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Ile-de-France : une forêt s'installe sur des sols pollués

Dans le Val d'Oise, au nord-ouest de Paris, une forêt va pousser sur une plaine polluée aux métaux lourds et aux hydrocarbures. La concertation préalable à la déclaration d'utilité publique se termine ce mois-ci.

Aménagement  |    |  A. Canto
Ile-de-France : une forêt s'installe sur des sols pollués
Environnement & Technique N°379
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°379
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Un million d'arbres à planter pour une nouvelle forêt de 1.350 hectares. C'est le projet, peu commun, de l'aménagement d'une plaine de 2.000 hectares dans le Val d'Oise, au nord-ouest de Paris. Utopiste ? Non : très pragmatique. Car ces sols sont pollués par près d'un siècle de déversement des eaux usées de Paris, puis par les boues de la station d'épuration chargée de les traiter.

Jusqu'en 1999, ces terres étaient exploitées en agriculture, mais avec la découverte de la pollution aux métaux lourds, un arrêté préfectoral est venu interdire les cultures destinées à l'alimentation humaine. Les cultures sont désormais destinées à la consommation animale, et non viables sans aides financières. La plaine, cernée par des villes, des voies routières et des voies d'eau est aussi dépositaire de déchets sauvages. "Il reste deux options : l'urbanisation de la plaine ou son boisement. Or, cet espace est cerné par les 500.000 habitants de l'agglomération de Cergy-Pontoise au nord, et les 300.000 habitants de Val Parisis au sud", cadre Bernard Tailly, président du Syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP) et maire de Frépillon, une des communes concernées par ce projet. Le choix de la forêt est acté dès 1994, la zone étant classée comme un espace vert à protéger par le schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), une protection renouvelée en 2013. Malgré tout, d'autres projets ont été envisagés, dont la création d'un centre de stockage des déchets inertes (ISDI) pour les déchets des travaux du Grand Paris.

Une  continuité écologique entre deux massifs forestiers

C'est en 2009 que l'idée de la forêt gagne de la consistance. Le projet est alors évoqué par Nicolas Sarkozy, président de la République. "Elle devient alors une idée officielle", raconte Bernard Tailly. Elle bénéficie ensuite du label Grand Paris - sans que le SMAPP ne réponde au moindre appel à projet, le Val d'Oise n'étant pas intégré au Grand Paris. Des études pré-opérationnelles sont menées entre 2011 et 2014. "Le projet est validé fin 2013, et le syndicat mixte d'aménagement de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt est créé en mars 2014", précise le président du SMAPP. Il réunit les communes concernées par l'aménagement (1) , le département du Val d'Oise et la Région. Depuis, le projet est sur les rails.

Sur les 2.000 hectares à aménager, 1.350 sont destinés à la forêt – 400 hectares sont déjà boisés. Le reste verra la construction de 8.000 à 10.000 logements d'ici à 2030. La future forêt permettra une continuité écologique avec deux autres massifs forestiers, à l'est (la forêt de Montmorency) et au sud (la forêt de Saint-Germain-en-Laye). Des "couloirs" forestiers sont également prévus pour faire la jonction avec les trames bleue que sont l'Oise et la Seine. La forêt sera parcourue par 90 km de chemins, dont 60 existent déjà et devront être requalifiés. Trois passages pour la faune sont prévus sur et sous les routes nationales et départementales à proximité. Des voies douces la rendront accessible aux quelque 100.000 habitants qui la borderont. En complément, douze portes d'accès sont prévues, équipées de parkings.

La déclaration d'utilité publique fin 2018

Où en est-on aujourd'hui ? Le schéma d'aménagement forestier de la plaine a été élaboré en 2015, et le contrat d'intérêt national  (2) "aux franges de la forêt de Pierrelaye" signé en mars 2017 avec l'Etat. La phase de concertation préalable se termine fin mars 2018. L'enquête publique, prévue à l'automne 2018, permettra d'avoir accès aux études préalables (conséquence de la pollution sur l'usage des sols, analyse foncière, faisabilité de la plantation, projet d'aménagement et le montage juridique et financier de l'opération). L'avis de l'autorité environnementale sera alors connu. Le feu vert sera ensuite donné par la déclaration d'utilité publique (DUP), attendue pour la fin de l'année 2018. Le SMAPP pourra alors entamer les démarches d'acquisition et d'expropriation des terrains… Et ce n'est pas une mince affaire : il y a 4.000 propriétaires et 6.300 parcelles… Sur certaines parcelles, cela pourrait aller vite : "la Ville de Paris est propriétaire d'un peu plus de 350 hectares, et le Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne, le Siaap, d'environ 600 hectares. Nous espérons finaliser ces acquisitions en 2018. Pour ce foncier public, nous avons l'assurance d'un prix de cession avantageux", indique Bernard Tailly. Autre difficulté de taille : la présence de gens du voyage, en voie de sédentarisation. Début 2014, ce sont 1.600 caravanes ou habitats précaires qui ont été recensés. Une maîtrise d'œuvre urbaine et sociale a été lancée pour faciliter l'accès au logement à cette population. Il faudra enfin enlever les quelque 10.000 tonnes de dépôts sauvages de déchets.

Reste une question de taille : la forêt permettra-t-elle le confinement de la pollution ? Les études de sols présentées en 2004 par l'Inra  (3) ont trouvé des taux très élevés de métaux lourds. En tout, 15.000 tonnes de cuivre, cadmium, plomb, zinc et mercure sont disséminés dans la plaine, avec des concentrations très variables en fonction des zones. Le sol est également pollué par des hydrocarbures. Etant donné la superficie, le traitement de la pollution aurait concerné 5 millions de mètres cube de terre : une option impossible.

