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Actu-Environnement

La répartition de l'effort de réduction des émissions proposée par le GIEC questionne la notion d'équité

Si les résultats du GIEC visent à éclairer les décideurs, leur utilisation dans les négociations relève de choix politiques et laisse dans l'ombre certaines questions. Les objectifs de réduction des émissions illustrent ces enjeux.

Gouvernance  |    |  P. Collet
   
La répartition de l'effort de réduction des émissions proposée par le GIEC questionne la notion d'équité
© Angela-Jones
   
Dans son 4ème rapport, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du Climat) identifie trois trajectoires de réduction des émissions de GES basées sur des scénarii de stabilisation des émissions dans l'atmosphère à 450 ppmCO2é(1), 550 ppmCO2é et 650 ppmCO2é. Ces trajectoires sont résumées via un encadré (box 13.7) du rapport du troisième groupe de travail chargé d'évaluer les politiques de lutte contre les changements climatiques.

Expliciter la ''déviation substantielle''

Dans les négociations, l'option à 450 ppm a retenu l'attention car elle préserve la possibilité de limiter à 2°C la hausse des températures d'ici la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle. Selon le GIEC, ce scénario implique que les pays développés inscrits à l'Annexe 1 de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) réduisent, par rapport à 1990, de 25 à 40% leurs émissions de GES d'ici 2020 et de 80 à 95% d'ici 2050. Quant aux autres pays, la box 13.7 stipule que d'ici 2020 les pays émergents réalisent une ''déviation substantielle' par rapport au BAU (business as usual). Pour 2050, une ''déviation substantielle'' est préconisée pour l'ensemble des Etats hors Annexe 1.
En septembre 2008, Michel den Elzen et Niklas Höhne, les auteurs du chapitre du rapport du GIEC contenant la box 13.7, ont publié un article dans Climatic Change, chiffrant la déviation substantielle attendue d'ici 2020. Selon eux, le scénario 450 ppm implique que les pays hors Annexe 1, en tant que groupe, aient des émissions de GES inférieures de 15 à 30% par rapport au BAU.
Pour Emmanuel Guérin, Directeur du programme climat à l'IDDRI (Institut du développement durable et de relations internationales), ''les négociateurs ont tendance à retenir les résultats du GIEC qui rejoignent leurs intérêts''. Ainsi, lorsque la définition de la déviation substantielle a été présentée elle a reçu un accueil mitigé de la part des pays en développement. Cependant, au cours de 2009, un glissement s'est progressivement opéré et certains acteurs ont finalement assimilé les chiffres présentés dans l'article comme une préconisation du GIEC relative aux pays émergents.

Présenter et clarifier les hypothèses retenues

Cependant, ''ces résultats ne sont que des moyennes établies à partir de différentes études'' précise Emmanuel Guérin, ajoutant que ''les scientifiques sont étonnés de voir l'usage que font les négociateurs de leur résultats''. Afin de mieux comprendre et utiliser le rapport du GIEC, ''il convient que les auteurs détaillent leurs hypothèses de travail''. L'article complémentaire de den Elzen et Höhne permettait aussi de clarifier les résultats du GIEC en décrivant les études retenues, leurs modèles d'allocation et leurs hypothèses. Or ''certains de ces choix relèvent de décisions politiques, notamment au sujet de la notion d'équité'' analyse Damien Demailly, conseiller énergie-climat de l'eurodéputé Yannick Jadot.

