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Le gouvernement allège les règles applicables à l'évaluation environnementale en Guyane

Le décret instaurant des dérogations aux règles applicables à l'évaluation environnementale en Guyane est paru. Un texte qui inquiète les associations alors même que s'ouvre le débat public sur le projet Montagne d'Or.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Environnement & Technique N°380
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°380
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Alors que s'ouvre le débat public sur le projet minier controversé de la Montagne d'Or, le gouvernement publie un décret, ce mercredi 4 avril au Journal officiel, qui vient assouplir les règles applicables à l'évaluation environnementale des projets et des plans en Guyane.

Le projet de texte avait été soumis plus que discrètement à la consultation du public en décembre dernier, n'apparaissant que sur une page intérieure du site dédié du ministère de la Transition écologique. Découvrant très tardivement cette consultation, le collectif Or de question qui se bat contre l'industrie minière en forêt guyanaise avait dénoncé "un simulacre de démocratie participative" et appelé à réagir massivement. Ce qui avait donné lieu à la publication de plus de 200 commentaires défavorables au projet de décret dans les dernières heures de la consultation, sur un total de 276 contributions recueillies.

Le ministère a ensuite organisé une deuxième consultation sur le projet de texte en janvier, sans que les remarques déjà émises, en grande majorité négatives, aient été prises en compte, pointe l'avocat Emmanuel Wormser. "Resservir ainsi le couvert dans l'espoir à peine voilé que le public se lassera d'une participation manifestement inutile pourrait laisser croire que le gouvernement fait peu de cas de l'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement", avait réagi le juriste.

Dispenser des projets miniers de toute évaluation environnementale

Au-delà de la méthode utilisée par le gouvernement, les critiques ont aussi porté sur le fond. "Le décret aurait pour effet de dispenser un nombre potentiellement important de projets miniers de toute évaluation environnementale, sans justifier que ceux-ci n'aient pas d'incidence notable sur l'environnement", pointait le collectif Or de question au moment de la consultation publique. Une critique qui reste valable, même si le gouvernement a retiré deux dispositions controversées du décret.

Au final, le texte publié prévoit en effet trois assouplissements pour les projets potentiellement soumis à évaluation environnementale lorsqu'ils se situent en Guyane. Ces assouplissements consistent à relever les seuils à partir desquels les projets sont soumis à un examen au cas par cas par l'autorité environnementale.

Ainsi, pour la construction de voies non classées dans le domaine public routier, le seuil de l'examen au cas par cas passe de 3 kilomètres de longueur à 30 kilomètres pour les projets d'itinéraire de desserte des forêts domaniales figurant dans le schéma pluriannuel de desserte forestière. Le décret prévoit qu'un tel schéma, préparé par l'Office national des forêts (ONF) et quant à lui soumis à évaluation environnementale, soit annexé au programme régional de la forêt et du bois. Mais le texte publié accorde finalement une dérogation encore plus importante que celle soumise à la consultation du public puisque il était prévu de porter le seuil de 3 à 10 kilomètres, et non de 3 à 30 kilomètres.

Pour les projets d'exploitation minière, toute ouverture de travaux de recherche effectués sur des terrains humides doit, en règle générale, faire l'objet d'un examen au cas par cas s'ils ne sont pas soumis à évaluation environnementale systématique. Désormais, une exception est prévue pour la Guyane pour les travaux de recherche exécutés à terre "sans utilisation directe de l'énergie mécanique fournie par l'action d'une machine". Cette nouvelle formulation "ne laisse plus d'ambiguïté sur son champ", tente de rassurer le ministère de la Transition écologique à l'attention des opposants. "Aucun document ne vient préciser le type de travaux qui pourraient à l'avenir être réalisés sans contrôle environnemental préalable", avait alerté Or de question à propos de cette disposition.

Enfin, en matière de défrichement, le seuil de l'examen aux cas par cas de 0,5 hectare pour les travaux de "déboisements en vue de la reconversion des sols" est porté à 20 hectares dans les zones classées agricoles par un plan local d'urbanisme (PLU) ou le schéma d'aménagement régional, ou à 5 hectares dans les autres zones.

Atteinte au principe de non-régression

Ces modifications réglementaires, qui entrent immédiatement en vigueur, signifient qu'un certain nombre de projets, parce que réalisés dans cette région ultramarine, vont échapper à toute évaluation environnementale. "Il s'agit d'une atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement, comme l'a jugé encore récemment le Conseil d'Etat dans une affaire similaire", dénonce Or de question.

Outre ces "régressions manifestes", Emmanuel Wormser pointe également une incompréhension manifeste de la notion de projet, telle qu'elle résulte de l'ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale, de même que de l'articulation entre évaluation des plans et évaluation des programmes. Alors que ces assouplissements sont justifiées en grande partie par le plan d'urgence pour la Guyane lancé le 21 avril 2017 pour favoriser le développement économique du territoire, le juriste pointe par ailleurs un paradoxe. L'adoption de ces dispositions a pour effet de "fragiliser la sécurité juridique des activités" que le gouvernement entend précisément soutenir, explique-t-il.

Le gouvernement renonce à la rétroactivité

Si l'adoption de ce texte ne va pas mettre fin aux critiques, l'exécutif a en revanche renoncé à deux dispositions très controversées envisagées initialement. Il s'agissait en premier lieu de l'assouplissement du seuil du cas pas cas pour les projets de canalisation de cours d'eau, qui avait été particulièrement critiqué par les associations. "Il n'y a aucune raison que le seuil de détournement de cours d'eau autorisé soit brutalement multiplié par 10, sauf peut être à satisfaire les demandes de permis d'exploiter l'or alluvionnaire", avait pointé Or de question.

Mais, surtout, le caractère rétroactif du décret a été abandonné : le projet prévoyait en effet une application aux demandes de cas par cas déposées à compter du 15 août 2016, puis du 2 mai 2017 selon une version ultérieure du décret. L'avocat Emmanuel Wormser avait vu pour seule explication possible de cette disposition juridiquement très critiquable la volonté de "régulariser ex-post des autorisation accordées à tort en violation de la législation des évaluations environnementales".

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