Chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA-CNRS-UVSQ) de Paris-Saclay Crédit photo : CEA
Actu-environnement.com : Même si les Etats réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre à hauteur des engagements de la COP21, le réchauffement climatique pourrait empêcher l'amélioration de la qualité de l'air : pouvez-vous expliquer ce phénomène ?
Robert Vautard :L'objectif du projet européen impact2C (1) , que nous avons mené, était d'estimer les impacts du changement climatique, pour un réchauffement global de 2°C ou 3°C par rapport à l'époque pré industrielle en Europe, sur la qualité de l'air.
Pour cela, nous avons suivi comme indicateur l'ozone. Ce dernier résulte de plusieurs phénomènes : tout d'abord, l'ozone des basses couches atmosphériques, la troposphère, se forme par la combinaison chimique de plusieurs polluants comme les composés organiques volatils, le méthane ou les oxydes d'azote. Si l'ozone troposphérique présente des risques pour la santé, en revanche, celui présent au niveau de la stratosphère nous protège des ultraviolets.
La législation européenne sur la qualité de l'air nous permet une réduction de l'ozone. Mais dans le même temps, le changement climatique associé à des émissions polluantes va contribuer à faire augmenter cet ozone troposphérique. Les modifications du climat perturbent en effet les réactions chimiques ainsi que le transport vers la stratosphère.
Les efforts que nous pouvons faire en Europe sur l'amélioration de la qualité de l'air risquent d'être annihilés par le changement climatique et ses conséquences. Ainsi, d'un réchauffement à +3° résulteraient plus d'émissions polluantes (2) que si le climat se réchauffe de 2°C : il y a une grosse différence entre les deux.
AE : Quelle serait cette différence ?
RV : Avec un réchauffement de +3°C, nous observerons 8% d'ozone en plus en Europe que dans un contexte de +2°C. Cela a des conséquences sanitaires.
Dans un scénario où nous réduisons les émissions de gaz à effet de serre de manière à arriver à 2°C, nous abaissons aussi les émissions de méthane, contributeur important de l'ozone troposphérique. Mais dans un contexte de hausse de +3°C, nous estimons que les concentrations de méthane dans l'atmosphère sont deux fois plus importantes que dans un scénario à 2°C.
Nous avons l'avantage d'être parvenus à un accord universel basé sur les mesures des Etats pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais ces engagements sont encore insuffisants Des résultats scientifiques établis depuis fin 2015 montrent, que sur la base de ces derniers, nous dépasserons les + 2°C de réchauffement et nous nous acheminons vers les +3°C.
AE : Comment avez-vous mis en évidence les résultats du projet impact2C?
RV : Ces résultats ont été mis en évidence par des simulations numériques : nous nous sommes basés sur la législation européenne sur les émissions polluantes en supposant qu'elle soit respectée jusqu'en 2050. Nous avons testé différentes hypothèses avec un ensemble de modèles : un modèle climatique, un modèle qui simule la qualité de l'air et un autre la chimie atmosphérique.
A l'avenir, ce projet pourrait se poursuivre afin d'obtenir une quantification plus précise des impacts sur la santé. Nous souhaiterions également réduire les incertitudes. Nous avons réalisé ces travaux avec un seul modèle et ne pouvons donc pas estimer la marge d'erreur. Ceci dit, l'expérience d'autres travaux nous montre que les résultats, même s'ils ne sont pas tout à fait semblables, iront dans le même sens.
Nous attendons enfin les conclusions d'autres études de ce projet européen, sur les particules fines.