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Actu-Environnement

Le labyrinthe de la loi Grenelle

La loi Grenelle est le plus important ensemble de réformes écologiques jamais envisagé en France. Pour autant, certaines des mesures les plus importantes ont été affaiblies, ou ont disparu, et des contradictions majeures mettent en question l'esprit du texte.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  A. Sinaï
La bataille d'amendements sur le projet de loi de programmation du Grenelle de l'environnement a commencé à l'Assemblée nationale. Un an après le compromis du Grenelle qui s'est dégagé entre les acteurs réunis aux tables rondes d'octobre 2007, cette loi est une première traduction gouvernementale d'une révolution écologique qu'à l'époque Nicolas Sarkozy appelait de ses vœux en annonçant, le 25 octobre 2007, « une révolution dans nos façons de penser et dans nos façons de décider. Une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs et dans nos critères ».
Pourtant si, la lutte contre le changement climatique reste une priorité, elle est affaiblie par l'absence d'une réforme claire et globale de la fiscalité écologique, et par son retard sur les constats du dernier rapport du GIEC, qui énonce la nécessité de diviser par 20 plutôt que par quatre les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés d'ici à 2050.
Le système français de répartition des aides de la Politique agricole commune est maintenu et sa réforme reportée à 2012. L'agriculture biologique, formellement encouragée, reste cependant dans une niche, appelée à coexister avec l'agriculture conventionnelle et bientôt les OGM, sans pour autant voir émerger un modèle de production 100% durable d'ici à 2020. En revanche, et cela va dans le sens des préconisations initiales des ONG environnementales, l'épandage aérien de pesticides, est interdit « sauf dérogations ». Un amendement de l'opposition est retenu en faveur d'une évaluation toxicologique indépendante relative aux effets des substances chimiques sur les abeilles. Mais la loi recule sur les quarante substances les plus dangereuses vouées à être retirées du marché, du fait que certaines d'entre elles demeurent autorisées par la réglementation européenne. Selon un amendement présenté par le rapporteur de la loi, Christian Jacob, et adopté en Commission des affaires économiques mardi 30 septembre, « le Grenelle ne saurait conduire à retirer du marché des substances qui peuvent être utilisées par nos voisins européens, car cela constitue une distorsion de concurrence injustifiée pour notre agriculture ». Pour autant, un autre amendement de la majorité supprime une disposition surprenante de la loi Grenelle, qui consistait à repousser de trois ans la suppression des phosphates dans les produits destinés au lavage industriel de vaisselle, qui, selon l'amendement, « ne se justifie ni par l'absence de solutions techniques alternatives, ni par un surcoût prohibitif ».

Corridors biologiques et autoroutes

L'engagement n°73 dans la version initiale du Grenelle précisait que la trame verte, constituée de grands ensembles naturels, et la trame bleue, son équivalent pour les eaux de surface continentales et leurs écosystèmes associés, « permettent de créer une continuité territoriale, ce qui constitue une priorité absolue ». Dans son analyse du projet de loi Grenelle, la Fondation Nicolas Hulot rappelle le caractère essentiel pour la biodiversité de cette continuité territoriale : pour s'adapter à une évolution de leur milieu, se reproduire et survivre, les espèces vivantes ont besoin de se déplacer et d'échanger les unes avec les autres. Afin que cette continuité territoriale soit effective, il faut que cette trame verte et bleue ne soit pas sans cesse remise en question par des projets d'infrastructures ou le développement incontrôlé des zones urbaines. D'où l'engagement initial de la première version du Grenelle, qui pose une « trame verte et bleue opposable aux grandes infrastructures ». Cette notion d'opposabilité a disparu du texte de la loi, qui précise simplement que « les modalités d'insertion de la trame verte et bleue dans les documents d'urbanisme et les schémas d'infrastructures, ainsi que les conditions de sa prise en compte par la fiscalité locale seront précisées ». Qu'un amendement de la majorité vienne proposer la substitution du mot « insertion » par les mots « prise en compte » n'y change rien substantiellement, même si son exposé des motifs souligne que « la constitution d'une trame verte et bleue ne présente d'intérêt pour les espèces animales que si une continuité territoriale des grands ensembles peut être garantie à travers des corridors écologiques ». En l'état, le projet de loi permet la construction d'infrastructures lourdes sur le tracé de la trame verte.
D'autres points majeurs du Grenelle initial ont disparu de la loi. Au départ, le Grenelle prévoyait le gel des projets autoroutiers et des projets d'aéroports. A l'arrivée, la loi stipule dans l'article 9 que « l'Etat veillera à ce que l'augmentation des capacités routières soit limitée au traitement des points de congestion », ce qui constitue un glissement sémantique par rapport aux dispositions initiales du grenelle, qui affirmait que « la capacité routière globale du pays ne doit plus augmenter, sauf pour éliminer les points de congestion ». La demande des ONG environnementales de lancer la réalisation d'un nouveau schéma d'infrastructures nationales selon un processus de concertation semble avoir été abandonnée. L'autouroute A65 Langon-Pau verra bien le jour en Aquitaine, malgré la mobilisation des associations locales, et la construction de l'aéroport Notre-Dame des Landes est confirmée. De même, le projet de grand contournement de Strasbourg a été déclaré d'utilité publique, mais celui de Bordeaux a été abandonné.
Difficile, au bout du compte, d'avoir une vision d'ensemble des orientations données au secteur des transports, en l'absence d'un schéma national préalablement discuté sur la place publique. Du côté du fret ferroviaire, les choses semblent évoluer dans le bon sens puisque la commission des affaires économiques a adopté un amendement stipulant que « les moyens dévolus à la politique des transports des marchandises sont mobilisés pour faire évoluer la part de marché du non routier de 14 à 25 % à l'échéance 2022. En première étape, le programme d'action permettra d'atteindre une croissance de 25% de la part de marché du fret non routier d'ici 2012 ». Pour autant, le fret « non routier » ne fait qu'englober le fret ferroviaire et relativise donc sa part. C'est ce qui inquiète France Nature Environnement, qui constate la grande difficulté de mettre en œuvre le développement du fret ferroviaire, tandis que le Réseau Action Climat propose en vain que la loi formule clairement que, dans la perspective d'une révolution écologique véritable, la route et l'avion deviennent des solutions de dernier recours et que deux millions de camions doivent, d'ici à 2012, être transférés de la route vers le rail.

