La circulaire (1) de Nathalie Kosciusko-Morizet en date du 29 août 2011 entend donner aux préfets un éclairage sur les sujets techniques traités par la nouvelle réglementation sur l'éolien terrestre et des directives quant à l'instruction des dossiers. Mais, à sa lecture, on peut s'interroger sur l'amélioration de la lisibilité et sur la sécurisation juridique annoncées par le Gouvernement. Voire même sur la pertinence du classement au titre des installations classées inscrit dans la loi Grenelle 2.
Application des instructions "installations classées"
"Les règles et instructions applicables usuellement à l'instruction des dossiers installations classées sont applicables au cas des éoliennes", pose comme préalable la circulaire.
En particulier, l'objectif de "réduire les délais d'instruction à un an pour la grande majorité des projets" reste applicable. "Cette accélération des délais doit être facilitée par le contexte juridique et technique différent qu'apportent les arrêtés ministériels de prescriptions", tente de justifier la ministre de l'Ecologie.
"L'établissement par voie réglementaire de règles techniques ainsi que la possibilité d'en vérifier concrètement l'application après la procédure d'autorisation ou de déclaration devraient permettre également, à moyen terme, de limiter les contentieux contre les autorisations de champs éolien."
En fait, les professionnels, comme l'a manifesté le Syndicat des énergies renouvelables (SER), "craignent, au contraire, que ce énième changement contraigne encore davantage le développement des projets : tout d'abord parce que la réglementation ICPE ouvre une nouvelle possibilité de déposer un recours contre un projet, ce qui retardera encore davantage la construction des parcs (…). Ensuite, parce qu'en se superposant à ceux existants, ce nouveau dispositif va encore alourdir les contraintes qui pèsent sur les développeurs éoliens".
Point de vue partagé par David Deharbe, avocat spécialisé en droit de l'environnement, qui dénonce "un contrôle administratif qui ne se justifie en rien car il expose les responsabilités administratives et pénales des futurs exploitants éoliens, en plus de les soumettre à des prescriptions bien inutiles au regard du régime urbanistique déjà existant". Et qui envisage les voies de recours en vue de faire annuler le dispositif réglementaire publié fin août : "textes inutiles, infondés et illégaux de notre point de vue : la réponse à la parution de ces textes sera assurément contentieuse".
Articulation avec le permis de construire
Le permis de construire continuera, "sans redondance avec la procédure "installations classées", à sanctionner la conformité du projet aux dispositions d'urbanisme et aux règles d'occupation des sols", souligne la circulaire.
"Les services en DDT/DDTM n'auront néanmoins plus à vérifier la recevabilité de l'étude d'impact au titre de ce nouveau permis de construire, même si celle-ci devra continuer à être jointe au dossier de permis de construire en vertu de l'article R. 122-14 du Code de l'environnement", précise le ministère. L'étude d'impact reste donc une pièce obligatoire du dossier de demande de permis, même dans le cas où l'étude est requise au titre de la législation des ICPE.
Cela signifie-t-il que deux études d'impact différentes, l'une au titre du permis de construire, l'autre de la demande d'autorisation ICPE, sont nécessaires ? Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l'environnement, "on imagine mal qu'il soit possible que le dossier de PC et le dossier ICPE ne contiennent pas la même étude d'impact", mais la circulaire reste très floue sur ce point.
Se pose aussi la question de la période transitoire liée au changement de régime applicable. La loi dispense de procédure d'autorisation/déclaration ICPE les projets pour lesquels l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris en application des dispositions relatives au permis de construire avant le 13 juillet 2011. "La procédure permis de construire engagée devra donc être poursuivie jusqu'à son terme sans modification des pratiques antérieures", précise la circulaire.
Pour les autres projets, le dépôt d'un dossier ICPE est obligatoire. Les demandes de permis de construire antérieurement déposées et n'ayant pas encore atteint le stade de l'enquête publique devront être complétées du récépissé de dépôt de dossier ICPE. Pour le ministère de l'Ecologie, "il n'apparaît pas juridiquement indispensable que le pétitionnaire (2) ait besoin de redéposer une nouvelle demande de permis de construire".
