Premier à rendre ses conclusions au ministre Jean-Louis Borloo, le groupe de travail climat du Grenelle de l'environnement propose notamment d'engager un chantier de rénovation énergétique des bâtiments existants, pour réduire les consommations d'énergie d'environ 20 % dans les bâtiments tertiaires et 12 % dans les bâtiments résidentiels en 5 ans, et de plus d'un tiers à l'horizon 2020. À cet effet, le Groupe retient des plans d'actions pour l'emploi et la formation, avec notamment le développement d'une filière professionnelle des ''rénovateurs du bâtiment'' et de la maîtrise d'oeuvre pluridisciplinaire. Les outils bancaires et financiers devront être adaptés pour mieux prendre en compte les économies d'énergie réalisées par les ménages et les entreprises, en particulier à travers des prêts bonifiés et fonds de garantie. De même, sont prévus les lancements d'un label ''BBC (bâtiment basse consommation) rénovation'' correspondant à une consommation énergétique moyenne de 80 kWh/m2/an pour les rénovations lourdes coordonnées, ainsi que d'un label ''BBC compatible'' pour les rénovations partielles. Des objectifs différenciés seront arrêtés par type de logements pour exploiter tous les gisements de progrès, avec notamment un plan spécifique pour le logement social et les bâtiments publics. Enfin, pour ne pas entraver la réhabilitation énergétique et climatique de ces bâtiments, de nouvelles règles de construction plus favorables au développement des énergies renouvelables (code de l'urbanisme, code civil), seront définies. Il s'agit d'aller vers une société sobre en énergie et en ressources, a indiqué le climatologue Jean Jouzel, qui préside ce groupe. Même si l'on parvient à diviser par deux d'ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre, on aura probablement 2 degrés de plus que le climat actuel, a-t-il rappelé.
Dans le neuf, l'objectif est de lancer un programme de rupture technologique, afin de généraliser les bâtiments à énergie positive en 2020, et d'obtenir au moins un tiers des bâtiments à basse consommation ou à énergie positive dans 5 ans. Le rapport prévoit une loi d'orientation sur le ''bâtiment efficace'' en 2008, fixant les étapes vers les bâtiments à très basse consommation et à énergie positive ; le lancement de constructions à basse consommation dès maintenant, afin que, d'ici 5 ans, la moitié des constructions de l'ANRU et des logements sociaux, la moitié des bâtiments tertiaires et le tiers des logements privés neufs ne consomment pas plus de 50 kWh/m2/an ou soient à énergie positive ; une accélération de la réglementation thermique (RT) avec des bâtiments à très haute performance énergétique obligatoires en 2010 (20% de mieux que la RT 2005), à basse consommation en 2015, puis passifs ou à énergie positive en 2020 ; Et donc aussi, le recours obligatoire aux énergies renouvelables et aux matériaux qui stockent le carbone. Rappelons qu'aujourd'hui, les bâtiments neufs conformes à la réglementation consomment entre 80 et 250 kWh/m2/an en énergie primaire, selon le type de chauffage et la localisation géographique. Côté budget, la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) a estimé à 600 milliards d'euros sur 40 ans le montant des travaux pour atteindre les objectifs du Grenelle. Ce qui signifie qu'en l'absence de source de financement extérieure, les foyers français résidant dans l'ancien vont devoir débourser entre 15 et 20 000 euros, précise la CAPEB.
À l'instar des expériences de Fribourg (Allemagne), BedZED (Royaume-Uni), ou Dongtan (Chine), le Groupe a préconisé un plan volontariste d'éco-quartiers, à raison d'au moins un quartier de ce type avant 2012 dans toutes les communes ayant des programmes de développement significatif de l'habitat. Il propose également d'introduire dans la loi d'aménagement, de nouvelles dispositions visant à lutter concrètement contre l'étalement urbain et à orienter progressivement la fiscalité locale, les incitations financières et fiscales dans le domaine du logement et de l'urbanisme.
Concernant les transports, le groupe a appelé à un plan national de développement du fret non-routier dont l'objectif sera de porter ce mode de transport de 14 % aujourd'hui à 25 % du fret total en 15 ans. Il a en outre recommandé de rationaliser l'usage de l'automobile et d'amener les émissions moyennes de CO2 des véhicules automobiles en circulation de 176 g CO2/km à 130 g CO2/km en 2020 en combinant réglementation et incitation : réglementation à 120 gCO2/km en moyenne sur les véhicules neufs en 2012 (au lieu de 130 g dans les discussions actuelles), réduction de vitesse immédiate de 10 km/h sur les routes et autoroutes, éco-pastille annuelle avec un système de bonus-malus, conseils et formations pour l'éco-conduite, avec un accompagnement économique adapté pour les ménages et les salariés contraints d'utiliser leurs véhicules…
Pour ramener les émissions des transports à leur niveau de 1990 d'ici 2020, le groupe considère aussi qu'il faut rétablir le vrai coût du transport aérien dont les émissions augmentent rapidement, en l'intégrant dans le marché de quotas de gaz à effet de serre notamment et d'affecter une part importante des ressources de la fiscalité environnementale à l'AFITF (agence de financement des infrastructures de transport de France).