Aucun suivi de la pollution

L'Inra recommandait donc de stabiliser la structure du sol pour minimiser les risques de relargage, notamment en maintenant un pH élevé. Pour cela, le maintien de l'activité agricole et de l'irrigation étaient nécessaires, pour maintenir la pollution en surface. Une piste abandonnée, donc, au profit de la forêt. Sans compter que l'irrigation a été arrêtée en 2005, sans aucun suivi de la pollution malgré la proximité de la nappe phréatique. "Avec l'arrêt de l'irrigation (…), la mobilité des métaux entraînera leur évacuation vers d'autres compartiments (…). Il y aura dispersion de la pollution, mais aussi dilution. Mais une partie des métaux transitera tôt ou tard vers la nappe, et de là vers les rivières. Là aussi dispersion et dilution. Quel est l'impact ?", indique une autre étude de l'Inra (4) publiée en 2011. Le Smapp indique envisager le suivi de la pollution à partir du moment où il sera propriétaire des parcelles.

"L'étude sanitaire menée en 2014 a conclu que les usages prévus de la future forêt (…) sont compatibles avec l'état des sols, sous réserve de quelques mesures de protection", indique le document de la concertation publique. Une vingtaine d'hectares parmi les plus pollués sera interdite d'accès par des clôtures. Evidemment, chasse et cueillette seront interdites. Des essences comme les conifères sont exclus car ils acidifieraient les sols, favorisant la mobilité de la pollution vers la nappe phréatique. Le pH sera sous contrôle via un chaulage des sols, à renouveler tous les dix ans, là aussi pour contrer l'acidification. Mais comment chauler une forêt ? "Les plantations devront donc autoriser la circulation des engins permettant ces épandages. En clair, ne s'agira-t-il pas d'un alignement d'arbres, plutôt que d'une forêt ?", s'interrogeait, en 2013, l'élu local Michel Vampouille dans une revue critique du projet. Pour Bernard Tailly, "il n'y a pas de plan B."

La forêt pourrait être un site naturel de compensation

Enfin, le financement n'est pas encore bouclé. Pour le budget estimé à 85 millions d'euros sur dix ans, plusieurs pistes sont explorées, dont des aides de l'Agence de l'eau Seine-Normandie et des fonds de l'Union européenne. Des emprunts sont aussi envisagés, ainsi qu'une participation citoyenne et du mécénat. Des parcelles pourraient aussi être des sites naturels de compensation pour des projets dont les impacts sur l'environnement n'ont pu être ni évités ni réduits.

Le boisement devrait s'étaler sur une dizaine d'années, à raison d'une centaine d'hectares par an. Les premiers arbres pourraient être plantés dès l'hiver 2019, espère Bernard Tailly. Mais il faudra attendre 30 à 50 ans pour que la forêt arrive à maturité.

1. Frépillon, Bessancourt, Herblay, Pierrelaye, Taverny, Méry-sur-Oise et Saint-Ouen-l'Aumône2. Le contrat d'intérêt national (CIN) est la déclinaison opérationnelle d'objectifs du Sdrif ou du Contrat de plan Etat-région 2015-2020 et doit permettre de lever les freins identifiés sur le territoire. 3. Projet Epandagri : étude d'un secteur agricole pollué par les épandages d'eaux usées : bilan environnemental et possibilités de reconversions végétales.4. Etude d'évaluation du risque de mobilité des métaux dans l'agrosystème contaminé de Pierrelaye-Bessancourt : prospections du site, fonctionnement des sols et tests de lixiviation.

Réactions5 réactions à cet article

"Car ces sols sont pollués par près d'un siècle de déversement des eaux usées de Paris, puis par les boues de la station d'épuration chargée de les traiter."

Serait-il possible, SVP, de commenter un peu cette phrase essentiel ? Déverser comment ? Etc

Encore un cadeau d'ex-irresponsables politiques ou peut-on invoquer une ignorance non coupable ?

C'est un cas important unique en France ?

Sagecol | 19 mars 2018 à 09h25 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
Il est difficile de résumer un siècle d'histoire de l'assainissement parisien en quelques mots. Une canalisation a bien été construire pour amener les eaux usées de Paris, puis des communes environnantes, sur cette plaine. Il existe encore un chemin baptisé émissaire de la ville de Paris » qui part de Pierrelaye… Avec le développement de l’industrie, la matière organique a été polluée par les métaux lourds et les hydrocarbures. Quand les eaux ont été traitées en station d’épuration, on a épandu les boues, avant de se rendre compte qu’elles étaient également polluées…
Pour ce qui est des responsabilités, je ne peux pas vous répondre, n’ayant pas enquêté sur ce volet.

La rédaction | 19 mars 2018 à 12h57 Signaler un contenu inapproprié

Merci, c'est déjà çà
"Vivent" les émissaires .... mortifères

Ça ne devait déjà pas être marrant pour les nez des gens du coin.

Sagecol | 19 mars 2018 à 16h44 Signaler un contenu inapproprié

A Achères, il y a eu depuis longtemps (Baron Haussmann?) l'issue d'un grand émissaire qui donnait sur ce qui était appelé le "dépôt des gadoues" en bord de Seine.
Est-ce de cela qu'il est question ?
Quant à la responsabilité, elle est normalement partagée car liée historiquement au développement de notre société. L'industrie, coupable désignée naturellement ici sans discernement, n'y est pas pour grand-chose... pas plus ni moins coupable.

Albatros | 29 mars 2018 à 14h36 Signaler un contenu inapproprié

C'est un autre émissaire qui partait sur Achères, mais le principe est le même, oui.
Tout à fait d'accord sur la responsabilité, partagée entre le producteur (l'industrie), le politique qui réglemente (ou pas, dans ce cas) et le consommateur.

La rédaction | 29 mars 2018 à 15h17 Signaler un contenu inapproprié

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