Le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé la décision de l'exécutif concernant le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL), à l'issue du conseil des ministres, ce mercredi 17 janvier : ''En relation étroite avec le président de la République, le gouvernement a pris sa décision : je constate aujourd'hui que les conditions ne sont pas réunies pour mener à bien le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un tel projet qui structure le territoire pour un siècle ne peut se faire dans un contexte d'opposition exacerbée de la population."
Et maintenant ?
Le Premier ministre s'est exprimé en présence des ministres de l'intérieur, Gérard Collomb, de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, des transports, Elisabeth Borne, de la justice, Nicole Belloubet, et du porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Il a d'ailleurs demandé à Elisabeth Borne d'étudier dans un délai de six mois, les conditions de mise en oeuvre de trois nouveaux chantiers "qui se complètent" : optimisation de l'usage de l'aéroport de Nantes Atlantique, mise en réseau des aéroports régionaux (Rennes, Saint-Nazaire) en s'appuyant sur les lignes ferroviaires à grande vitesse pour rejoindre les plateformes aéroportuaires parisiennes.
En parallèle, Edouard Philippe annonce que la demande de prorogation de la déclaration d'utilité publique déposée au conseil d'Etat fin décembre "pour nous laisser toutes les options ouvertes" sera retirée. La déclaration d'utilité publique actuelle deviendra caduque le 8 février prochain. "Les agriculteurs expropriés pourront retrouver leur terre s'ils le souhaitent. Les occupants illégaux de ces terres devront partir d'eux-mêmes d'ici le printemps prochain ou en seront expulsés", a-t-il précisé.
''Trahison''
Les députés du groupe ''La République en Marche !'' (LRM) ont aussitôt réagi pour soutenir la décision gouvernementale. Pour Richard Ferrand, président du groupe LRM à l'Assemblée nationale, ''enfin, une décision a été prise après plusieurs décennies de tergiversations. La méthode du Premier ministre Edouard Philippe et du gouvernement, à savoir une large concertation, une synthèse des positions de tous les acteurs et une prise de décision claire a permis de sortir de l'impasse.''
Mais le sénateur de Vendée (LR), Bruno Retailleau, très déçu, n'en démord pas : ''Deux médiateurs sur trois étaient défavorables au projet de nouvel aéroport. Le gouvernement a cédé. C'est une belle victoire pour les zadistes.''
Pour Philippe Grosvalet, président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique et président du Syndicat mixte aéroportuaire du Grand Ouest (SMA), ''cette décision marque la fin d'une farce démocratique savamment orchestrée depuis quelques mois pour revenir sur des décisions légitimes et démocratiques. Cela est très grave et cette mauvaise décision constitue un renoncement sans précédent d'un gouvernement qui revient sur un contrat signé il y a sept ans, renoncement qu'il va traîner tout le quinquennat ''.
Johanna Rolland, la maire PS de Nantes, a également vivement réagi, parlant de ''trahison du Grand Ouest et déni de démocratie'', ajoutant que ''Nantes relèvera[it] ce défi''.
Tirer les leçons d'un dossier ''ubuesque''
Le Premier ministre appelle à "tirer les leçons de l'échec de Notre-Dame-Des-Landes en termes de débat public, de procédure, de présentation et de discussion des alternatives". Un vœu partagé par l'écologiste Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, qui félicite le gouvernement : ''C'est aussi une économie importante pour les deniers publics, puisque les expertises menées par l'Etat lui-même, dans le cadre de la médiation, montrent que le réaménagement de Nantes-Atlantique coûtera 350 millions d'euros de moins'' et propose de ''tirer des leçons de ce dossier ubuesque et d'un mode de décision publique inadapté. Information préalable complète, débat contradictoire, respect strict des contraintes environnementales, renforcement des contre-expertises indépendantes des maîtres d'ouvrage, doivent demain guider l'instruction des grands projets, pour éviter de reproduire les errements de ce dossier''.
La Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) attend également de la cohérence dans les décisions à l'avenir : ''La Fnaut attend que la sélection des grands projets d'infrastructures de transport soit conforme aux engagements du gouvernement en matière d'aménagement du territoire et de lutte contre le réchauffement climatique.''
Du côté des associations de protection de l'environnement, on se réjouit de la sauvegarde du bocage de Notre-Dame-des-Landes, exceptionnel par sa biodiversité allant du triton marbré à la grenouille agile, la tourterelle des bois, le tarier des près, la chevêche et le vanneau. Dans un communiqué, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) estime que les habitats de la zone, compte tenu de la richesse des espèces hébergées, devraient être classés Natura 2000 dans ce bocage préservé depuis cinquante ans grâce au blocage du projet d'aéroport.France nature environnement (FNE) prône ''l'agroécologie pour aménager ce territoire de manière durable et développer, en circuits courts et de proximité, des activités et des pratiques compatibles avec la préservation de l'environnement.''
Imaginer un avenir pacifique pour la Zad
Du côté de la Zad, une conférence de presse s'est tenue à la Vache-Rit, une ferme emblématique de la lutte, qui accueille les opposants au projet : ''En ce qui concerne la question de la réouverture de la route D281, fermée par les pouvoirs publics en 2013, le mouvement s'engage à y répondre lui-même. La présence ou l'intervention policière ne ferait donc qu'envenimer la situation''.
Pour Julien Durand, porte-parole de l'Acipa (Association Citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes), ''c'est un soulagement pour tous ceux qui ont lutté collectivement par rapport à ce projet, c'est une belle réussite collective. On pense aussi à l'avenir, il faut qu'il soit aussi constructif que notre résistance à ce projet''. L'Acipa invite à fêter dans le bocage le 10 février l'abandon du projet de nouvel aéroport ''pour poursuivre la construction de l'avenir de la Zad''.
La Fondation Nicolas Hulot envoie un signal au gouvernement : ''Il est désormais possible d'imaginer ensemble un avenir à ce territoire, qui intègre les besoins des citadins comme des habitants des zones rurales, qui donne à toutes et tous un horizon intégrant une soutenabilité économique, sociale et environnementale''.
Du côté de Vinci, on prend acte de la décision, sans autre commentaire sur les perspectives de compensation ou de nouveau chantier d'extension de l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique. ''Nous sommes à la disposition de l'Etat aujourd'hui plus que jamais'', se borne à déclarer le porte-parole du concessionnaire.