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AccueilJean-Yves BurgyLa valorisation des déchets de plâtre : un exemple d'économie circulaire à suivre

La valorisation des déchets de plâtre : un exemple d'économie circulaire à suivre

Jean-Yves Burgy, dirigeant et fondateur de la société RECOVERING, nous fait part des derniers développements de la filière de recyclage des déchets à base de plâtre en France et en Europe, et met en évidence son succès malgré des difficultés persistantes.

Publié le 02/01/2013

Qualité et tonnages des déchets de plâtre en jeu

A l'heure actuelle, seuls les déchets de plaques et de carreaux de plâtre sont valorisés. Il est difficile de déterminer avec précision les tonnages de ce type de déchets de plâtre générés chaque année. Cela est lié aux variations d'activité du secteur de la construction mais aussi à l'hétérogénéité des sources de ces déchets.

En effet, une part de ces déchets provient des coupes de pose (2 à 15 % des volumes utilisés sur un chantier) même si aujourd'hui la commercialisation de plaques à hauteur adaptée et les plans de calepinage tendent à limiter les chutes. L'autre part des tonnages est produite lors du curage sélectif préalable à une déconstruction ou une rénovation. Même si cela devient une pratique de plus en plus répandue, elle est encore marginale. On ne considère pas le plâtre mélangé aux déchets inertes du bâtiment lors d'une opération de démolition car il est impossible de l'isoler dans ce cas.

On se contente donc d'une estimation assez imprécise qui donne les déchets de plâtre par habitant à environ 7-8 kg/an, la moitié venant de la construction et l'autre de la démolition sélective. En France les tonnages avoisinent les 400 000 tonnes ce qui représentent peu ou prou 5 % des déchets non dangereux du bâtiment.

Dans les pays voisins comme le Royaume Uni, la Belgique ou encore l'Allemagne, les tonnages peuvent être évalués de manière similaire. Par contre le taux de pénétration de la technologie de la cloison séparative plâtre n'étant pas encore à son optimum dans des pays comme l'Espagne ou les pays d'Europe de l'est,  les tonnages de déchets sont nettement plus faibles. On estime qu'au global pour l'ensemble des Etats Membres, ce ne sont pas moins de 1,5 millions de tonnes de déchets qui peuvent être potentiellement recyclés.

Un contexte favorable à la valorisation des déchets de plâtre

Plusieurs forces s'exercent sur la gestion des déchets de chantier mais ont des effets positifs plus ou moins importants.

La sensibilisation des acteurs joue un rôle important mais a un effet limité, les habitudes étant longues à modifier. La gestion durable des déchets de plâtre sur les chantiers est difficile à faire adopter, même quand le tri est possible in situ et y compris dans le cadre des chantiers HQE, LEED ou BREEAM.

La réglementation est nécessaire au changement mais très loin d'être suffisante. Certes les directives 1999/31/CE et 2003/33/CE ont rendu plus contraignante les procédures d'ouvertures et de gestion des décharges mais l'application et le contrôle restent trop succincts dans de nombreux pays. Les déchets de plâtre devaient être stockés en alvéole spécifique mono matériau mais il y en a, en définitive, très peu en France et en Europe. Autre illustration : la directive cadre déchets 2008/98/CE prévoit que le réemploi, le recyclage et la valorisation matière des déchets de construction et de démolition atteignent un minimum de 70 % en poids d'ici à 2020. Or les Etats Membres l'ont retenu de manière très différente, ce qui rendra toute comparaison impossible. Les réglementations sont donc porteuses d'ambitions mais elles se révèlent a posteriori avoir un effet moindre qu'escompté.

L'intérêt économique reste de loin le facteur écologique le plus puissant à court terme. En effet le choix entre la valorisation et l'élimination repose sur une équation économique relativement simple si on fait fi de la problématique transport. Pour un collecteur de déchets, si le coût de tri additionné aux coûts des filières de recyclage est inférieur (notamment de part la revente des matières premières secondaires) au coût du centre d'enfouissement, il a intérêt à trier. Mais il faut que la différence soit motivante. Certes, la rareté grandissante des ressources entraînera théoriquement dans les prochaines années une augmentation des matières qui sera très favorable au tri. Mais cela ne sera peut être pas suffisant pour augmenter la valorisation. Le coût de l'enfouissement doit être élevé. La TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes) sur les Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (ex décharges) devait permettre cela, en augmentant progressivement, pour atteindre 40€/tonne en 2015. Outre ce niveau cible nettement insuffisant, le législateur a introduit de nombreux régimes dérogatoires dont 88% des redevables ont bénéficié en 2009. De plus dans un contexte de crise, l'offre pléthorique de capacités d'enfouissement entraîne une baisse des prix défavorable au recyclage. Au Royaume Uni où la « landfill tax » sera à 80£/tonne dans deux ans, le recyclage des déchets est exponentiel. Malgré ces difficultés, la balance devient de plus en plus favorable à la valorisation des déchets de plâtre.

