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Emplois verts et sociaux : les Etats-Unis ouvrent (enfin ?) la voie

Dans une banlieue sinistrée de la baie de San Francisco, une municipalité expérimente un programme de lutte contre le chômage par la création de « green jobs », financés notamment par un prélèvement sur une installation pétrolière locale de Chevron.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï
   
Emplois verts et sociaux : les Etats-Unis ouvrent (enfin ?) la voie
   
Reportage à Richmond, en Californie - 1er volet

Angela Greene porte bien son nom. Cette ancienne chômeuse est devenue l'ange-gardien des jeunes sans emploi de Richmond, une commune ouvrière de 103.000 habitants de la banlieue de San Francisco, réputée pour son taux de criminalité élevé, considérée comme l'une des plus dangereuses de la Californie. Ses chantiers navals en déroute ne créent plus d'emplois. La raffinerie de Chevron, la deuxième de Californie, d'une capacité de stockage de 15 millions de barils, sur le site du port, répand des dérivés toxiques, fuites de chlore et anhydride sulfureux. Les riverains souffrent d'asthme, des centaines de citoyens se sont mobilisés contre les projets d'extension de la raffinerie et réclament la justice environnementale, en compensation de cet éco-apartheid. Richmond souffre de la violence et de la pollution, plus que tout autre endroit de la baie de San Francisco, qui héberge aussi la mythique Silicon Valley, dont les promesses semblent ici des mirages. Alors que faire, se sont demandés quelques élus et travailleurs sociaux de Richmond ? Sous la houlette de la maire Gayle Mac Laughlin, élue en 2007, c'est ici que se crée un des tout premiers laboratoires des emplois verts et sociaux aux Etats-Unis. Face aux crises provoquées par la pauvreté, par la pénurie des ressources naturelles et par l'extinction des espèces, une économie verte est la seule manière de revigorer notre économie tout en répondant à la destruction de l'environnement et aux inégalités sociales. Les villes produisent 75% des émissions de carbone. C'est dans une ville telle que la nôtre que le problème doit être résolu.
Gayle Mac Loughlin a co-fondé Solar Richmond, une association qui travaille en partenariat avec Sunpower Corporation, fabriquant de panneaux solaires, dont l'usine de Richmond emploie 250 personnes. En partenariat avec l'agence municipale du bâtiment Richmond Build, l'objectif de Solar Richmond est de former dans ses ateliers une centaine d'installateurs locaux et d'atteindre une puissance de 5 megawatts d'énergie solaire dans la ville d'ici à 2010. Les installateurs formés par Richmond Built effectuent les travaux gratuitement. Les habitants bénéficient de prêts à taux zéro, couverts par les économies réalisées sur leur facture d'électricité. C'est dans le cadre d'un programme de formation à la construction de Richmond Build qu'Angela Greene, chômeuse et mère célibataire, a découvert Solar Richmond. Depuis lors, elle encadre les jeunes qui suivent les stages de formation de Solar Richmond et prodigue ses lumières solaires.

Justice environnementale

La maire de Richmond est déterminée à rendre sa fierté à sa ville. Elle compte en partie sur le plan de relance du président Obama, le Stimulus Package, voté en février dernier. Richmond a déjà reçu une subvention de près d'un million de dollars dans ce cadre, pour financer les énergies alternatives et la maîtrise de l'énergie, et tapisser les toits des bâtiments communaux de panneaux solaires. Mais c'est surtout vers Chevron que la municipalité se tourne, au grand dam d'une partie des élus du Conseil municipal, proches du groupe pétrolier. En novembre 2008, après une bataille politique homérique, une mesure dite « mesure T » a été votée à 51% par la ville, sur la base d'un référendum citoyen. Cette mesure modifie la taxe professionnelle de manière à assujettir les installations d'industries lourdes et polluantes, du type Chevron, à reverser une contribution plus importante que celle de l'épicier du coin de la rue.
Il est légitime que Chevron, qui a réalisé 26 milliards de dollars de profits l'an dernier, contribue aux projets de la ville. Chevron a été contraint de verser une première contribution de 21 millions de dollars. Mais depuis lors, le Groupe nous a intenté un procès. Or nous avons besoin de ces recettes, nous saurons en faire bon usage, pour financer nos programmes d'activités pour les jeunes, de prévention de la violence urbaine, d'amélioration de l'état des rues, de formation aux emplois verts… Nous allons gagner ce procès car le scrutin municipal nous a donné raison, et cela donnera l'exemple à d'autres villes, explique Gayle Mac Loughlin, qui tient à rappeler son attachement à un mode de gouvernance locale de responsabilisation des citoyens, fondé sur un mouvement « de bas en haut », « bottom up », issu des initiatives de la communauté et du tissu associatif.
Richmond ne se sent pas isolée et son image évolue, tandis que son taux de criminalité a baissé de 40% depuis l'an dernier. Elle a formé un réseau avec les villes voisines, Berkeley, Oakland et Emeryville, qui se sont rassemblées au sein de l'East Bay Green Corridor en 2007. Notre région s'illustre par sa conscience environnementale, ses succès en termes de politique de conservation et ses innovations politiques, déclarent les signataires de la charte fondatrice du réseau, dont Steve Chu, alors directeur du laboratoire de recherche Lawrence Berkeley associé à la démarche, aujourd'hui secrétaire d'Etat chargé de l'énergie. Nous sommes déterminés à conjuguer nos forces afin de transformer le cœur de l'Est de la baie (de San Francisco, ndlr) en un corridor vert dynamique.

Jardiniers de l'asphalte

Ce corridor vert s'incarne petit à petit, là où on ne l'attendait pas. Dans les faubourgs de Richmond, aux rues plutôt désertes, où circulent des groupes d'adolescents desoeuvrés, mais peut-être futurs paysans urbains dans le cadre de la promotion des circuits courts agricoles. Nos jardins potagers communaux poussent un peu partout dans la ville, commente Gayle Mac Loughlin. Nous avons le jardin de la paix, le jardin de la bibliothèque, un jardin dans l'école, une ferme pédagogique, et les jardins potagers qui bordent la green way, cette piste cyclable qui traverse toute la ville et qui débouchera dans une grande ferme pédagogique qui sera installée sur le front de mer. Nous avons même une association qui œuvre en faveur de « 5% local », une coalition pour les 5% de denrées alimentaires produites localement pour limiter l'impact des déplacements de marchandises. Une philosophie semble s'inventer ici, de manière expérimentale, et même si la grande transformation de l'East Bay en corridor vert est encore à l'état latent, on pressent que la situation pourrait basculer et faire émerger, par-delà la high-tech, un peuple de jardiniers réconciliés avec eux-mêmes. Les Etats-Unis n'en finiront jamais de nous étonner !

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