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Actu-Environnement

“Nous demandons une convention collective spécifique pour les travailleurs du nucléaire”

Alors que les expertises sont en cours suite à la chute d'un générateur de vapeur dans la centrale de Paluel, Gilles Reynaud, syndicaliste et fondateur de l'association "Ma Zone contrôlée" revient pour Actu-environnement sur la situation des sous-traitants du nucléaire en France.

Interview  |  Risques  |    |  M. Calmet
   
“Nous demandons une convention collective spécifique pour les travailleurs du nucléaire”
Gilles Reynaud
Syndicaliste et fondateur de l'association Ma Zone contrôlée
   

Actu-environnement : Votre syndicat a pris position sur l'incident qui s'est produit sur le site de Paluel la semaine dernière, pourquoi ?

Gilles Reynaud : La CGT et le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avaient alerté la direction d'EDF de Paluel sur les défaillances relevées concernant les personnes chargées de la mise en configuration du pont pour lever les charges. Mais, malheureusement, ces alertes n'ont pas abouti et la direction a laissé travailler ces personnes.

Le résultat aujourd'hui, c'est que le réacteur 2 de Paluel, dans lequel s'est produit l'incident, sera arrêté pour un bon moment. L'ASN va réclamer tellement de contrôles sur le site que son redémarrage semble compromis. En effet, lorsque le générateur de vapeur est tombé, des secousses ont été ressenties à l'extérieur du bâtiment. Dans ce cas, les capteurs sismiques doivent normalement déclencher l'arrêt automatique des autres tranches du site, comme en cas de tremblement de terre. Il faudra donc mettre au clair s'il y a eu un bon fonctionnement des matériels et des procédures de sécurité et quelles sont les installations qui ont été endommagées.

Quand on sait que le programme de maintenance des centrales représente un budget de plus de 100 milliards selon la Cour des comptes et que l'ASN dénonce un manque de moyens humains pour réaliser sa mission de contrôle, la question de la qualité du personnel d'entreprises extérieurs intervenant sur l'ensembles des sites nucléaires est elle aussi primordiale, puisque plus de 80% des activités sont aujourd'hui sous-traitées.

AE : Concrètement, quel est le poids des syndicats dans ce genre de situation ?

GR : En tant que salariés de la sous-traitance, nous ne sommes pas représentés. Nous devons faire appel au syndicat du donneur d'ordre. En fonction du site où l'on est affecté, les syndicats sont inégalement impliqués. On a donc un soutien qui est plus ou moins fort lorsque l'on sollicite ces syndicats.

AE : Y a-t'il des évolutions légales en cours ?

GR : La loi de transition énergétique pour la croissance verte a prévu une limitation à deux ou trois niveaux de sous-traitance. C'est encore beaucoup trop ! Il ne devrait tout simplement pas y avoir de cascade de sous-traitants. Car celui qui sous-traite réalise une marge économique et celle-ci est ensuite répercutée et affecte les conditions de travail de l'entreprise sous-traitante.

AE : Allez-vous essayer de renégocier le nombre de paliers de sous-traitance ?

GR : Un rapport d'enquête, remis à la ministre Ségolène Royal à l'occasion de la commission parlementaire sur le coût passé présent et futur de la filière nucléaire, préconise la création d'une "convention collective propre aux métiers du nucléaire". Mais ce rapport (1) date déjà de 2014 et le gouvernement fait l'autruche depuis.

Nous demandons aujourd'hui la mise en place de cette convention collective spécifique pour les travailleurs du nucléaire. Actuellement, un mouvement de grève a été lancé car certains salariés sous-traitants se voient appliquer le régime de la convention collective destinée aux ingénieurs et aux bureaux d'études. Sauf que nos métiers n'ont rien à voir avec ce type d'activités. Afin d'éviter que les employeurs aient la possibilité de mettre les salariés sous-traitants en concurrence, il est donc impératif qu'il n'y ait qu'une seule convention applicable à tous les travailleurs. Les exploitants choisiraient alors les sous-traitants selon leurs compétences techniques, sachant que la qualité, la sécurité, la sûreté ont un coup incompressible.

AE : Quelle était la situation à Paluel ?

GR : Sur le site de Paluel, EDF a mis en place ce qu'on appelle une "prestation globale d'assistance chantier" (PGAC). Ce mécanisme permet l'existence d'un détenteur unique du contrat. Celui-ci doit réaliser l'ensemble des activités sur le site, et pour cela il est autorisé à sous-traiter. C'est là qu'entrent en jeu les conditions de ces contrats passés entre les sous-traitants et le donneur d'ordre, ce que nous dénonçons, car la PGAC dégrade dangereusement les conditions d'intervention des travailleurs.

AE : Mais alors, pour quelle raison une PGAC est-elle autorisée ?

GR : Ce mécanisme est possible parce que malheureusement, personne n'a encore soulevé ce problème. Même au niveau syndical. EDF y trouve son compte, puisqu'il n'a plus qu'un seul interlocuteur alors qu'une multitude d'entreprises interviennent sur le chantier. Cet interlocuteur va, en fonction des missions qui lui sont confiées, les sous-traiter à différents intervenants. Cela a également des répercussions directes sur les exigences de sécurité et de sûreté vis-à-vis des populations.

AE : Qui est responsable en cas d'incident comme celui qui s'est produit sur le site de Paluel ?

GR : Dans le cas de Paluel, EDF va sûrement faire valoir la responsabilité de l'entreprise sous-traitante qui a monté le pont pour les opérations de manutention. C'est le problème de ces contrats en cascade : plus il y a d'intervenants, plus il y a une dilution de la responsabilité de l'exploitant nucléaire qui peut se décharger sur une entreprise extérieure.

AE : Vous dénoncez aussi une "perte de compétence", de quoi s'agit-il ?

GR : Ces chaînes de sous-traitance et le mécanisme des travailleurs détachés au sein de l'Europe permettent de faire du dumping social. Un exploitant nucléaire recherche à payer le moins cher possible, ce qui conduit à brader les métiers et les compétences.

Ce qu'il faut comprendre par "perte de compétences", c'est qu'aujourd'hui un grand nombre de salariés des donneurs d'ordre partent à la retraite et que la transmission de leurs savoirs n'a pas été anticipée. Quand on a passé toute sa carrière sur une installation, on la connaît sur le bout des doigts. Ces connaissances seront fondamentales lorsqu'il s'agira de procéder au démantèlement des installations nucléaires. C'est seulement depuis une dizaine d'années que tout événement survenu sur un site nucléaire est signalé, tracé et acté. On peut alors parler d'un retour d'expérience.

AE : Comment faut-il envisager le futur des métiers du nucléaire ?

GR : On ne pourra pas délocaliser nos sites et il faudra bien qu'ils soient démontés à un moment donné. Afin que des jeunes soient intéressés par cette industrie, il faut leur promettre de bonnes garanties sociales. Le démantèlement promet encore au moins 100 ans d'activité dans le nucléaire sans aucun problème, mais celui-ci doit se faire dans de bonnes conditions avec des travailleurs formés et compétents. Il faut évidemment que les installations qui continueront à fonctionner soient en état de le faire, mais pour l'Association Ma Zone contrôlée, il devient capital de mettre un terme au dumping social synonyme d'une industrie nucléaire low-cost et des risques associés.

1. consulter le rapport
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26555-cout-rapport-nucleaire.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Excellent article sur un sujet important, merci

Levieux | 07 avril 2016 à 09h58 Signaler un contenu inapproprié

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