La notion d'équité derrière la box 13.7

''Toute la difficulté de l'exercice de modélisation est de retenir des hypothèses à la fois réalistes et éthiques'' explique Patrick Criqui directeur du LEPII (Laboratoire d'économie de la production et de l'intégration internationale). Cependant, les Etats expriment parfois des opinions sur ces deux critères qui différent de celles des modélisateurs. Ainsi, Emmanuel Guérin explique que ''la Chine ne se reconnait pas dans les hypothèses du GIEC et elle propose son propre modèle basé sur les émissions historiques par habitant''.
S'agissant de l'équité, l'équipe de Patrick Criqui a réfléchi au consensus qui pourrait se dégager. ''Il est illusoire de penser qu'une seule vision puisse être retenue et il convient plutôt de construire un consensus en écartant les visions les plus injustes'', explique l'économiste. C'est cette approche qu'a retenu le GIEC en écartant les études qui font porter l'ensemble de l'effort sur un seul des deux groupes de pays. Pour Damien Demailly, ''il n'y a pas de consensus sur ce qui est équitable, et les seuls éléments solides sur lesquelles on puisse bâtir sont la responsabilité et la capacité à agir, les deux concepts clefs de la CCNUCC. Ainsi, le débat porte sur les émissions des pays, avec la question des émissions historiques, 1990 me paraissant être une bonne date, et la richesse'', précise-t-il.
S'agissant des indications du GIEC transcrites dans les négociations, le Plan d'action de Bali de 2007 indique simplement ''qu'il faudra fortement réduire les émissions mondiales'', renvoyant à une note de bas de page la référence à la box 13.7. ''Cependant, elle a joué un rôle important en formant un point de fixation repris par quasiment l'ensemble des pays pour définir leurs attentes ou leurs objectifs, estime Damien Demailly, ajoutant que le compromis social reste néanmoins assez mou : le 25-40% est-il domestique ou non et l'aide aux pays en développement vient-elle en plus ou pas ?''. Les objectifs européen et japonais, articulés autour du -25% mais sans être entièrement réalisés au niveau domestique, illustrent cela. De plus, Damien Demailly juge que ''l'Union Européenne n'est pas claire car elle veut compter les crédits MDP [Mécanisme pour un développement propre] comme soutien financier aux pays du Sud, considérant ainsi que le 25-40% couvre à la fois la réduction des émissions des pays développés et l'aide à la réduction des émissions des pays du Sud''.
Par ailleurs, l'article de septembre 2009 se base sur une trajectoire de réduction mondiale des émissions différente de celle proposée à Copenhague par les pays de l'Annexe 1. En effet, les pays développés voulaient inscrire un objectif mondial de division par deux des émissions d'ici 2050, alors que les auteurs du GIEC se basent sur une fourchette de réduction de - 25% à - 45% en 2050. Proposer une réduction mondiale à long terme de 50% avec une réduction de 80% pour les pays de l'Annexe 1 revient donc à retenir une réduction globale plus ambitieuse que les hypothèses du GIEC tout en proposant la baisse des émissions des pays développées la plus faible. De plus, la somme des propositions pour 2020 est d'environ 12 à 18% selon le WRI (World ressource Institute) ce qui est trop faible par rapport à la fourchette court terme du GIEC. Cette faiblesse est d'autant plus importante que les auteurs du GIEC précisent que la réduction des pays de l'Annexe 1 doit être domestique alors que les pays développés souhaitent utiliser pour partie des compensations réalisées dans les pays en développement. Pour les pays émergents, accepter cela conduit de facto à un renforcement de leur contrainte d'ici 2050 par rapport aux indications du GIEC. Copenhague a montré qu'ils jugent cette option inacceptable.


1/ ppmCO2é : équivalent ppmCO2. Valeur de référence de la concentration de tous les gaz à effet de serre (CO2, N2O etc…) et de leur pouvoir de réchauffement respectif, ramenée au CO2 et à son pouvoir de réchauffement.

Réactions3 réactions à cet article

Et le temps passe.....

mais qu'est-ce que c'est long !!!
Pendant que les pays font des comptes d'apothicaire et essaient de temporiser, le temps passe...

Et à chaque rapport du GIEC les choses s'aggravent :

- le 1er rapport annonçait un réchauffement planétaire "probablement" lié à l'activité industrielle...
- le rapport suivant proposait une trajectoire basse permettant la stabilisation de la température.
- le suivant faisait apparaître une trajectoire basse permettant de limiter à +2°C le réchauffement comme idéale.
- aujourd'hui, cette trajectoire semble déjà perdue... (réduction de 80 à 95% des émissions des pays développés pour 2050 !!!).

Et entre deux, on oublie les objectifs précédents, on se familiarise avec ce "+2°C", qui va bientôt devenir un +4°C, +5°,….

Et pendant ce temps là, la ronde des puissants continue.....
et rien ne bouge....

Alex | 18 février 2010 à 20h38 Signaler un contenu inapproprié
STOP

NE VOUS PRENEZ PAS LA TETE... LES OCEANS ONT ATTEINT LA LIMITE DE LEUR CAPACITé DE CAPTATION DU CO2 (DIVISER PAR 10 CES 10 DERNIERE ANNEE)... UNE FOIS ATTEINT LEUR LIMITE LA MACHINE VA S'EMBALLER ET LES OCEANS VONT NOUS RENDRE TOUT LE CO2 DISSOU CES 100 DERNIERES ANNEES... EN CONCLUSION LA TERRE SUBIRA LA SECONDE STERILISATION CARBONIQUE DE SON HISTOIRE ET L'HUMANITé N'Y SURVIVRA PAS.

SOS TERRIEN | 20 février 2010 à 13h25 Signaler un contenu inapproprié
Re:Et le temps passe.....

Rien ne bouge car personne ne veut entendre parler de décroissance et personne n'y est prêt ou préparé. Je reste pessimiste aussi mais je comprends les dirigeants autant que les consommateurs frileux comme nous!

Kent | 23 février 2010 à 15h35 Signaler un contenu inapproprié

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