André Joffre : Le marché de l'énergie solaire est aujourd'hui relativement soutenu. Le chauffe-eau solaire commence à progresser, sa croissance se situe autour de 15 %. La tendance actuelle est à la baisse des prix. La concurrence est assez vive et commence à jouer sur une réduction des coûts. De son côté, le secteur du collectif est encore à la traîne. Il y a énormément à faire sur ce sujet, notamment dans les logements sociaux. Pourtant, il y a un grand intérêt à développer ce secteur : le coût de revient par logement est plus faible que pour une installation chez un particulier et on s'adresse dans ce cas là à des populations qui ont besoin de réduire leur facture énergétique. Mais nous ne disposons pas encore des outils nécessaires pour attaquer ce marché. Nous plaçons beaucoup d'espoir dans le Fonds Chaleur qui devrait voir le jour bientôt. Enfin, le photovoltaïque est le secteur du solaire le plus en pointe. La production en France et en Outre-Mer devrait atteindre 100 MWh en 2008, contre 45 MWh en 2007. C'est une progression énorme et l'on peut espérer que ça continue. Les demandes sont très fortes car il y a une appétence du public pour ces énergies.
AE : L'industrie est-elle prête à répondre à cette demande en hausse ?
AJ : Toutes les industries, des artisans aux opérateurs énergétiques, ont démarré et croient au décollement du secteur. Il y a de nombreux investissements aujourd'hui, que ce soit en amont, avec par exemple le projet d'usine de fabrication de silicium en Provence, ou tout au long du processus : fabrication de composants, de cellules… La démarche est en court. Et l'industrie française est en marche. Du côté des artisans, les gens sont très motivés. Ils sont nombreux à suivre des stages de qualification, tels que Quali-PV. Ces stages sont très rigoureux.
Maintenant, nous attendons beaucoup du Grenelle de l'environnement et des lois d'application qui définiront des objectifs précis en matière d'énergies renouvelables.
AE : L'Union européenne a fixé à 20 % la part des énergies renouvelables dans les consommations énergétiques totales à l'horizon 2020. Est-ce que cet objectif vous paraît ambitieux ?
AJ : Le Syndicat des énergies renouvelables a retranscrit ces objectifs en chiffres, filière par filière. C'est très ambitieux mais pas impossible ! Nous pensons que c'est réalisable ! Pour y parvenir, nous devons atteindre un rythme de croisière équivalent à celui du marché allemand d'ici 2015. Nous pouvons y arriver en 4 ou 5 ans…
AE : Qu'est-ce qui pourrait influencer cette évolution ou au contraire la freiner ?
AJ : Le photovoltaïque est intégré au bâtiment, il doit donc respecter le règlement du bâtiment, comme par exemple la garantie décennale… C'est un point qui prend un peu de temps. Mais il existe déjà des solutions, les industriels travaillent dur sur des produits intégrés au bâti. Cet aspect devrait rapidement être résolu. C'est une particularité française qui constitue une voie de salut à moyen et long terme pour le marché du solaire.
L'aspect financier est également important. Le crédit d'impôt est essentiel pour nous, il a fait preuve de sa performance. Il a un aspect attractif auprès du public très important. Les travaux du Grenelle ont prévu de le perpétuer jusqu'en 2020. Les aides régionales sont importantes également, même si celles-ci peuvent varier d'un territoire à l'autre. C'est un outil qui nous permet de développer des labels de Qualité comme Qualisol ou Quali-PV, ce que nous ne pouvons pas faire avec le crédit d'impôt, par incompatibilité avec l'Union européenne. Enfin, le tarif d'achat, c'est-à-dire vendre le courant à un prix majoré, aide. Les dispositifs existants sont opérants.
AE : Où se situent les futures innovations ?
AJ : Pour les chauffe-eau solaire, l'élément essentiel est de réduire les coûts. Ce qui n'est pas simple car le cuivre, élément majeur de cet équipement, est très cher aujourd'hui. Il s'agit donc de trouver des voies de remplacement de ce type de produits. Pour le photovoltaïque, l'innovation porte sur l'intégration au bâti et également sur la baisse des prix des composants. Le prix du photovoltaïque a globalement baissé de 5 % par an depuis 20 ans et cela devrait encore se poursuivre.
AE : Quel est le rôle des pôles de compétitivité dans ces innovations ?
AJ : Notre vocation est d'être des accélérateurs de l'innovation. Faire en sorte que les entreprises se connaissent, se reconnaissent, montent des projets ensemble. Au sein des pôles de compétitivité, les idées se formalisent, se partagent… Nous aidons les projets à naître, nous les soutenons dans leur recherche de financement…
AE : Récemment les 4 pôles de compétitivité français spécialisés dans les énergies, Capenergies, Derbi, S²E² et Tenerrdis, ont signé une charte…
AJ : C'est un accord de partenariat entre les 4 pôles. Nous avons chacun notre histoire, un territoire différent. Chacun a sa spécificité. DERBI est davantage axé sur les PME, TENERDIS travaille plutôt avec les grosses entreprises… Mais nous avons des projets qui impliquent des entreprises et des laboratoires de régions différentes. Il s'agit de se rejoindre pour faire avancer ces projets. Car si nous sommes concurrents, ou plutôt si les territoires qui nous portent sont concurrents dans leur attractivité aux entreprises, nous devons travailler au-delà de tout ça. Ce qui compte avant tout, c'est l'innovation et la baisse des coûts.