Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

“Il faut tenir les objectifs de la Stratégie nationale pour la biodiversité”

A la veille de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre, Christophe Aubel appelle à poursuivre les objectifs de la SNB via l'engagement de tous les ministères, la création d'une agence nationale et une réforme du droit de l'urbanisme.

Interview  |  Biodiversité  |    |  R. Boughriet
   
“Il faut tenir les objectifs de la Stratégie nationale pour la biodiversité”
Christophe Aubel
Directeur de l'association d'utilité publique Humanité & Biodiversité
   

Actu-Environnement : La conférence doit aboutir à l'élaboration d'une grande loi cadre sur la biodiversité d'ici fin 2013, la dernière datant de 1976. Où se situera ce futur texte par rapport aux 20 objectifs fixés d'ici 2020 par la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) lancée en mai 2011 par le précédent gouvernement ?

Christophe Aubel : Nous n'avons rien contre l'annonce d'une loi-cadre mais ce qui nous intéresse c'est ce que l'on va y mettre. Nous avons quelques sujets clés sur la biodiversité que nous allons pousser dont certains auront peut-être besoin d'un vecteur législatif. Mais il y a de nombreux sujets tout aussi importants, voire plus, comme la mise en œuvre de la SNB qui ne nécessite pas de recourir à la voie réglementaire. Pour moi, la Stratégie est le premier marqueur mais pour l'heure nous manquons de visibilité à son sujet car elle ne figurait pas dans le premier ordre du jour proposé pour cette table ronde par le gouvernement ! Or, la Stratégie nationale est un dispositif majeur qui doit pourtant permettre à la France de tenir ses engagements internationaux pris en 2010 à Nagoya. (1) Nous voulons que le Premier ministre dans son discours de clôture affirme son importance et établisse une feuille de route à destination du ministère de l'Ecologie, mais aussi ceux de l'Agriculture, de l'Aménagement du territoire, de la Santé, des Finances, de la Recherche ou de l'industrie qui sont tout autant concernés.

AE : Quelles sont les différentes thématiques qui seront débattues et quelles propositions allez-vous formuler ?

CA : Nous allons parler de la lutte contre l'artificialisation du territoire qui est le deuxième marqueur à nos yeux. Pour nous, il ne s'agit pas seulement de dire stop à l'artificialisation même si c'est un mot d'ordre évidemment important. Nous voulons aboutir à une vraie réforme du droit de l'urbanisme qui ne doit plus être seulement limité à "je construis ou pas". Avec les défis écologiques que sont les nôtres, nous plaidons aujourd'hui pour un droit de la "gestion durable" des territoires avec une vraie prise en compte de la biodiversité via notamment les trames vertes et bleues.

AE : Pourquoi la mise en œuvre prévue pour 2012 de ces corridors écologiques prend-elle autant de retard ? La conférence va-t-elle aboutir à la publication du décret d'application attendu depuis novembre 2011 ?

CA : Il y a eu d'abord, pendant plusieurs mois, le manque d'allant du précédent gouvernement qui, pour des raisons "anecdotiques", a ralenti la sortie du décret, estimant qu'il fallait réduire la composition du comité national ''trame verte et bleue''. Résultat : les discussions autour du problème lié au comité ont duré plusieurs mois avant de parvenir à se régler, ce qui avait déjà repoussé d'un an la mise en œuvre. A cela se sont ajoutés des problèmes juridiques et techniques pointés par le Conseil d'Etat ce qui a de nouveau bloqué la publication des textes d'application. Or, il faut vraiment que le gouvernement mette les bouchées doubles sur les trames vertes et bleues. Mais encore faut-il que les décrets soient là ainsi que les moyens et outils pour les mettre en œuvre !

Pour y parvenir, nous souhaitons une vraie réforme du droit de l'urbanisme en lien avec celle de la décentralisation qui doit réfléchir à la répartition des compétences en matière de biodiversité. Pour ce faire, les documents d'urbanisme (SCOT, PLU) doivent être compatibles avec le Schéma Régional de Cohérence Ecologique (SRCE). Il faut aussi renforcer les mesures de gestion et de restauration. Dans le cadre de la décentralisation, la région pourrait être considérée comme la collectivité chef de file en matière de biodiversité grâce aux Stratégies régionales pour la biodiversité. Il faudra aussi généraliser les Atlas communaux pour la biodiversité. Ces atlas doivent in fine permettre de cartographier l'ensemble des enjeux à l'échelle de la commune, en lien avec les activités socio-économiques. Ces mesures doivent être accompagnées de soutiens adéquats. La création d'une agence de la biodiversité sur le modèle de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) – qui est le troisième marqueur pour nous - pourrait contribuer à apporter l'expertise et les financements nécessaires.

