"Les villes conduisent des politiques générales très hétérogènes concernant les implantations d'antennes relais, dont des politiques implicites de fixation de niveaux maximum d'exposition des populations". Tel est l'un des principaux constats dressés par le rapport d'évaluation des expériences de nouvelles formes de concertation et d'information locale dans le cadre de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile (1) . Le document, remis ce lundi par le comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile à Philippe Martin, ministre de l'Écologie, et Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge de l'Économie numérique, "recommande que d'éventuelles dispositions réglementaires ou contractuelles s'il y a lieu concernant la concertation et l'information (…) ne puissent favoriser la mise en place de stratégies locales implicites de filtrage des projets reposant sur des valeurs de champs".
Le rapport passe en revue les expériences menées dans neuf communes (2) en matière de concertation et d'information préalables à l'installation des antennes-relais de téléphonie mobile.
Les communes fixent leurs règles
Sans grande surprise, le rapport constate que les communes régulièrement sollicitées par les opérateurs de téléphonie mobile ont établi des politiques "explicites, formalisées et affirmées, ou implicites" concernant l'implantation d'antennes relais sur leur territoire. Ainsi, Tours a fixé un seuil technique implicite pour les champs induits par l'installation à 2 Volts par mètre (V/m), Bourges souhaite appliquer une zone d'exclusion de 100 mètres autour de certains établissements et Amiens ainsi que Bayonne "envisagent le rejet, ou parfois, ont rejeté, des dossiers".
Autant de situations qui ne sont pas du goût des rapporteurs qui jugent ces exemples "surprenants, car les communes ne peuvent, après les clarifications récentes du Conseil d'État, rejeter une demande d'autorisation d'implantation d'antennes-relais". Selon les rapporteurs, les pratiques de concertation établies par certaines communes permettraient d'établir ces politiques implicites visant à limiter le niveau des champs électromagnétiques.
Bien sûr, la volonté de limiter l'exposition aux ondes électromagnétique sur une commune "n'a rien d'étrange en soi [et est] au nombre des missions d'une municipalité au titre du maintien de la salubrité publique", notent les rapporteurs, rappelant cependant que "la mise en œuvre d'une politique en ce domaine ne peut procéder que d'un accord contractuel entre la commune et les opérateurs", à l'image de ce que pratique la Ville de Paris.
Recadrer la concertation
En synthèse, le rapport juge que "passer un accord avec les opérateurs pour ne pas excéder des niveaux de champs est parfaitement acceptable, mais filtrer les dossiers en donnant des avis défavorables -ce qui est en général dissuasif à l'égard des opérateurs- dès qu'un niveau de champ est dépassé, et sur ce seul critère, pourrait être considéré comme une instrumentalisation de la concertation".
En conséquence, le document recommande que "les éventuelles dispositions adoptées pour l'amélioration de la concertation [permettent] une certaine uniformisation des pratiques et [évitent] de favoriser la mise en place de stratégies locales implicites de filtrage des projets reposant sur des valeurs de champs, ou la mise en place de zones d'exclusion d'antennes".
Il est clair dans l'esprit des rapporteurs que la concertation ne doit plus permettre le rejet de demandes d'installation d'antenne-relais au motif, non avoué, que des niveaux d'exposition établis par les communes seraient dépassés. Aussi, le rapport recommande "d'éviter la multiplication des chartes hétérogènes, la préférence devant aller à un Guide des bonnes pratiques renouvelé avec une structure permettant une variété d'options, ayant ainsi la capacité de s'adapter aux situations locales". Les chartes qui encadrent l'information du public et la concertation pourraient ainsi être encadrées par un accord entre l'Association des maires de France (AMF) et les opérateurs.
Que dit la charte de l'environnement ?
D'ailleurs, la concertation s'impose-t-elle ? C'est à cette question que s'attaque un chapitre intitulé "la question de la nécessité juridique d'une information et d'une concertation préalable".
Notant que l'information des citoyens est encadrée par l'article 7 de la Charte de l'environnement (3) , le rapport admet que l'information du public "est un droit peu contestable".
Par contre "moins évidente est la question de la participation du public, donc de la concertation dans sa composante la plus « active »", estiment les rapporteurs. En effet, la Charte de l'environnement prévoit que le public "[participe] à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement", impliquant qu'il y ait une décision des autorités publiques et qu'elle ait une incidence sur l'environnement.
Or, "l'installation d'une antenne relais ne remplit pas ces deux conditions, d'une part car les mairies ne prennent aucune décision en ce domaine, et d'autre part, l'incidence d'une antenne-relais sur l'environnement n'est pas démontrée compte tenu des faibles puissances d'émission en jeu", expliquent les auteurs du rapport.
Dans ce contexte, le rapport recommande d'"adopter dès à présent des mesures claires concernant l'information du public, et [préconise] des dispositions prudentes concernant les modalités de participation du public, dans l'attente de l'adoption des ordonnances [relatives à la participation du public]".