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Actu-Environnement

Le procès de l'Erika s'ouvre devant le tribunal correctionnel de Paris

Sept ans après le naufrage du pétrolier maltais, au large de la Bretagne, déversant près de 20 000 tonnes de fioul lourd sur les côtes atlantiques, le procès de l'Erika s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Paris.

Risques  |    |  C. Seghier
Le 12 décembre 1999, le pétrolier Erika battant pavillon maltais et affrété par le groupe pétrolier Total, sombrait au large de la pointe de Penmarc'h dans le Finistère. Transportant environ 31.000 tonnes d'hydrocarbures lourds, le pétrolier coule par 120 mètres de fond en provoquant le déversement de plus de 20.000 tonnes de sa cargaison dans l'océan. La marée noire touche 400 km de côtes sur la façade atlantique, principalement dans le Finistère, en Loire-Atlantique, dans le Morbihan et en Vendée. Les dégâts sur l'environnement sont considérables : des centaines de kilomètres de littoral souillés, des dizaines de milliers d'oiseaux empoisonnés, des écosystèmes détruits… Sans compter les préjudices économiques très lourds subis par les collectivités locales et les artisans de la mer de la façade Atlantique. Par ailleurs, de nombreuses interrogations naissent quant à la toxicité du produit ramassé par les bénévoles sur les plages.

Face à cette pollution par hydrocarbures, la plus importante intervenue en France depuis l'Amoco Cadiz en 1978 et après plusieurs années d'enquêtes et d'expertise, le procès de la catastrophe s'ouvre aujourd'hui devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Sur les bancs des accusés, pour « pollution maritime », « abstention volontaire de combattre un sinistre » ou « complicité de mise en danger de la vie d'autrui », figurent quatre personnes morales : le groupe Total (qui va d'ailleurs annoncer des résultats records dans les jours à venir), la filiale Total Petroleum Services, la filiale Total Transport Corporation et la société Rina, entreprise de classification (italienne) des navires. Onze personnes physiques sont également poursuivies : le directeur juridique de Total, le directeur de la Rina, le propriétaire du bateau, le capitaine du pétrolier, les deux armateurs, un responsable de la société de maintenance Panship, un agent du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage et trois militaires de la préfecture maritime de l'Atlantique.

Face à eux, une bonne soixantaine de parties civiles (états, collectivités, associations et ONG) qui espèrent obtenir plus que les 128 millions euros accordés par le FIPOL (Fonds internationaux d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures).

Parmi les parties civiles, citons le Conseil général de Loire Atlantique qui réclame l'indemnisation des divers préjudices que lui a causés cette catastrophe. Le Département de Loire-Atlantique a donc l'intention de réclamer leur réparation en totalité, soit une somme de 5 665 958 €, indique Patrick Mareschal, le président du Conseil général. Si cette somme lui est accordée, elle sera consacrée à la protection et la valorisation des espaces naturels sensibles de Loire-Atlantique, particulièrement sur le littoral.

Représentés par Maître William Bourdon et Maître Alexandre Faro, les Amis de la Terre France, qui se sont portés partie civile en 2000 dans le procès, espèrent quant à eux que les débats permettront de faire la lumière sur la responsabilité civile et pénale des acteurs de la catastrophe, en dépit des lacunes du droit maritime international. À chaque marée noire, les responsabilités sont diluées et rejetées sur des acteurs secondaires, souligne Gwenael Wasse, chargé de la responsabilité environnementale des entreprises aux Amis de la Terre. ll est grand temps de réformer un système qui réduit le respect de l'environnement à une simple charge financière : les marées noires ne sont pas une fatalité, et les entreprises pétrolières doivent assumer les conséquences de leurs activités, ajoute-t-il.

Rappelons que trois mois après la catastrophe, la commission a proposé des recommandations pour renforcer la sécurité des eaux communautaires. La directive prévoit l'accélération du remplacement des vieux pétroliers, le renforcement du contrôle des navires et le bannissement des bateaux poubelles. Par ailleurs une agence européenne de la sécurité maritime a été créée. De nouvelles mesures sont en cours de discussion. Mais, au final, les règles de la responsabilité n'ont pas été modifiées.

France Nature Environnement, fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement souhaite d'ailleurs que ce procès soit l'occasion de faire un bilan des mesures prises au niveau national, européen et international pour lutter contre les pollutions maritimes. La fédération invite les pouvoirs publics à prendre en compte les propositions qu'elle a formulées dans une plate-forme associative initiée en 2003. Ce document comportait cinq demandes fondamentales : l'exigence d'un programme d'urgence pour une politique européenne d'ensemble (contrôle, droit pénal, police, compensation intégrale des dommages écologiques, pavillons de complaisance, etc.), la concrétisation de l'idée d'une taxe écologique pollueur-payeur mondiale permettant de financer une surveillance, une police, des compensations des dommages environnementaux, et des mesures de solidarité en direction des pays et des populations les moins favorisées, la définition pour les eaux internationales d'un régime juridique d'utilisation et de responsabilités réellement contraignant, l'introduction de l'idée d'une police internationale de la haute mer et l'instauration du principe selon lequel les mers seraient un bien commun de l'humanité. Cette plate-forme est en cours d'actualisation, en collaboration avec différents partenaires (les Amis de le Terre France, Robin des Bois, Keep it Blue, Surfrider Foundation, la Ligue des Droits de l'Homme et le Bureau Européen de l'Environnement). Malheureusement, les demandes alors formulées sont toujours d'actualité et le bilan des mesures prises reste critiquable, souligne la FNE.

Le procès de l'Erika devrait durer au minimum 4 mois au terme de 59 jours d'audience. Fera-t-il émerger la reconnaissance du préjudice écologique ?

À ce jour, le Centre de Documentation, de Recherche et d'Expérimentations sur les Pollutions Accidentelles des Eaux (Cedre) recense 120 pollutions maritimes accidentelles sur la période 1960-2007. Le 18 mars 1967, le pétrolier libérien Torrey Canyon, armé par une filiale américaine de l'Union Oil Company of California, chargé de 121.000 tonnes de brut, s'échoue entre les îles Sorlingues et la côte britannique. Malgré une mobilisation de tous les moyens de lutte disponibles, plusieurs nappes de pétrole dérivent en Manche, venant toucher les côtes britanniques et françaises. Selon le Cedre, cet accident fait découvrir à l'Europe un risque qui avait été négligé. Il donne naissance aux premiers éléments des politiques française, britannique et européenne de prévention et de lutte contre les grandes marées noires.
L'année 1978 verra la plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde. En effet, le 16 mars, suite à une avarie de barre, le pétrolier libérien Amoco Cadiz, transportant vers Rotterdam 220 000 tonnes de pétrole brut du Golfe, dérive vers la côte bretonne dans une forte tempête. Le navire s'échoue à 22 heures sur des brisants, devant le petit port de Portsall. Plusieurs citernes se déchirent. Très vite les premières nappes touchent la côte. En deux semaines, la totalité de la cargaison se déverse en mer. Plus de 300 kilomètres de littoral parmi les plus beaux et les plus naturels d'Europe sont souillés. Cette catastrophe conduira le gouvernement français, dont les côtes sont très gravement touchées, à refondre son plan de lutte (le plan Polmar), acquérir des stocks de matériel (les stocks Polmar), imposer des rails de circulation en Manche et créer le Cedre. L'année 1979, avec 750 000 tonnes d'hydrocarbures déversés dans les mers et les océans reste l'année la plus « noire » en termes de pollutions maritimes accidentelles.

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