Ce point de vue n'est pas partagé par Arnaud Gossement pour qui "l'analyse que comporte la circulaire est fragile sur le plan du droit et ne garantit pas la sécurité juridique" des permis de construire qui pourraient être ainsi délivrés. "Dès lors, au cas par cas, il convient de s'interroger si l'impératif de sécurité juridique ne commande pas de redéposer une demande de permis de construire lorsque la demande ICPE sera prête", conclut-il.
Concernant l'enquête publique, les choses sont plus claires : "l'enquête publique, prévue pour les éoliennes d'une hauteur supérieure à 50 mètres au titre de l'article R. 123-1 a été supprimée du Code de l'environnement et sera donc organisée exclusivement au titre de la procédure ICPE".
"Pour les éoliennes d'une hauteur supérieure à 50 mètres, la vérification que le projet ne constitue pas une gêne à la navigation aérienne devra néanmoins toujours être réalisée en application de l'article R. 425-9 du Code de l'urbanisme, qui prévoit que le permis de construire constitue l'autorisation prévue au titre de l'article R. 244-1 du Code de l'aviation civile", précise en revanche la circulaire.
Enjeux techniques
S'agissant des règles de coexistence avec les radars, la circulaire indique que la phase de concertation entre le pétitionnaire et l'opérateur radar doit se faire avant le dépôt du dossier ICPE. L'accord explicite de l'opérateur radar est ainsi nécessaire pour respecter les obligations réglementaires. "Cet enjeu, particulièrement complexe et à l'origine de nombreuses difficultés jusqu'à présent, sera désormais traité directement entre pétitionnaires et opérateurs radars", sans mobiliser les services préfectoraux, précise la circulaire.
En ce qui concerne les règles relatives au bruit, elles sont pour l'essentiel inchangées par rapport aux dispositions précédemment opposables du Code de la santé publique. Le classement en ICPE ouvre toutefois "des possibilités d'allègement", indique la circulaire : il est suggéré aux préfets de solliciter moins d'expertise, dans le cadre de l'étude d'impact, sur la capacité du pétitionnaire à tenir les objectifs d'émergence sonore affichés. Des mesures de bruit lors du fonctionnement des éoliennes et la possibilité de prononcer des sanctions administratives restant à la disposition des préfets a posteriori.
La ministre demande aux préfets de ne pas prononcer d'autres règles d'éloignement, que ce soit vis-à-vis de voies de communication ou de canalisations de transport de matières dangereuses, que celles contenues dans la loi vis-à-vis des habitations (500 m), ou dans les arrêtés ministériels vis-à-vis des établissements Seveso et des installations nucléaires de base (300 m).
En ce qui concerne les études de dangers, désormais exigibles pour les éoliennes soumises à autorisation, "elles pourront présenter un caractère plus léger que bon nombre d'autres installations classées, bien plus dangereuses, dans un souci de proportionnalité". Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) réalise d'ailleurs une étude de dangers-type qui, une fois validée par les services du ministère, "pourra constituer le corps principal des études de dangers" exigées des pétitionnaires.
De manière générale, les différents enjeux de risques, de bruit, d'impact sur les radars et d'éloignement ayant fait l'objet d'une concertation approfondie dans le cadre de l'élaboration des arrêtés ministériels, NKM considère que leur application constitue une condition nécessaire et suffisante pour assurer la protection des enjeux protégés par la loi et qu'il ne devrait pas y avoir lieu de fixer des prescriptions complémentaires par arrêté préfectoral sur ces points.
Une argumentation très proche de celle utilisée pour justifier le régime d'enregistrement. Comme si le pouvoir réglementaire avait beaucoup de mal à suivre le choix du régime d'autorisation retenu pour les éoliennes par le législateur. Voire leur classement en installations classées.