Des tonnages collectés et recyclés en croissance

Les déchets de plâtre sont dans leur grande majorité collectés en mélange avec d'autres déchets du BTP et transitent par des plateformes de tri qui constituent les nœuds de collecte. L'intérêt économique devient de plus en plus favorable au tri, les coûts de recyclage (dont le plâtre) étant nettement inférieur à l'enfouissement. En conséquence les entreprises de gestion de déchets se dotent d'installations leur permettant de trier de grandes quantités de déchets en mélange, dont le plâtre, à un coût compétitif. Une fois massifiés, les déchets de plâtre sont acheminés vers des ateliers de recyclage. Après un tri manuel pour éliminer les derniers indésirables, une opération de séparation du carton et du gypse est effectuée, ce qui permet la fabrication d'une poudre de gypse de très bonne qualité dont l'exutoire quasi unique est la fabrication de la plaque de plâtre.

Alors que le modèle de l'atelier interne prévaut encore aujourd'hui, il devient pertinent à partir d'un certain tonnage d'envisager l'externalisation de l'atelier en le maintenant sur place ou de le délocaliser complètement. Les pays nordiques l'ont fait depuis le début des années 2000 et le taux de valorisation des déchets de plâtre au Danemark est de l'ordre de 60%. En France, un fabricant de plaques a franchi le pas en confiant à un spécialiste de la gestion des déchets du BTP, le traitement des déchets collectés. Au-delà de la rupture organisationnelle, c'est une rupture technologique qui a été réalisée puisqu'enfin les complexes de doublages (plaque + isolant collé) peuvent être traités. Ce choix stratégique a permis de booster les tonnages recyclés.

Dans un contexte de crise, où les mises en chantiers baissent d'une année à l'autre, les tonnages recyclés sont pourtant en croissance en France. Les annonces des producteurs de plaques de plâtre se multiplient et laissent supposer que la part du gisement recyclé atteindrait près de 15% en 2012. Ceci est remarquable si on tient compte du caractère purement volontaire de la filière et qu'elle n'a que trois ans d'existence en France.

L'approche collaborative : future clef de succès du développement de la filière en Europe

La filière s'est principalement concentrée jusqu'à présent sur le segment des déchets de construction. Le projet Gypsum to Gypsum porté par Eurogypsum est une première. Il rassemble au sein d'un même projet tous les acteurs de la chaîne de valeur de la filière plâtre. Son objectif est favoriser l'utilisation des déchets à base de plâtre provenant de la fin de vie des bâtiments afin d'atteindre des taux de valorisation ambitieux. Pour cela, les trois fabricants principaux de plaques de plâtre, 5 déconstructeurs, un bureau d'études, 2 universités, un laboratoire de caractérisation des matériaux, ainsi que les deux leaders mondiaux du recyclage ont présenté le projet dans le cadre de financement du programme européen pour l'environnement LIFE +. Le projet a retenu toute l'attention de la communauté européenne qui a décidé de le cofinancer à hauteur de plus de 1,7 millions d'€ soit 50% du budget estimé pour les trois années de fonctionnement.

Au cours de ce projet, les méthodes de déconstruction vont être évaluées techniquement et économiquement. Les résultats devraient permettre aux producteurs de faire évoluer leurs systèmes constructifs dans le but de faciliter leur démantèlement. La qualité du plâtre recyclé sera spécifiée dans le but de contribuer à l'établissement des critères de  la fin de vie du déchet de plâtre selon l'article 6 de la Directive Cadre sur les déchets. Les producteurs s'efforceront d'inclure 30% de plâtre recyclé dans le processus de fabrication des plaques. La filière est donc en passe de devenir un exemple parfait d'économie circulaire, le déchet généré à toutes les étapes de vie du produit retournant dans son produit originel.

Au-delà de cela, le succès de cette filière pourrait bien se révéler structurante pour l'ensemble des déchets du bâtiment. En effet, dans un processus de curage, le fait de déconstruire proprement les cloisons permet de préparer des lots d'autres déchets beaucoup plus facilement. L'organisation mise en place sur le chantier peut ségréguer simultanément isolants de tout type, plafonds, fenêtres, déchets électriques qui ne sont pas ou mal valorisés en général. Il ne restera plus qu'à trouver et développer les exutoires de recyclage pour ces déchets.

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2 Commentaires

Floriane HAMON

Le 03/01/2013 à 9h53

Bravo pour ce beau projet européen d'économie circulaire ! Les gisements de valorisation des déchets dans la construction sont en effet importants, il est intéressant de voir que la profession progresse... avec le soutien de l'Europe !

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Labo bb

Le 12/09/2014 à 16h08

Est il envisageable d’établir une filière de récupération des déchets de plâtre dans le domaine dentaire?

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