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Fraude de Volkswagen : les Etats membres ne jouent pas le jeu

Alors que le scandale de Volkswagen met en lumière des défaillances dans le système d'homologation des véhicules en Europe, les Etats membres continuent de préserver les intérêts de leurs constructeurs en autorisant des dépassements de normes.

Décryptage  |  Transport  |    |  F. Roussel

La fraude aux émissions polluantes du constructeur Volkswagen n'en finit pas d'éclabousser l'Europe. Un article du quotidien britannique Financial Times démontre que la Commission européenne connaissait l'existence de fraudes dès 2013. Dans un courrier au commissaire à la politique industrielle de l'époque Antonio Tajani, le commissaire de l'environnement Janez Potocnik alertait sur "la manipulation des tests d'émission par les constructeurs d'automobiles".

Interrogée par le Sénat français mi-octobre, la Commission européenne a en effet reconnu qu'elle était consciente du décalage entre les tests en laboratoire et les émissions en conditions réelles depuis 2011 : "La Commission a pris connaissance des doutes en 2011 grâce aux travaux du Centre commun de recherche (JRC) et a immédiatement mis en place un groupe de travail, a expliqué Joanna Szychowska, chef d'unité à la Direction générale Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME de la Commission européenne à l'occasion d'une table ronde sénatoriale. Mais nous n'avons jamais eu connaissance d'une quelconque trace de fraude chez aucun constructeur. Nous avons simplement dit qu'il n'était pas exclu que le décalage entre les tests et la réalité soient dus à un defeat device".

En Europe, personne n'a rien vu

Le constructeur allemand Volkswagen a reconnu avoir installé un logiciel capable de reconnaître les phases de contrôle et d'activer les dispositifs anti-pollution pour répondre aux normes (technique du defeat device). Onze millions de véhicules dans le monde, de marque Volkswagen et d'autres marques du groupe, en sont équipés. Des enquêtes sont ouvertes dans plusieurs pays européens et notamment en France. En réponse à l'affaire, la Commission européenne a proposé aux Etats membres de mettre en place une plateforme de partage d'informations. Certains Etats, dont la France, testeront les voitures en circulation, d'autres s'appuieront sur le résultat des tests allemands. "La Commission n'a pas de pouvoir d'enquête, a rappelé Joanna Szychowska aux sénateurs surpris du peu de réactivité de l'organe européen, le contrôle du respect de la législation incombe aux Etats membres !". La Commission a d'ailleurs demandé à tous les Etats de vérifier que leurs constructeurs n'ont pas installé de systèmes similaires.

En France, le contrôle de la réglementation est confié à l'Union technique de l'automobile, du motocycle et du cycle (UTAC), service technique qui réalise les essais d'homologation avant la mise sur le marché des véhicules et une fois sur le terrain. "Nous constatons en effet des dérives dans la limite autorisée par la réglementation, mais pas d'écarts comme ceux dont nous parlons dans l'affaire Volkswagen", a témoigné Béatrice Lopez de Rodas de l'UTAC.

Aux Etats-Unis, c'est l'Agence de protection de l'environnement (EPA) qui a mis à jour l'arnaque. Informée en 2014 par un rapport du Conseil international des transports propres (ICCT, International Council on Clean Transportation), l'agence n'aura mis qu'un an pour découvrir la fraude. "Le pouvoir législatif a investigué, comme il en a le pouvoir, il a demandé des explications à Volkswagen et a abouti, en un an, à la découverte du defeat device", explique François Cuenot de la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, constatant qu'"il y a donc deux systèmes très différents [entre l'Europe et les USA] avec une répartition des pouvoirs également très différente".

Une gouvernance à revoir

La fédération Transport et Environnement soulève également d'autres dysfonctionnements en terme de gouvernance notamment au niveau des organismes de contrôle. "Le cas Volkswagen a révélé de grosses lacunes : nous avons 28 Etats-membres avec autant voire plus d'autorités homologatrices en concurrence entre elles : le constructeur peut aller chez le voisin s'il est mécontent du résultat", illustre François Cuenot. A l'instar du Parlement européen qui a voté une résolution dans ce sens, l'association demande la création d'une autorité supranationale européenne pour superviser le travail des instances nationales d'homologation. "En l'absence de base de données centralisée, la Commission ignore quels sont les véhicules homologués. Acceptons d'abandonner un peu de souveraineté et prenons exemple sur le système américain, qui a mieux fonctionné", estime François Cuenot.

