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L'émergence de la filière française de l'hydrogène et des piles à combustible

Jean-Christophe Lanoix, consultant senior chez Hinicio, revient sur le potentiel de la filière Hydrogène et son dynamisme au niveau mondial tandis que la France accuse un retard important en termes industriels.

Publié le 30/09/2011

Longtemps négligée par certains grands industriels nationaux et par les pouvoirs publics, la filière de l'hydrogène et des piles à combustible française revient sur le devant de la scène avec la clôture le 31 août dernier d'un Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI) dédié dans le cadre des Investissements d'Avenir. Cet appel à projet vise à cofinancer des projets de déploiement préindustriel de grande envergure, et constitue à ce titre un moment charnière pour le décollage de la filière nationale.

L'hydrogène : une des réponses crédibles aux enjeux énergétiques

Si l'hydrogène est depuis longtemps utilisé comme un intrant chimique dans l'industrie, la contrainte énergétique nous amène à considérer sérieusement son utilité en tant que vecteur énergétique. L'hydrogène ne se trouve pas sur Terre à l'état libre. Il est donc nécessaire de disposer d'une source d'énergie extérieure pour le « produire » en le séparant des autres atomes auxquels il est lié dans des molécules complexes (hydrocarbure, molécule d'eau, matières végétales, etc.).

Aujourd'hui, il est principalement produit  à partir de combustibles fossiles (gaz naturel ou charbon) à travers des procédés fortement émetteurs de carbone. Le vaporeformage de gaz naturel émet ainsi environ 10 t CO2 /t H2 produite. Premier constat : pour que l'hydrogène et les piles à combustible puissent contribuer à la réduction des émissions de carbone, il est indispensable de développer des procédés de production moins intensifs en carbone. Plusieurs pistes sont actuellement explorées en France, les plus prometteuses étant le vaporeformage de biogaz, le vaporeformage de gaz naturel utilisant les technologies de captage et de stockage du CO2 et l'électrolyse de l'eau. Dans ce dernier cas, l'empreinte carbone de l'hydrogène dépend alors du contenu en carbone de l'électricité. L'hydrogène peut ainsi potentiellement apporter certaines réponses à la problématique du stockage des énergies intermittentes.

Parmi les applications de l'hydrogène, c'est la pile à combustible qui offre les meilleures perspectives en termes d'efficacité énergétique (typiquement autour de 50% de rendement électrique et 95% en cogénération). Il s'agit d'un dispositif électrochimique utilisant hydrogène et oxygène (souvent prélevé dans l'air ambiant) pour produire électricité et chaleur. L'eau est le seul rejet au niveau de la pile mais l'empreinte carbone réelle dépend de la méthode utilisée pour produire l'hydrogène et de la chaîne d'approvisionnement. Les applications couvrent une large gamme de puissances : dans le stationnaire, les piles à combustible peuvent alimenter des bâtiments ou des installations industrielles en électricité et chaleur pour des puissances allant de quelques kilowatts à plusieurs mégawatts. Dans le transport, le véhicule particulier concentre les plus gros défis industriels, technologiques et économiques. A ce titre tout porte à croire que les flottes de véhicules et notamment les autobus offrent l'alternative économiquement la plus réaliste pour optimiser les retours sur investissement et le taux d'utilisation des infrastructures d'approvisionnement d'hydrogène dans cette phase d'amorçage de la filière.

La pile à combustible connait aujourd'hui un décollage réel au niveau mondial

Le marché des piles à combustible semble avoir amorcé son décollage depuis quelques années porté par les « marchés précoces », où la technologie offre dès à présent une proposition de valeur quasi-compétitive avec les technologies établies. A l'horizon 2015, les experts estiment que le marché global des piles à combustible représentera entre 1 et 5 milliards d'euros.

Le marché des engins de manutention est ainsi en pleine émergence en Amérique du Nord, largement dynamisé par des mécanismes fiscaux incitatifs n'existant pas encore en Europe. Plusieurs opérateurs de flottes (Département de la Défense, Coca Cola, Walmart, General Motors…) opèrent déjà des flottes de plusieurs dizaines de véhicules dans leurs entrepôts, alimentés par des stations-hydrogène installées sur site. Le principal avantage par rapport aux chariots à batteries repose non pas sur un argument écologique mais sur un pur calcul économique : l'hydrogène permet des gains de productivité estimé entre 5 et 20%. Les gaziers industriels Air Liquide, Linde, Praxair ou Air Products sont positionnés sur l'approvisionnement en hydrogène et la société Plug Power apparaît comme le premier fournisseur de chariots en Amérique du Nord.

