'est construite l'inflation réglementaire et cela explique largement les successifs "reculs" observés.
En résumé, je n'ai rien contre le développement du business des avocats environnementalistes (quoi que...), mais je suis convaincu de la nécessité du développement des activités en France, dans le souci de la protection de l'environnement.

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Sirius

Le 05/07/2012 à 10h25

Une fois encore la protection de la nature,des paysages ,des sites historiques ou naturels semblent totalement étrangère aux technocrates et aux politiques et à ceux qui les accompagnent.
L'écologie n'est pas un chapître de la politique énergétique, au service du social. En cela elle se distingue du fameux "développement durable" qui semble tenir lieu de doctrine à ceux qui agissent au sein des ministères.
Mais on sait que les socialistes restent fermés à cette idée.

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YoTa

Le 10/07/2012 à 11h59

Pourquoi "environnementale" ?
la « conférence environnementale s’ouvrira dès la rentrée pour préparer le grand chantier de la transition énergétique et de la biodiversité ».
La transition énergétique dépasse largement ce que l'on range habituellement dans la rubrique environnementale (cf. premier post : "la protection de la nature,des paysages ,des sites historiques ou naturels"). Il s'agit notamment de changer notre rapport à l'énergie (consommation et production).
C'est donc bien la question du développement qui est à traiter, à commencer par sa définition, ses articulations avec la notion de "croissance", voire de "progrès" et de "besoins". Et dans ce questionnement, l'enjeu dépasse largement le cadre de l'Etat français ; quelle représentation de nos interfaces (Europe, Sud, etc.) dans cette conférence ?
Pour (re)fonder notre position "écologique", est-on prêt à faire un bilan global approfondi de l'état du Monde après tant d'année de "développement" fût-il à la mode de l'Est ou de l'Ouest : qui s'est enrichi (= tout le monde peut-il s'enrichir) ? où en est la pauvreté ? où en est la santé ? quel est le coût financier consolidé de notre énergie (quelqu'un peut-il chiffrer les coût du kWh nucléaire incluant le traitement des déchets pendant 25 000 ans ?), etc.
Bref, ça promet.

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Audaces

Le 13/07/2012 à 17h53

C'est en décentralisant sur des féodalités régionales qu'on fait au mieux ?..

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