Député et responsable du pôle écologie de l'UDI
Actu-Environnement.com : Le projet de loi présenté fin juillet par la ministre de l'Ecologie est-il un bon texte ?
Bertrand Pancher : Le groupe UDI porte un regard très critique sur ce texte. Globalement, il n'est pas à la hauteur des enjeux. C'est très bien d'afficher des objectifs généraux à 2030, 2040 et 2050 mais les engagements du Grenelle de l'environnement et les objectifs européens dits des "trois fois vingt" du paquet climat-énergie de 2009 n'ont pas encore été atteints. Si ceux portant sur les émissions de gaz à effet de serre le sont, c'est grâce à la crise. En ce qui concerne la consommation d'énergie, elle n'a pas baissé. Quant à la part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique, la tendance actuelle ne conduit pas à un résultat supérieur à 17% en 2020. On avance donc des chiffres pour amuser le public alors qu'on décroche de partout.
AE : Où en est-on en matière de rénovation énergétique ?
BP : On ne rénove actuellement que 160.000 logements par an au lieu des 500.000 annoncés lors de la première conférence environnementale. Le Gouvernement tarde à utiliser chaque année le budget dédié à l'éco-prêt à taux zéro et réinjecte les fonds inutilisés dans le budget général de l'Etat. On n'a pas besoin d'une loi pour améliorer cela.
AE : Et le transport ?
BP : Le projet de loi promeut le véhicule électrique, c'est très bien. Mais parallèlement Ségolène Royal a mis par terre la taxe poids lourds, ce qui nous prive de moyens pour financer les infrastructures ferroviaires ou fluviales de demain. L'AFITF a dû ainsi repousser un appel à projets de transport en sites propres, faute de budget.
AE : Les choses vont-elles mieux en matière d'EnR ?
BP : Le Gouvernement veut réformer le régime des obligations d'achat, mais ce n'est pas la solution. On ne peut pas développer l'électricité renouvelable si on n'augmente pas le prix de l'électricité d'origine nucléaire. C'est ce qui se fait déjà avec la CSPE mais pas à une échelle suffisante. Quant à la chaleur renouvelable, Ségolène Royal annonce un doublement du Fonds chaleur. Le budget global de l'Ademe étant en baisse, cela se fera donc sur le dos des collectivités qui auront moins de moyens pour recycler les déchets.
AE : Que pensez-vous des objectifs de réduction de la part du nucléaire ?
BP : C'est une promesse farfelue pour faire plaisir aux écologistes. On ne fermera jamais Fessenheim. Il y a pourtant une vraie question du nucléaire en France, même si notre industrie est l'une des plus sûres au monde. Les coûts liés à la prolongation des réacteurs et à la mise aux normes post-Fukushima entraînent une hausse du prix du nucléaire. Mais comme on ne parvient pas à augmenter la part des EnR ni à faire baisser la consommation énergétique, il n'est pas réaliste de faire baisser la part du nucléaire.
AE : Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont-ils à la hauteur ?
BP : L'objectif de réduire de 40% les émissions en 2030 par rapport à 1990 n'est pas suffisant pour atteindre le facteur 4 en 2050. Un objectif de réduction de 50% serait souhaitable en France mais aussi dans toute l'Europe.
AE : Les attentes du Gouvernement en termes d'emploi et de compétitivité des entreprises sont-elles réalistes ?
BP : C'est sûr que l'on va créer des emplois par le développement de la rénovation énergétique et des EnR. Les chiffres annoncés sont même inférieurs à ceux que l'on pourrait atteindre si on allait aux termes des objectifs affichés. Pour ne prendre qu'un exemple, la rénovation thermique lourde d'un bâtiment coûte de 30 à 50.000 euros, soit un emploi sur une année. Trois cent mille emplois de plus pourraient donc être créés si l'objectif gouvernemental était respecté.
AE : Quels sont les blocages ?
BP : Le Gouvernement est tétanisé par l'absence de moyens. Pour en dégager, il faut réorienter la fiscalité environnementale, taxer les poids lourds, l'électricité d'origine nucléaire et les bâtiments qui ne respectent pas les normes environnementales, mais aussi fixer des objectifs draconiens en matière de certificats d'économie d'énergie. Une politique de relance au niveau européen s'impose également. La Banque centrale européenne doit lâcher du lest, de manière à mettre en place des prêts à taux zéro qui financeront la transition : les investissements seront rentabilisés par les économies qui seront réalisées à terme.
AE : A quelle échéance pensez-vous que la loi sera adoptée ?
BP : L'examen du texte ne débutera qu'à compter du 6 octobre à l'Assemblée. La loi ne pourra être votée avant le printemps 2015. Le texte annoncé à grand renfort de publicité lors de la première conférence environnementale n'est toujours pas adopté deux ans après, ce qui traduit une absence de priorité du Gouvernement qui l'annonçait pourtant comme le texte le plus ambitieux de la mandature.