AE : Comment pourrait fonctionner cette Agence de la biodiversité soutenue par François Hollande lors des Présidentielles ?

CA : Le débat sur la création de l'Agence de la biodiversité date depuis 2007, au moment du lancement du Grenelle, et sera également à l'ordre du jour de la conférence. Nous avions salué l'engagement du Président de la République que nous avions interrogé pendant les élections pour créer cette "Ademe de la biodiversité". L'Agence serait un outil opérationnel qui apporterait à la fois son expertise et son savoir-faire en matière de génie écologique à l'échelle locale et des financements. Nous espérons une mission de préfiguration pour annoncer sa création et engager le dispositif. Cela pourrait néanmoins nécessiter un an d'échanges et de réflexions pour savoir comment la mettre en place concrètement, selon les enjeux en matière de gouvernance. Nous estimons qu'il serait intéressant d'avoir une agence co-organisée avec les régions dont certaines ont déjà mis en place leur propre dispositif.

AE : Les subventions allouées par cette future Agence viendraient compléter le fonds d'investissement pour la biodiversité et la restauration écologique (Fibre) doté de 25 M€ lancé par l'Etat dans le cadre de la SNB. Pensez-vous que les sommes du fonds soient suffisantes ?

CA : Les financements sont le corollaire indispensable à la mise en œuvre des trois marqueurs. Nous avons des propositions dans le domaine de la fiscalité pour alimenter le fonds Fibre que nous estimons insuffisant. Les besoins étant chiffrés à 500 ou 600 M€ supplémentaires par an pour mettre en œuvre les politiques en faveur de la biodiversité. Donc, la nouvelle réforme fiscale promise par le gouvernement - qui fait l'objet d'une autre table ronde - doit comporter un fort volet de fiscalité écologique. La transition écologique ne se fera pas sans cela. Nous proposons des mesures en cas d'impact négatif d'une activité sur la biodiversité, principe du "pollueur-payeur" comme l'élaboration d'une redevance assise sur la consommation de foncier et la destruction de services écosystémiques par certains types d'aménagements ou de constructions. Nous proposons aussi d'augmenter de 0,5% la taxe annuelle sur le foncier bâti permettant de financer le fonds Fibre. Nous demandons également l'arrêt des subventions défavorables à l'environnement en mettant fin notamment à l'exonération de taxes pesant sur le kérosène. Cette suppression de ces subventions a été proposée par M. Hollande lors des élections sans toutefois préciser d'échéance…

AE : D'autres thèmes polémiques concernant les pesticides, les quotas de pêche ou la chasse devraient être abordés aux tables rondes biodiversité et santé environnementale et créer de vifs débats autour de leurs impacts. Que proposez-vous ?

CA : Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a demandé à mettre à l'ordre du jour le plan Ecophyto alors qu'il a estimé fin juillet que l'objectif de réduction de 50% des pesticides d'ici 2018 ne serait pas atteint, sous-entendant qu'il fallait les revoir. Or, nous demandons la tenue de ces objectifs et que les collectivités s'engagent plus pour la réduction des phytosanitaires aux côtés de celles qui ont déjà appliqué le zéro pesticide sur leur territoire.

Nous allons également avec nos collègues associatifs émettre des propositions pour réduire les quotas de pêche malgré le manque d'allant du ministre Frédéric Cuvillier opposé à la nouvelle Politique commune de la pêche (PCP). Nous souhaitons aussi que la Stratégie des aires protégées soit relancée avec l'objectif de 2% de surface terrestre en protection forte d'ici 2020 et de 20% pour les espaces marins.

Concernant la chasse, le gouvernement doit réaffirmer de grands principes à respecter. La chasse doit être compatible avec les équilibres biologiques et les états de conservation. Nous demandons également de rétablir le moratoire sur la chasse de l'eider à duvet et du courlis cendré, des espèces migratrices, alors qu'il avait été suspendu par l'ex-Président Sarkozy en pleine campagne électorale.

En matière de santé environnementale, en partenariat avec l'Asef qui regroupe des médecins, nous demandons également le lancement de cartographies des maladies pour voir si des corrélations existent avec l'état des écosystèmes ou les pollutions, cela dans l'idée de renforcer la prévention. Les politiques de santé doivent intégrer la question des liens entre santé humaine et santé des écosystèmes. Nous appelons également à la mise en place d'un vrai plan de lutte contre la pollution lumineuse.

1. Consulter notre dossier sur la biodiversité dans le cadre de la conférence de Nagoya
https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/biodiversite-convention-conference-nagoya/biodiversite-nagoya.php4

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question à la journaliste Rachida Boughriet

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires