Eco-prêt à taux zéro, extension de crédits d'impôts…L'Etat a déployé tout un arsenal de mesures pour financer le grand chantier de la rénovation en France. Pourtant, si les arguments ne manquent pas pour inciter les Français à entreprendre des travaux de rénovation, une partie du parc de logements risque d'échapper à ce grand chantier : le parc locatif privé, soit 21 % des résidences principales. En effet, si l'investissement dans des travaux thermiques est rentable car compensé par une diminution de la facture énergétique, la question de la répartition des coûts des travaux entre propriétaire et locataire se pose dans ce cas précis. Pourquoi un propriétaire engagerait des travaux coûteux qui bénéficieraient à son locataire ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a publié en février une étude sur cette problématique. Retours d'expériences et analyses financières ont permis à l'agence d'identifier des mécanismes financiers avantageux pour les deux parties, répartissant l'effort d'investissement entre propriétaire et locataire.
Parc locatif privé : une problématique particulière
39 % des ménages français seraient locataires, selon l'Ademe. Or, la moyenne de consommation d'énergie du parc locatif privé est supérieure à la moyenne nationale : 74 % des logements locatifs ont été construits avant la première réglementation thermique de 1974. La rénovation de ce parc constitue donc une priorité. Pourtant, les mécanismes financiers mis en place par le gouvernement à la suite du Grenelle de l'environnement s'adressent prioritairement aux propriétaires habitant leur logement, en jouant sur la rentabilité des travaux et sur les profits à venir. Les propriétaires bailleurs n'y trouvent pas forcément leur intérêt : les travaux profitent au locataire.
De plus, selon l'étude, la nature majoritairement collective des logements ne facilite pas la prise de décision de réaliser des travaux, qui doivent être approuvés par la copropriété. Enfin, les propriétaires bailleurs sont surtout des particuliers, ce qui rend plus difficile la mobilisation de ces acteurs et le financement des opérations.
Ayant identifié cette problématique, les conclusions du Grenelle de l'environnement préconisent la mise en place d'un mécanisme répartissant entre propriétaires et locataires le coût des travaux avec garantie d'efficacité énergétique. La loi Grenelle 1 prévoit que l'État incitera les bailleurs et les associations de locataires à engager une concertation pour déterminer les modalités de partage des économies d'énergie réalisées par ces investissements. Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement rendra compte au parlement de l'état de la concertation.
Des ajustements concernant les aides financières ont également été réalisés. Outre la déduction du montant des travaux des revenus fonciers et les aides de l'Anah (agence nationale de l'amélioration de l'habitat) et des collectivités locales, les propriétaires bailleurs sont désormais éligibles au crédit d'impôt économie d'énergie et pourront bénéficier de l'éco-prêt à taux zéro, comme la loi de Finances 2009 le prévoit.
Les leçons à tirer des expériences étrangères
L'étude menée pour l'Ademe a analysé différents mécanismes de financements mis en place dans d'autres pays européens. Il apparaît que les principaux systèmes de répartition des charges du propriétaire vers le locataire ont été mis en place dans les pays où les loyers sont encadrés, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, ce qui n'est pas le cas en France. Néanmoins, certaines caractéristiques ont été retenues comme intéressantes et transposables au cas français.
Le système suisse, où la répercussion sur le loyer des améliorations énergétiques s'appuie sur un calcul intégrant des frais d'amortissement, des frais d'entretien et des frais d'intérêts liste précisément les améliorations énergétiques considérées comme des prestations supplémentaires du bailleur.
Le système allemand s'appuie quant à lui sur une définition simple et précise des coûts transférables : coûts transférables = coûts d'investissement - aides (y compris les prêts bonifiés) - coûts des mesures de maintenance simple.
L'analyse d'expériences française fait ressortir qu'avec une augmentation limitée du loyer, la réhabilitation thermique des logements peut être rentable à la fois pour le propriétaire et pour le locataire.
Quatre conclusions ressortent de cette étude. Le mécanisme de financement mis en place doit privilégier la sécurité, en n'alourdissant pas la charge financière globale du locataire et en sécurisant l'investissement du propriétaire. Une totale transparence doit être mise en place : les coûts transférés ne doivent correspondre qu'aux seules mesures ayant pour objectif l'efficacité énergétique du logement, hors travaux de maintenance. Le système doit permettre de trouver un équilibre où les coûts transférés au locataire ne doivent pas être supérieurs aux montants investis par le bailleur. Enfin, le mécanisme doit être simple et clair à appliquer pour faciliter la compréhension et l'acceptation des deux parties.
L'étude propose un mécanisme de financement qui permet au propriétaire de répercuter les trois quarts de l'investissement sur le locataire. Cette solution s'applique dans l'hypothèse d'un financement par un éco-prêt à taux zéro sur dix ans : si le temps de retour sur investissement est inférieur à 10 ans, le locataire paiera 75 % de l'investissement, si le temps de retour sur investissement est supérieur à 10 ans, le locataire paiera 75 % des économies d'énergie. D'après l'étude, ce mécanisme protège systématiquement le locataire, qui économise toujours plus sur sa facture énergétique qu'il ne paye de loyer supplémentaire. En prenant en compte la baisse de la facture énergétique d'une part et l'augmentation de loyer liée au remboursement des travaux d'économie d'énergie d'autre part, le gain moyen est de 30 € par mois.