L'ONG environnementale Générations Futures a publié mercredi 20 mars le premier volet de son enquête visant à évaluer les sources d'exposition potentielles de la population aux pesticides perturbateurs endocriniens (PE) au quotidien. Dans cette enquête, l'ONG analyse l'exposition quotidienne des enfants à ces substances (1) chimiques à faibles doses susceptibles d'interférer avec la régulation des hormones, et dénonce une contamination via les produits alimentaires à base de céréales. D'autres sources d'exposition à des insecticides ménagers employés comme biocides pour le jardin, la literie, les textiles ou à usage vétérinaire et antiparasitaire humain, ont aussi été identifiées par l'association.
Pour ce faire, Générations Futures a recherché les résidus de 24 substances appartenant à deux familles d'insecticides : les pyréthroïdes (fenothrine, permethrine, pyrethrine…) et les organophosphorés (fenitrothion, quinalphos, acéphate…), classées déjà dans la liste des substances à effet PE de l'Union européenne, selon l'association. Elle a également analysé les résidus du pipéronyl butoxide (PBO), utilisé en association avec les pyréthroïdes.
Des résidus de pesticides dans 75% des produits alimentaires testés
Résultats : 75% des douze produits alimentaires industriels à base de céréales (issus de différents supermarchés français) analysés contenaient des résidus de pesticides "sans dépassement de limites maximales de résidus (LMR fixées à 0,01 mg/kg par défaut, (2) ndlr)" et sur ces 75%, "tous contiennent" une ou plusieurs substances organophosphorées ou pyréthrinoïdes (cyperméthrine, PBO, pyrimiphos-méthyl…), selon l'ONG. Les produits analysés contenant des résidus de pesticides sont des biscuits, des céréales complètes ou encore du pain complet, du pain de mie, des spaghetti, des viennoiseries et des brioches. Ces insecticides se déposeraient sur le blé stocké dans des silos traités contre les champignons, avant sa transformation en produit fini.
Pour les produits non alimentaires, sur les 181 produits commerciaux relevés entre décembre 2012 et mars 2013, 108 contenaient une ou plusieurs de ces substances dont les plus retrouvées sont la cyperméthrine et le PBO, d'après l'association.
Cette enquête "vise à éclairer les questionnements'' du public sur ces substances, prévient l'ONG dans son rapport. Les résultats "contenus dans ce dossier n'ont pas valeur statistique significative au regard du faible nombre d'échantillons analysés ou répertoriés mais sont illustratifs de la problématique traitée", précise-t-elle.
Avis de l'Efsa : "plus de questions que de réponses" sur les PE, selon l'ONG
La publication de cette enquête intervient au moment où l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a rendu le 20 mars son avis scientifique visant la définition réglementaire et l'harmonisation communautaire des critères d'identification des PE. Une substance active est potentiellement perturbatrice endocrinienne quand elle génère un effet nocif résultant de son interaction avec le système hormonal, a défini l'Efsa. L'agence européenne a toutefois appelé à développer des stratégies expérimentales supplémentaires pour clarifier notamment les tests d'évaluation des effets des PE à faible dose, "sujets à débat scientifique".
Dans un communiqué, le Réseau Environnement Santé (RES) dont Générations Futures fait partie, a dénoncé ce jeudi 21 mars un avis "qui apporte plus de questions que de réponses". Cet avis "insiste de manière générale sur toutes les lacunes auxquelles sont confrontés les scientifiques pour définir ce qu'est un « perturbateur endocrinien » mais au lieu, de proposer des options pratiques pour y parvenir d'ici décembre, l'Efsa choisit un chemin qui nous conduit à la paralysie éternelle", a critiqué Yannick Vicaire, chargé de mission au RES. "Les législateurs ont choisi l'élimination des pesticides et biocides PE et le Parlement européen vient de préconiser la même démarche pour Reach mais en poussant à introduire une charge de la preuve insurmontable dès la définition des PE, l'Efsa pourrait bien réduire ce volontarisme à néant", estime-t-il.
L'avis de l'agence "part du constat qu'il n'existe pas de consensus scientifique sur l'existence ou la pertinence des faibles doses et des courbes doses-réponses non monotones (3) . Mais de qui attend-on un tel consensus ? Des chercheurs en pointe sur la perturbation endocrinienne (et dans ce cas, consensus il y a) ? De l'ensemble de la communauté scientifique (et c'est alors en bonne voie) ? Ou encore du cercle des experts publics et industriels dont les schémas de pensée et/ou les intérêts sont remis en cause (et là, c'est évidemment le milieu le plus résistant au changement de paradigme) ?", s'interrogent également le RES et Générations Futures.