Le président du groupe ''climat'' a fait enfin état d'un ''constat de désaccord'' sur la question du nucléaire. Certains contributeurs proposent l'arrêt de l'EPR et l'arrêt de la recherche sur le réacteur de 4ème génération, en vue de réduire le parc nucléaire. D'autres proposent de s'appuyer sur l'énergie électronucléaire pour maintenir un portefeuille énergétique faiblement émetteur de dioxyde de carbone, en menant à bien les programmes de l'EPR et du réacteur de 4e génération, indique le rapport.
Le groupe de travail production et consommation a quant à lui recommandé notamment que les produits issus de l'agriculture biologique représentent 20 % des menus de la restauration collective d'ici à 2012. En matière de production, les participants proposent un objectif de 6 % des surfaces agricoles utiles cultivées en biologique d'ici à 2010, et 20 % en 2020, a indiqué Laurence Tubiana, la vice-présidente du groupe. Le groupe de travail a en revanche échoué, à se mettre d'accord sur une redevance sur les engrais chimiques.
L'atelier consacré aux cultures génétiquement modifiées s'est accordé sur l'objectif de garantir à l'agriculteur le choix de son itinéraire : bio, conventionnel ou OGM, a expliqué son président, Jean-François Le Grand, Sénateur de la Manche (UMP). Les débats ont reflété une situation sociétale délétère, a-t-il ajouté. Un consensus a en revanche été trouvé pour recommander la création d'une haute autorité représentative de l'ensemble de la société, qui émettrait des avis rationnels à l'autorité politique. Une loi sur les biotechnologies devrait être élaborée, a-t-il par ailleurs estimé. Elle devrait définir les notions de l'éthique nécessaire et aborder le sujet de la brevetabilité du vivant.
S'agissant de l'atelier consacré aux déchets, quatre mesures ont été proposées : l'instauration d'une tarification incitative et équitable pour le financement du service public des déchets, le développement progressif de la responsabilité environnementale des producteurs après analyse et concertation entre acteurs et en commençant par les produits jugés les plus nuisibles à la santé et/ou l'environnement. Figurent également parmi les propositions, l'évaluation de l'impact des modes de gestion des déchets, l'information et la sensibilisation concernant la prévention et la gestion des déchets. Il n'y a toutefois pas eu de consensus sur la place de l'incinération dans la politique de gestion des déchets.
Le groupe biodiversité a proposé notamment la création d'une ''trame verte'', un réseau écologique national, reliant les parcs naturels et les autres espaces protégés, la réduction ''drastique'' de toutes les pollutions diffuses (produits phytosanitaires, nitrates, métaux lourds...) et la mise aux normes de toutes les stations d'épuration d'ici à 2012.
Le groupe chargé de travailler à l'instauration d'un environnement respectueux de la santé, demande notamment que soit élaboré un Plan National Santé Environnement 2 en associant l'ensemble des parties prenantes. Selon les travaux, celui-ci devrait être élargi en prenant en compte des thématiques complémentaires, problématiques mais sous-analysées dans le premier PNSE, telles que les nouvelles technologies et pathologies, l'équité environnementale...
Le groupe propose aussi de fixer de nouveaux objectifs quantifiés en matière de pollution de l'air extérieur. En plus du respect sans délai des objectifs fixés réglementairement pour les NOx et l'ozone, le groupe demande que soit fixé pour les particules fines, un objectif à terme de 10 microgrammes/m3, avec comme première étape, dont la date est à fixer, 15 microgrammes/m3, indique le rapport. Le collège des employeurs soutient également le principe de cette réduction des émissions et souhaite qu'il s'inscrive dans le cadre communautaire. Certaines ONG proposent de fixer de façon volontariste des objectifs pour les 35 principaux polluants atmosphériques pour lesquels l'OMS a publié des valeurs-guides. Le groupe 3 recommande également qu'en 2008, une stratégie de surveillance environnementale concernant tous les agents et tous les milieux soit mise en place, notamment sur la biodiversité, la qualité des milieux et les émissions de polluants.
Du côté des groupes 5 et 6, respectivement dédiées à la construction d'une démocratie écologique et à la promotion de modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l'emploi, on retiendra l'amélioration de l'information autour des indicateurs de développement durable, mais aussi des produits ou services de consommation, mais surtout la reconnaissance au niveau institutionnel des associations environnementales.
Au regard de toutes ces propositions établies dans la concertation, les OGM, les agro - ou bio, voire agrobio - carburants, le nucléaire, la construction des autoroutes, la place de l'incinération dans la politique de gestion des déchets et le rythme de réduction de l'utilisation des pesticides restent encore des sujets de conflits ou blocage même si dans ce dernier cas Jean-François Le Grand, a précisé que les agriculteurs ne sont pas opposés à une réduction, même drastique, à condition qu'on leur fournisse une solution alternative.
C.SEGHIER et F.ASCHER
**Composés de représentants de l'Etat et de la société civile (ONG, organisations patronales et syndicales), les six groupes de travail constitués en juillet dernier, étaient organisés autour de six thématiques : climat et énergie, biodiversité, santé et environnement, modes de production et de consommation durables, démocratie écologique, modes de développement écologiques et emploi-compétitivité.