"En l'absence de décision de la part du Gouvernement, le projet de loi de finances [PLF 2014] apparaît si ce n'est caduc du moins fortement déséquilibré par rapport à sa présentation initiale." C'est ce que considère Marie-Hélène Des Esgaulx, sénatrice UMP de Gironde, qui a passé au crible le poste transport du PLF 2014 (1) pour le compte de la commission des finances de la Haute assemblée.
Le PLF 2014 prévoit l'allocation à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), d'un montant d'environ 760 millions d'euros par an à partir du 1er janvier 2014. La suspension de l'écotaxe, annoncée le 29 octobre par Jean-Marc Ayrault, pose question car "à ce jour, le Gouvernement n'a pas indiqué de quelle manière il entend compenser le manque à gagner pour l'AFITF". Avec un budget total de 2,2 milliards d'euros en 2014, l'enjeu porte sur environ 40% du budget de l'agence. L'impact est d'autant plus problématique, estime l'élue, que l'AFITF reverse environ 1,6 milliards d'euros au budget de l'Etat pour financer les infrastructures et services de transports.
Vers une compensation partielle
Face aux enjeux financiers, l'Etat dispose "de quelques mois" pour trancher entre un abandon pur et simple ou le maintien de la taxe, puisque, les solutions envisageables ne semblent pas tenables à long terme.
"Une première possibilité consiste en ce que l'Etat décide de compenser entièrement le manque à gagner pour l'AFITF", explique la sénatrice, rappelant que cela implique une hausse des impôts ou des économies budgétaires supplémentaires. "À l'opposé, une deuxième possibilité serait de ne pas compenser du tout la perte résultant de la « suspension »". Cette option est possible, mais l'agence devrait alors réduire son budget à hauteur de 760 millions d'euros. Mais, cela semble difficile, car les dépenses de l'agence "sont, pour beaucoup, déjà engagées et qu'elle ne peut s'y soustraire". Au total les engagements de l'AFTIT sont de l'ordre de 16 milliards d'euros et faute de compensation, "tous les projets nouveaux devraient purement et simplement être reportés".
"Aucune de ces solutions ne paraît viable", estime la sénatrice, jugeant qu'"il est donc probable que la compensation à l'AFITF ne soit que partielle, compromettant ou reportant l'exécution d'une partie de son budget initialement prévu pour 2014".
Quant à l'abandon de l'écotaxe, la mesure serait particulièrement onéreuse. Non seulement il faudrait trouver tous les ans les quelque 750 millions d'euros destinés à l'AFITF, mais il faudrait aussi rembourser jusqu'à 800 millions d'euros au titres des investissements réalisés par Ecomouv'.
Vers un loyer allégé ?
Le dispositif de l'écotaxe était "prêt à être mis en service", déplore Marie-Hélène Des Esgaulx qui rapporte qu'"environ 120.000 dossiers seraient, à ce jour, enregistrés et validés et 45.000 dossiers en cours de traitement, pour un total d'environ 800.000 poids lourds devant être enregistrés". Avec l'embauche de 235 personnes, "Ecomouv' a assuré à votre rapporteur spécial qu'il ne rencontrait aucun problème avec la montée en charge du dispositif", avance-t-elle. En conséquence, le premier coût pour le Budget avancé par le rapport est donc le loyer payable à Ecomouv' à partir du 1er janvier 2014. Cette obligation contractuelle s'élève à 13 millions d'euros par mois et vient rémunérer les investissements de l'entreprise.
La sénatrice revient ensuite sur les "dysfonctionnements persistants" évoqués par le Gouvernement pour justifier un énième report de la taxe. Si Ecomouv' estime "que la responsabilité des reports de la mise en service dans le courant de l'année 2013 était « partagée » avec l'Etat", le Gouvernement "à l'inverse, (…) fait valoir que le système d'Ecomouv' ne présentait pas les caractéristiques prévues par le contrat et ne permettait pas un recouvrement de l'écotaxe dans des conditions de sécurité et de fiabilité optimales".
Ce désaccord entre les deux parties est "tout spécialement important, note la sénatrice, puisqu'il devrait conduire les co-contractants à engager une discussion sur le prix du contrat et d'éventuelles pénalités". Le versement des 13 millions d'euros mensuel pourrait être revu à la baisse, estime Marie-Hélène Des Esgaulx.