Le nucléaire, cheval de Troie de la loi Grenelle

Réunies en un comité opérationnel de dernière minute le 30 septembre, les parties prenantes au groupe de travail sur le climat et l'énergie ont découvert un amendement surprise proposé à l'article 4 par les députés UMP Patrick Ollier et Serge Poignant, proposant un subterfuge sur l'objectif de 50 kilowatteures par mètre carré par an dans les bâtiments neufs. Cette disposition phare du Grenelle vient de recevoir une étrange interprétation de la part des parlementaires de la majorité, au motif qu'il s'agit de « ne pas privilégier une énergie par rapport à une autre ». Selon cet amendement, « pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en termes d'émissions de gaz à effet de serre, ce seuil [de 50 kw/h par m2 par an] sera relevé à raison inverse des émissions de gaz à effet de serre générés par l'énergie utilisée, conformément aux dispositions du premier alinéa ». En clair, cette disposition permettra aux bâtiments neufs chauffés par convecteurs électriques d'être moins bien isolés que les autres. Les ONG ne tardent pas à réagir et lancent aussitôt un « Appel de Grenelle » : les partenaires s'étaient accordés sur cette idée : l'enveloppe est une priorité puisqu'elle est là pour cinquante ans. Si pour une raison quelconque la nature des systèmes de chauffage venait à changer demain, il faudrait alors gérer la mauvaise qualité des enveloppes.... Premier échec collectif. Nos élus ont-ils conscience qu'en adoptant cet article de loi, ils signent l'arrêt de mort de Grenelle et celui de la construction de bâtiments performants au seul bénéfice d'un lobby égocentriste attaché à une technologie désuète que seule au monde la France cherche encore à promouvoir ?. De fait, cette prime au chauffage électrique revient à conforter l'industrie nucléaire qui demeure intangible, malgré la mutation écologique appelée par Nicolas Sarkozy dans son discours de Toulon le 25 septembre, et en incohérence avec un autre amendement à la même loi Grenelle, selon lequel « les objectifs d'efficacité et de sobriété énergétique exigent la mise en place de mécanismes d'ajustement et d'effacement de consommation d'énergie de pointe ». Alors qu'un colloque de la communauté nucléaire internationale, réuni jusqu'au 2 octobre à Avignon, vient de chiffrer à 500 milliards de dollars le coût du démantèlement des installations nucléaires civiles dans le monde, l'objectif du préambule de la loi Grenelle, qui « assure la croissance actuelle sans compromettre les besoins des générations futures », risque de n'avoir qu'une portée rhétorique.

Réactions5 réactions à cet article

Quand des prises de décisions responsables ?

Encore une fois et cela est très factuel, on voit le pouvoir de nuisance de l'UMP qui ne joue pas l'intéret de la Nation, mais celui des lobbies! A quand une démarche responsable, par exemple en direction de la géothermie profonde? information donnée sur ce site, ou au USA le MIT assure que seulement 2% du sol est en mesure de couvrir 2500 fois, oui 2500 fois les besoins énergétiques de ce pays ? Y a-t-il quelqu'un de responsable dans cette majorité ? Devra-t-on attendre que les nouveautés proviennent de l'étranger pour aggraver le déficit ? Doit-on continuer à payer grassement les pays producteurs pour qu'ils achètent avec leur fonds souverains nos entreprise ? A-t-il un pilote dans l'avion ?

