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Grâce à ces informations, publiées aujourd'hui dans le magazine Nature* les scientifiques ont pu faire des avancées sur plusieurs points. Ce travail confirme le lien observé entre les températures enregistrées en Antarctique par le passé et les teneurs atmosphériques en CO2 et CH4. Autre observation capitale : jamais, sur les derniers 800.000 ans, les teneurs en gaz à effet de serre n'ont été aussi élevées qu'aujourd'hui. Les valeurs actuelles dépassent 380 ppmv** pour le CO2 et 1.800 ppbv*** pour le CH4 alors que les teneurs passées ne dépassent pas 300 ppmv pour le CO2 et 800 ppbv pour le CH4. La courbe du CO2 révèle par ailleurs les concentrations les plus basses jamais enregistrées : 172 ppmv il y a 667.000 ans.
D'autre part, les chercheurs ont mis en évidence une modulation, autrement dit des variations plus ou moins élevées des teneurs moyennes en CO2 atmosphérique sur une échelle de temps relativement longue, c'est-à-dire de plusieurs centaines de milliers d'années. Selon les scientifiques, ce phénomène inédit pourrait résulter de l'intensité plus ou moins importante de l'érosion continentale qui affecte le cycle du carbone sur de grandes échelles de temps.
Au sujet du méthane, les chercheurs remarquent une corrélation entre variation de l'axe de rotation de la Terre, calendrier des moussons et concentrations en méthane. La courbe du méthane révèle également des fluctuations rapides et récurrentes au cours de chaque glaciation. L'empreinte de tels événements s'observe aussi dans le signal CO2. Les chercheurs expliquent cette variabilité climatique rapide par des modifications du courant thermohalin, cette circulation à grande échelle des masses d'eau qui participe à la redistribution de la chaleur sur Terre. En revanche, ils ne savent pas encore pourquoi elles se manifestent dès le début des glaciations.
Tous les scientifiques impliqués sont donc à pied d'oeuvre pour tirer un maximum d'informations des 3260 mètres de carotte de glace retirés de l'Antarctique par forage au cours des 10 dernières années dans le cadre du programme EPICA. Mené par un consortium regroupant 10 pays européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Italie, France*, Norvège, Pays - Bas, Royaume - Uni, Suède et Suisse), ce projet avait pour objectif de forer la calotte glaciaire jusqu'au socle rocheux sur deux sites en Antarctique diamétralement opposés, l'un à Dôme C où se situe une station de recherche permanente issue d'une collaboration entre la France et l'Italie, l'autre à Dronning Maud Land.
Maintenant que le forage en lui-même est terminé, la communauté glaciologique internationale se tourne vers d'autres régions de l'Antarctique et espère extraire de la glace plus vieille encore, si possible de plus d'un million d'années.
*Référence des articles :
Nature 453, 383-386. Doi:10.1038
Nature 453, 379-382. Doi:10.1038
**ppmv
Cela signifie que parmi 1 million de molécules dans l'air, 380 seront des molécules de CO2. Un ppmv = une partie par million en volume.
***ppbv
Cela signifie que parmi 1 milliard de molécules dans l'air, 1800 seront des molécules de CH4. Un ppbv = une partie par milliard en volume.