Le Conseil d'Etat a rendu le lundi 22 septembre un arrêt (1) très instructif à double titre. Au niveau du droit d'abord, puisqu'il apporte des précisions en matière de procédure d'autorisation des installations classées (ICPE), d'articulation avec la délivrance du permis de construire et de pouvoir du juge du plein-contentieux. Au niveau des faits ensuite car il concerne un contentieux opposant un syndicat mixte à l'une de ses communes adhérentes quant à l'exploitation d'une unité de compostage de déchets ménagers résiduels sur son territoire.
Les faits sont les suivants : le préfet de Seine-et-Marne avait autorisé le syndicat mixte pour l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères (Sietom) de la région de Tournan-en-Brie à modifier les modalités d'exploitation de son unité de compostage de déchets ménagers résiduels, implantée sur le territoire de la commune d'Ozoir-la-Ferrière.
A la demande de cette dernière, le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté aux motifs que le syndicat mixte ne justifiait pas de l'existence d'une demande de permis de construire avant la délivrance de l'autorisation, et, d'autre part, que l'étude d'impact était insuffisante s'agissant des conditions de remise en état du site à l'issue de la période d'exploitation. La cour administrative d'appel de Paris ayant confirmé ce jugement, le Sietom s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat.
Ne pas nuire à l'information complète de la population
Si le juge du plein contentieux des installations classées doit apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, le respect des règles de procédure doit en revanche être apprécié au regard des circonstances en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation.
Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure, juge le Conseil d'Etat. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de rendre illégale l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative, ajoute la Haute juridiction. De plus, précise la décision, le juge peut prendre en compte le fait que ces irrégularités ont été régularisées, à la date à laquelle il statue, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.
Double erreur de droit
Le Conseil d'Etat juge que les dispositions de l'article R. 512-4 (2) du code de l'environnement qui ont pour objet d'assurer la coordination des procédures d'instruction du permis de construire et de l'autorisation ICPE relèvent des obligations de procédure. On en déduit que leur respect doit donc être apprécié par le juge du plein contentieux au jour de la délivrance de l'arrêté d'autorisation.
Conformément au principe d'indépendance des législations, le fait que le permis de construire sollicité a finalement été refusé est sans incidence sur la régularité du dossier ICPE, ni sur la légalité de l'autorisation d'ailleurs. La cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit, estime le Conseil d'Etat, en se fondant sur le rejet de la demande de permis, dont il avait été justifié du dépôt, pour juger le dossier ICPE non conforme à l'article R. 512-4 du code de l'environnement.
Les juges d'appel en ont commis une deuxième, estime la Haute juridiction administrative, en jugeant inopérant le moyen du syndicat selon lequel le vice lié au défaut de justification du dépôt de la demande de permis de construire avait été régularisé par le dépôt de nouvelles demandes de permis de construire postérieurement à la décision attaquée.
Ce qui vaut une annulation de l'arrêt d'appel et le renvoi de l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris qui va devoir la rejuger à la lumière de cette décision.