Mathias | 02 octobre 2008 à 10h51 Signaler un contenu inapproprié
procès

nous devrions commencer à faire des jurisprudence car avec de tels agissements et de tels actes au niveau politiqu, dans le futur nous aurons droit à de sérieux dérèglements. et que certains auront des problèmes de santé à surmonter. accusons ceux qui continue à faire de l'argent SALE. faire des profis avec une entreprise aussi sale que le nucléaire et autres qui polluent les eaux devraient être méchament taxé.à quoi bon survivre à faire de l'argent si c'est pour dicéminer les populations à petit feu. les gens qui ont du pognon comment le gagne t il? quel impact cela fait il subir sur les employés, les riverains, la nature. sans la nature nous ne sommes rien.y aura t il une guerre de l'écologie car de survi pour des eaux "propres" et des coins épargnés de toute pollution?ces mecs là pourront toujours se déplacer vivre sereinement sur un coin de cette belle terre, alors que les autres crèveront doucement la bouche ouverte...et puis on se dira: "hoo comme c'est malheureux tout ca, quand mm.agissons sur l'instant. merci pour ceux qui ont les mm ressenti. et il n'y a pas de parano là dedans. à 29ans je suis suffisemment sensible depuis des années ou mon cerveau peu comprendre tout ce qui se passe de travers sur cette terre, pour m'en inquiéter aussi GRAVEMENT!!

cosmonimes | 02 octobre 2008 à 18h13 Signaler un contenu inapproprié
Droit de réponse

1. Tout d'abord il faut reconnaître avec désappointement l'esprit borné en matière d'écologie de la droite gouvernementale, à commencer par le premier ministre en chef.
2. A propos de la trame verte, les avantages de la haie bocagère devraient être mis en évidence.
3. Pourquoi démanteler des centrales nucléaires puisqu'elles sont pour de longues années le meilleur réceptacle des produits déchets radioactifs ?

rené-pierre | 03 octobre 2008 à 10h23 Signaler un contenu inapproprié
Re:procès

A 29 ans tu as tout compris, tu sais nous les séniors, nous nous battons tant que nous pouvons contre ces abrutis de tout poil qui ne pensent qu'à faire de fric en envoyant l'humanité au casse pipe. Ils ne veulent même pas voir que se sont leurs propres enfants qui vont en pâtir. Quant à ceux qui rêvent de s'acheter une nouvelle vie sur La Lune, Mars ou ailleurs, je leur souhaite bien du plaisir, en espérant qu'ils y restent.
C'est en changeant nos modes de consommation que nous gagnerons la bataille, acheter local chaque fois que c'est possible, pour tordre le cou aux norias de camions pour lesquels on veut défigurer nos paysages. D'un côté on délocalise les productions à tour de bras, et de l'autre on fait des autoroutes et des LGV pour acheminer les marchandises.Et ça profite à qui? A l'industrie du pétrole et du BTP, évidemment! Il est grand temps de remettre les pendules à l'heure et l'humain au centre des préoccupations économiques.L'important sur terre c'est l'homme, pas le fric! Il serait temps que les citoyens que nous sommes prennent les rennes du pouvoir. A chacun selon ses moyens, oui mais pour réagir à ce libéralisme capitaliste mortifère au quotidien. Une somme de petites résistances fera un grand mouvement. Commençons par bouder les achats inutiles , ceux que nous vantent les médias. Devenons lucides, un yaourt c'est du lait caillé, pas un truc trafiqué pour en faire un 'alicament'. si on mangeait sain, sans pesticides, on serait beaucoup mieux portants, n' l'oublions pas. La guerre de la consommation, c'est à chacun qu'elle incombe si on veut rendre la vie acceptable. javascript:add_smilley('');

dany | 06 octobre 2008 à 10h08 Signaler un contenu inapproprié
Définition...

A quoi sert l’écologie si ses buts ne sont pas définis ?
La campagne de pub du Grenelle en est un bel exemple.
La phrase ‘ sauver sa planète ‘ que l’on nous sert chaque fois qu’il y a quelque chose à vendre est significative.
La planète n’a rien à craindre de notre petit réchauffement, elle en a vu et en verra d’autre.
L’espèce humaine elle non plus n’est pas menacée elle aussi en a vu d’autre.
Le but, oh combien louable mais difficile, est de sauver et de partager notre petite niche de confort que nous nous sommes construit ces derniers siècles.
Arrêtons donc de prendre des vessies pour des lanternes et concentrons-nous sur de vrais objectifs.

MB | 09 octobre 2008 à 09h02 Signaler un contenu inapproprié

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