Selon le rapport sur l'évaluation préliminaire des doses de radiation reçues par les populations suite à la catastrophe de Fukushima (1) , publié la semaine dernière par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les doses reçues par les populations sont faibles et en-deçà des normes admises. Cela vaut pour les Japonais, à de rares exceptions, comme pour les résidents des pays limitrophes.
Cependant, l'étude ne prend en compte ni les travailleurs qui sont intervenus sur le site depuis l'accident, ni les personnes qui habitent dans la zone de 20 km autour de la centrale ravagée et qui furent évacuées dans les jours qui suivirent l'accident. Quant aux personnes vivant dans la zone d'évacuation facultative comprise entre 20 et 30 km autour de la centrale, les experts ont estimé les doses reçues sur quatre mois, au lieu d'un an pour les autres évaluations présentées dans le document, au motif qu'elles auraient rapidement quitté cette zone.
Le document de 120 pages se base sur des chiffres publics et sur différentes simulations. Il annonce la publication d'un rapport plus large sur les conséquences de la catastrophe dans le domaine de la santé qui devrait être publié à l'été. Le document a par ailleurs était réalisé "en accord avec le rôle défini pour l'OMS en matière d'intervention en cas d'urgence radiologique". Sa rédaction a été confiée à une trentaine de spécialistes issus d'instituts nationaux en charge de la radioprotection dans leurs pays respectifs, de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA), de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l'OMS.
Impact global faible
Concrètement, l'OMS juge qu'"on peut retenir que les estimations des doses reçues [par les Japonais] vivant en dehors de la préfecture de Fukushima et des préfectures limitrophes sont en-deçà des doses maximales admises pour le public en temps normal", soit moins 1 millisieverts (mSv).
Quant aux habitants de la préfecture de Fukushima, ils auraient reçu des doses inférieures à 10 mSv, mis à part les deux villes les plus touchées. Dans ces deux zones les doses reçues seraient comprises entre 10 et 50 mSv.
Les doses reçues en dehors du Japon sont évaluées à 0,01 mSv. Elles sont "inférieures, et souvent très inférieures, à des niveaux de débit de dose considérés comme très faibles par la communauté des spécialistes de la protection radiologique", précise le document.
La thyroïde plus affectée
Par contre, le niveau des doses reçues par la tyroïde des personnes affectées par la catastrophe semble plus important. Dans la zone comprise entre 20 et 30 km autour de la centrale, l'exposition thyroïdienne des populations correspondrait à une dose de 10 à 100 mSv. Un niveau qui s'envole jusqu'à 200 mSv pour les enfants de moins de dix ans qui vivent à Namie, une ville située à la limite de la zone d'évacuation obligatoire de 20 km.
Pour l'ensemble de la préfecture l'exposition thyroïdienne serait de l'ordre de 1 à 10 mSv pour les adultes et de 10 à 100 mSv pour les enfants de moins de dix ans. Quant au reste du Japon et du monde les estimations globales restent valables, soit respectivement 1 à 10 mSv et 0,01 mSv.
Des données déjà connues
Finalement, ces évaluations ne présentent aucune avancée par rapport aux données publiées précédemment. A l'occasion du premier anniversaire de la catastrophe, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avait déjà compilé ces mêmes données publiées par Tepco et le ministère japonais en charge des Sciences et Technologies. En compilant les informations par grands groupes de population, l'OMS tendrait même à réduire la précision des données publiques disponnibles.
De plus, Jean-René Jourdain, adjoint à la directrice de la protection de l'homme de l'IRSN, avait émis des critiques sur certaines carences du dispositif japonais. En premier lieu il avait pointé l'absence de mesures qui aurait permis de connaître l'exposition précise de certaines populations et notamment l'exposition thyroïdienne des enfants. L'expert français, qui représentait la France dans le panel de l'OMS, avait expliqué, à l'occasion des un an de l'accident nucléaire, qu'il est maintenant bien trop tard pour réaliser une évaluation crédible.
De même, il avait jugé que Tepco, l'opérateur de la centrale constituait un "filtre" rendant difficile, voire impossible, l'accés à des données fiables. Il pointait notamment des évaluations lacunaires des doses reçues par les travailleurs. Ainsi, quand Tepco publie des données rassurantes sur les doses reçues par environ 20.000 travailleurs, Jean-René Jourdain estime qu'ils ont été en réalité 80.000 à intervenir sur le site au cours de la première année. L'OMS pour sa part exclut l'ensemble de ces intervenants de son étude…