Pour l'instant, il n'est pas question de modifier la gouvernance mais ça pourrait venir. Suite à ses soupçons en 2011, la Commission européenne a travaillé sur un nouveau paquet législatif dit RDE pour Real Driving Emissions. En mai, les Etats membres ont voté le premier paquet : à partir de 2016, les émissions seront mesurées avec un système embarqué, le PEMS (Portable Emissions Measurement System). Le deuxième paquet, en cours d'élaboration, porte sur les délais et niveaux intermédiaires auxquels les constructeurs devront se conformer avant d'atteindre progressivement une limite d'émissions de NOx de 80 milligrammes par kilomètre (norme euro 6 en vigueur depuis septembre 2015). Les troisième et quatrième paquets porteront sur les particules et sur la conformité en service. "Cela devrait permettre de diminuer, voire de supprimer les différences constatées aujourd'hui entre tests et conduite normale", assure Joanna Szychowska de la Commission.

Des Etats membres frileux malgré le scandale

Avec cette nouvelle législation, "nous revoyons tout notre système d'homologation : la législation RDE n'est que le début. La proposition de la Commission est ambitieuse mais réaliste. Nous croyons que les fabricants seront en mesure de s'y conformer", expliquait mi-octobre Mme Szychowska, chef d'unité à la Direction générale Marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME de la Commission européenne. Mais c'était sans compter sur la frilosité des Etats membres.

Réunis en Comité technique des véhicules automobiles mercredi 28 octobre, les Etats ont voté à une large majorité sur le deuxième paquet de mesures. A partir du 1er septembre 2017, un nouveau test, plus proche des conditions réelles, permettra de déterminer si un nouveau modèle de voiture est autorisé à être mis sur le marché. Indulgente avec les constructeurs automobiles, la Commission européenne a proposé une mise en route en douceur : les constructeurs vont devoir réduire progressivement l'écart entre la limite réglementaire et le test RDE - ce qu'on appelle le "facteur conformité".

Alors que la Commission proposait un facteur de conformité de 2, les Etats membres ont demandé plus de souplesse et ont réussi à obtenir un facteur de 2,1. Autrement dit, à partir de septembre 2017, les nouveaux modèles de véhicules pourront émettre jusqu'à 110% de plus de NOx que ce que la norme leur demande. Ce taux passera à 50% en janvier 2020. "L'accord signé aujourd'hui par les Etats membres sur la divergence autorisée entre la limite réglementaire mesurée dans des conditions de conduite réelles et mesurées dans des conditions de laboratoire est une réduction significative par rapport à la différence actuelle (400% en moyenne)", se réjouit la Commission européenne dans un communiqué. "L'UE est la première et seule région au monde à imposer ces méthodes d'essai robustes. Et ce n'est pas la fin de l'histoire. Nous allons compléter cette étape importante avec une révision du règlement-cadre relatif à la réception et à la surveillance des véhicules à moteur du marché", complète Elżbieta Bieńkowska, commissaire chargé du Marché intérieur, de l'industrie, de l'entreprenariat et des PME.

Le Parlement aura son mot à dire

Mais la position des représentants des Etat membres a choqué de nombreux acteurs politiques et notamment la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal. "Ce projet de mesure n'est pas satisfaisant", a-t-elle déclaré dans un communiqué. La ministre demande à la Commission européenne une réunion de "clarification" avec les ministres concernés. "Au-delà des échanges dans les comités techniques, une décision de cette importance doit être discutée et décidée en réunion des ministres, c'est-à-dire au niveau politique", estime-t-elle.

La délégation socialiste française, en accord avec le groupe des socialistes et démocrates au Parlement européen, évoque quant à elle "le rôle pour le moins trouble qu'a joué l'industrie automobile au sein du Comité technique sur les véhicules". Du côté des députés EELV, c'est l'incomprehension : "On croit rêver !, s'insurge Karima Delli, députée européenne EELV, membre de la Commission Transports. Depuis les révélations du scandale Volkswagen, nous nous débattons pour imposer des tests enfin fiables qui mettent un frein à la tricherie des constructeurs automobiles sur les tests anti-pollution. Pendant ce temps-là, les Etats-membres complotent dans le dos des citoyens pour autoriser les dépassements des plafonds autorisés".

Les députés vont pouvoir exprimer leur désaccord d'ici quelques semaines car ce projet de mesures leur sera soumis dans le cadre du trialogue Commission-Etats-Parlement.

Réactions1 réaction à cet article

L'Europe est nécessaire mais si c'est pour :
- généraliser et tolérer les mauvaises pratiques
- pérenniser une PAC inadaptée tant aux choix des cultures en fonction de l'environnement de production qu'en termes de recours à une chimie destructrice et couteuse.
- cautionner un système dont les méandres et multiples influences favorisent quelques intérêts privés au dépens de tous...
Mieux vaut rien avoir !

JVA2roues | 03 novembre 2015 à 10h30 Signaler un contenu inapproprié

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