Le secours électrique et l'alimentation de sites isolés (antennes relais télécoms) sont aussi en développement. Les groupes Orange en France, Telecom Italia, Deutsch Telekom en Allemagne, AT&T et Sprint aux Etats-Unis ont récemment installé plusieurs centaines de systèmes de piles à combustible. Toujours dans le stationnaire, le Japon a déployé ces dernières années plus de 5 000 piles pour la cogénération dans le secteur résidentiel.

A l'échelle du mégawatt, les hollandais de Nedstack ont mis en service en juillet une pile d'un mégawatt sur le site de Solvay à Anvers, valorisant ainsi une partie de l'hydrogène co-produit et précédemment relâché dans l'atmosphère. En Amérique du Nord, Ballard Power Systems installe actuellement plusieurs piles d'un mégawatt, notamment pour l'opérateur énergétique First Energy.

Dans le transport, l'Allemagne apparaît comme le pays test pour la filière. Le partenariat  H2Mobility regroupant les principaux industriels de l'énergie et des gaz industriels (Air Liquide, Linde, Total, Vattenfall, Shell, etc.) a été signé en 2009 avec l'objectif d'étudier la faisabilité d'un déploiement d'une infrastructure de production, de transport et de distribution d'hydrogène pour une utilisation dans des véhicules particuliers. Parallèlement, les principaux constructeurs automobiles (Daimler, General Motors, Opel GmbH, Honda, Toyota, Ford, Hyundai-Kia, etc.) prévoient de commercialiser environ 100 000 véhicules à pile à combustible par an à partir de 2015.

Les fers de lance de la filière française de l'hydrogène

Alors que le terrain semble assez propice pour le déploiement de la filière au niveau international, force est de constater que la France accuse un retard important en termes industriels. Ceci est principalement le résultat de choix politiques et industriels au-cours des dernières décennies. Certes, la R&D est dynamique, soutenue en cela depuis des années par l'ANR, et grâce à l'apport du CEA, leader européens sur le sujet. Mais ce potentiel d'innovation n'a jamais réellement été traduit en projets de démonstrations réellement structurants. La filière nationale se trouve aussi fortement handicapée par le fait qu'aucun des deux constructeurs automobiles nationaux ne se soit engagé de manière stratégique à ce stade sur le véhicule à pile à combustible, contrairement à certains constructeurs étrangers.

Mais la France ne manque pas d'atouts. Le groupe Air Liquide est le leader mondial sur le secteur de l'hydrogène industriel. Le Groupe met en œuvre depuis quelques années le programme Hydrogène Horizon Energie qui représente plus de 200 millions d'euros d'investissements avec des partenaires industriels français, et un soutien d'OSEO à hauteur d'environ 60 millions d'euros.

Dans son sillage, d'autres industriels se positionnent. Hélion (Groupe AREVA) vise le marché du stockage d'électricité à travers le développement de solution d'électrolyseurs et de piles à combustible. La PME lyonnaise SOPRANO intègre une solution modulaire de pile de forte puissance en partenariat avec le CEA. De son côté, le Groupe GDF-Suez explore le segment des véhicules Hythane® (véhicules GNV utilisant un mélange d'hydrogène et de gaz naturel).

Un travail de structuration de la filière nationale a démarré depuis 3 ans avec la Plateforme Française Hydrogène et Piles à Combustible. Il a permis d'engager plusieurs chantiers prioritaires comme la définition d'un cadre réglementaire adapté. En parallèle une feuille de route nationale1 a été développée par l'ADEME avec le soutien du cabinet de conseil en stratégie Hinicio. Plusieurs collectivités territoriales ont aussi signalé leur intérêt avec l'adoption de stratégies de développement territorial voire la réalisation de projets concrets. Citons par exemple la Région Rhône-Alpes, le Nord-Pas-de-Calais, les Pays de la Loire et l'association PHYRENEES en Midi-Pyrénées.

L'écosystème semble propice à l'éclosion de cette filière. Les acteurs de l'hydrogène espèrent en tout cas que l'AMI en cours pourra servir de catalyseur. L'avènement du véhicule électrique à batterie pourrait constituer un tremplin pour le véhicule à hydrogène car la pile à combustible permettrait de pallier aux contraintes principales des batteries en termes de temps de recharge et d'autonomie, tout en valorisant une plateforme de propulsion électrique commune. De là à parler dès à présent d'électro-mobilité de seconde génération, il n'y a qu'un pas…

Jean-Christophe Lanoix est consultant sénior chez Hinicio, cabinet de conseil en stratégie spécialisé en énergies durables.

1 Lire la feuille de route sur le site de l'Ademe.
http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=24277

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