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Actu-Environnement

Le droit pénal de l'environnement sera-t-il plus efficace à l'avenir ?

L'efficience du droit pénal de l'environnement se révèle faible. La réforme des polices spéciales de l'environnement qui entre en vigueur le 1er juillet va-t-elle améliorer la situation ? Pas sûr disent les spécialistes.

Gouvernance  |    |  L. Radisson

Le Conseil d'Etat organisait le 22 janvier dernier une conférence sur le thème "Environnement et polices". L'occasion de faire un point sur l'efficacité du droit de l'environnement et sur les perspectives d'évolution après l'entrée en vigueur, qui interviendra le 1er juillet prochain, de l'ordonnance du 11 janvier 2012 "portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement".

Faible effectivité du droit pénal de l'environnement

"L'effectivité du droit de l'environnement est faible", affirme tout de go Dominique Guihal, conseillère à la cour d'appel de Paris. La répression pénale est indispensable à l'effectivité du système coercitif, mais elle se révèle défaillante.

Les statistiques en matière d'infractions environnementales font défaut. Mais, selon la magistrate, le taux de détection est vraisemblablement très faible. En outre, il y a une déperdition non négligeable entre les constations et les suites données.

Quelques chiffres anciens permettent toutefois de se faire une idée. En 2003, sur les sept parquets d'Ile-de-France, le taux de classement sans suite des affaires "poursuivables", c'est-à-dire dont les auteurs étaient identifiés, était de 53% en matière environnementale, contre 32% pour le contentieux pénal général.

Les condamnations pour les principales infractions environnementales qui avaient significativement augmenté à la fin des années 1990 et au début des années 2000, ont ensuite stagné, voire régressé. "Depuis 2004, elles se sont stabilisées à un niveau peu élevé", indique Dominique Guihal. Ainsi, pour le délit d'exploitation d'une installation classée sans l'autorisation requise, il y a eu 190 condamnations en 1999 et en 2000, 120 en 2008, 98 en 2009 et 86 en 2010. Et cette baisse ne résulte pas forcément d'une diminution des comportements délictueux…

Quant au quantum des peines, "il reste d'une très grande stabilité à un niveau extrêmement faible", déplore la magistrate, un niveau qui pourrait même être considéré comme "propre à encourager les infractions". Selon un rapport de 2005, le montant moyen des amendes était de 3.104 euros en 2001, de 2.862 euros en 2002 et de 2.387 euros en 2003, rapporte François-Guy Trébulle, qui estime que l'on est "très loin du compte" en matière d'effectivité de la dissuasion, notamment en présence de personnes morales et d'intérêts économiques. "Les polices de l'environnement sont conçues comme si on méconnaissait totalement la réalité des groupes de sociétés", estime le professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Dans ce tableau qu'elle qualifie de "très sombre",  Dominique Guihal relève une réussite, qui fait figure d'exception. Il s'agit de la répression du délit de rejet volontaire d'hydrocarbures par les navires. La magistrate relève une collaboration excellente entre les parquets et les administrations concernées, l'absence de classement sans suite des affaires élucidées, des peines comprises entre 300.000 et 800.000 euros, sans compter les frais subis par les armateurs du fait du déroutement et de la retenue du navire, qui s'élèvent à plusieurs centaines de milliers d'euros par jour. L'absence de cassation de ces affaires révèle en outre, selon Dominique Guihal, la parfaite coordination entre les juridictions du fond et la Cour de cassation. Un succès donc au sein d'"un échec global du droit pénal de l'environnement".

Vers une dépénalisation de la répression ?

Face à ce constat d'inefficacité, l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 11 janvier 2012 sur la réforme des polices de l'environnement va-t-elle changer quelque chose ?

Pour Frédéric Tiberghien, conseiller d'Etat, qui s'exprimait à l'occasion d'une journée d'étude du comité d'histoire du ministère de l'Ecologie le 13 février dernier, l'ordonnance permet "une remise en ordre transversale dans le sens de l'aggravation des sanctions", alors que la tendance est inverse en général. Il y voit une influence positive du droit communautaire, en particulier de la directive de 2008 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal.

Dominique Guihal confirme dans un premier temps que l'ordonnance ne dépénalise pas. Au contraire, de nouvelles incriminations, des circonstances aggravantes et un nouvel arsenal de peines apparaissent. Mais la réforme "aura plus d'impact sur la répression administrative, que sur la répression pénale, au moins dans un premier temps", nuance-t-elle. Toutefois, "la police administrative sans la menace de la sanction pénale est une infirme", indique Michel Thénault en résumant sa pensée.

"Dans quelle mesure, l'ordonnance concourt-elle à une meilleure effectivité de la protection de l'environnement à travers sa dimension pénale ?", interroge François-Guy Trébulle qui estime  que l'on est "très loin du compte en réalité de l'effectivité de la dissuasion". La généralisation de la transaction pénale pourrait aussi être interprétée comme une tendance à la dépénalisation.

Actuellement, "le recours à la sanction pénale reste exceptionnel", tout du moins en matière d'installations classées (ICPE), estime Michel Thénault, conseiller d'Etat et ancien préfet de région. On y fait appel qu'en cas de récidive, d'infractions graves, de non-respect systématique des prescriptions, de mise en danger d'autrui, ou de comportements aux effets difficilement réversibles, précise-t-il.

Or, l'ordonnance généralise aux autres polices spéciales de l'environnement un dispositif administratif éprouvé par les préfets en matière d'installations classées. Le déséquilibre actuel entre police administrative et police judiciaire, au profit des premières, risque donc de perdurer du fait de l'accroissement de l'arsenal administratif mis à la disposition des préfets.

Des différences de cultures par rapport à la délinquance environnementale

Mais la réussite du droit de l'environnement se mesure-t-elle à l'aune du seul nombre de condamnations pénales et du montant des peines prononcées ? Tout est affaire de culture.

Tandis que l'Agence de protection de l'environnement américaine diffuse des avis de recherche de criminels environnementaux à la manière des westerns, "certains pays se passent de droit pénal de l'environnement", souligne Frédéric Tiberghien. C'est le cas de pays d'Europe du Nord, où la protection de l'environnement résulte de l'éducation et de la formation, ou de pays où existent des incitations économiques contribuant à cette préservation. Le problème, souligne le conseiller d'Etat, c'est qu'il n'existe ni l'un, ni l'autre en France…

Réactions1 réaction à cet article

Pour un exemple concret d'inapplication pénale, notamment concernant les autorités défaillantes, mises en première ligne sous le contrôle y compris juridictionnel et judiciaire du public, voir :
"Affaire 17 du TIDM. L'attaque de la diligence Pour l'activation du déploiement écosystémique de l'ordre juridique global du droit de la mer? Implications mondiales ; applications en Europe."
Quatrième partie. Secrétariat international francophone de l'évaluation environnementale, colloque de Montréal 2012. En ligne, sous le haut patronage, pour la France, du MEDDE.

Théo Allan Dulles | 26 février 2013 à 11h40 Signaler un contenu inapproprié

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