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Actu-Environnement

“COP 21 : Paris n'est pas tant un aboutissement que le début de quelque chose”

Les négociations internationales sur le climat entament leur dernière ligne droite. Une ultime réunion avant celle de Paris va s'ouvrir le 19 octobre. Laurence Tubiana, Ambassadrice chargée des négociations, détaille pour Actu-environnement ses attentes pour qu'un accord idéal voie le jour à Paris.

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Environnement & Technique N°353
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°353
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“COP 21 : Paris n'est pas tant un aboutissement que le début de quelque chose”
Laurence Tubiana
Ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique, négociatrice principale pour Paris Climat 2015 / COP21
   

Actu-environnement : Quelles sont les propositions et lignes de forces clés que vous entendez mettre en avant lors de ces négociations ?

Laurence Tubiana : Il y a des limites à ce que nous pouvons mettre en avant : l'impartialité de la France en tant que présidence de la COP 21 est primordiale. C'est même la seule position qui soit tenable ! Et Laurent Fabius, en tant que président de la COP21, est particulièrement attentif à cela. Dans le jargon, on dit que les négociations climat sont "party-driven", menées par les Parties : les Etats gardent la main, car leurs intérêts vitaux sont en jeu.

Etant donné le caractère exceptionnel de la conférence de Paris, nous avons cependant fait le choix de développer une vision assez originale : celle d'une "Alliance de Paris pour le climat" qui se nourrisse de plusieurs éléments : un accord universel ; les contributions nationales ; un volet important sur les financements ; et enfin, ce que nous appelons "l'agenda des solutions".

L'idée de cet agenda des solutions est simple, mais novatrice : même si l'engagement des gouvernements est décisif, les Etats ne doivent pas être seuls à agir. Il faut aussi que la société civile dans sa diversité s'engage à leurs côtés : les collectivités locales, les entreprises, les investisseurs, les ONG, les syndicats, l'ensemble des citoyens. Nous encourageons donc tous ces acteurs à prendre des engagements volontaires ou rejoindre des initiatives coopératives autour de cibles communes : par exemple, l'installation de 10 Gigawatts d'énergies renouvelables sur le continent d'ici 2020, ou l'objectif de diviser par deux la déforestation d'ici 2020 et d'y mettre fin en 2030.

Au sein des négociations elles-mêmes, nous défendons par ailleurs une idée qui peut paraître assez intuitive, mais va plutôt à l'encontre des habitudes : il faut que les grandes lignes du résultat de Paris soient déjà tracées dès le mois d'octobre, et qu'il ne reste plus que quelques grands arbitrages politiques à opérer lors de la COP 21. Au sein des négociations climat, on a malheureusement pris l'habitude d'attendre le tout dernier moment – voire les prolongations – pour faire bouger les lignes. On parvient à trouver des compromis de cette façon, mais ils sont souvent un peu bancals. Or ici, nous cherchons un accord équilibré, robuste, conçu pour durer des décennies – et cela se prépare bien en amont. C'est d'ailleurs pour cela que la présidence de la COP 21 a fait le choix d'inviter les Chefs d'Etat et de gouvernement le premier jour de la COP 21, pour donner une impulsion politique.

AE : Comment faire évoluer la gouvernance climatique ? La règle de l'unanimité n'est-elle pas à l'origine de la lenteur du processus ?

LT : L'exigence de consensus est parfois délicate à gérer, mais la règle "un Etat = une voix" est incontournable. Les Etats-Unis ont le même poids que la Bolivie ou les îles Marshall : c'est un gage de transparence et d'inclusivité. On peut difficilement trouver un enjeu plus global que le dérèglement climatique : les gaz à effet de serre émis à un endroit contribuent à déclencher des sécheresses ou des inondations à l'autre bout de la planète. Pour relever ce défi, il faut donc mettre tout le monde d'accord : ce n'est pas facile, mais c'est indispensable.

Cela étant, le processus n'est pas exempt de défauts. Il a besoin d'une meilleure interaction entre les autorités politiques et les négociateurs, sans quoi on peut tourner en rond avec les mêmes arguments pendant très longtemps, faute de marges de manœuvre suffisantes. C'est d'ailleurs pour cela que le ministre des Affaires étrangères a fait le choix d'organiser des réunions ministérielles informelles tout au long de l'année 2015, pour évoquer avec eux les sujets bien en amont. Il faut également renforcer les liens avec d'autres processus multilatéraux, comme les négociations commerciales ou le protocole de Montréal sur les substances appauvrissant la couche d'ozone. Nous y travaillons, mais notre priorité n'est pas de réinventer le processus, qui a fait ses preuves, mais plutôt de le faire aboutir à un résultat solide lors de la COP 21.

AE : Quel serait pour vous l'accord idéal au sortir de la COP ?

LT : L'accord idéal, ce n'est pas l'accord parfait ; c'est un accord dans lequel chacun trouve son compte, et dont chacun peut se réclamer. Un accord réellement universel, donc. Il devra être conçu pour durer. Tous les Etats en conviennent désormais. Renégocier un accord tous les dix ou quinze ans serait trop chronophage. Il faut donc bien peser tous les éléments, fixer des règles pour l'avenir, anticiper les sujets qui pourraient émerger. Bien sûr, il pourra être retouché à la marge mais nous devons être le plus prévoyant possible.

Enfin, il faudra que l'accord apporte une réponse satisfaisante à des questions difficiles. L'enjeu de la répartition des efforts – ce que nous appelons la "différenciation" – est très important. En 1992, la Convention Climat a divisé le monde en deux : les pays industrialisés, sur lesquels reposait la quasi-totalité des responsabilités, et les autres. Cette répartition binaire, figée, n'est plus exactement en phase avec les tendances économiques et géopolitiques actuelles : il nous faut la traduire de façon plus dynamique.

Autre point essentiel, celui de l'adaptation aux effets du dérèglement climatique. Les pays en développement en ressentent déjà l'urgence sur le terrain, et veulent que l'accord de Paris réserve à ce sujet une place aussi importante qu'à la réduction des émissions.

L'important est qu'il nous permette de nous rapprocher de l'objectif de limiter le réchauffement global à 2°C en créant les conditions nécessaires pour que nous puissions y parvenir complètement d'ici la fin du siècle. Ce ne sera sans doute pas l'accord parfait ; mais disons plutôt le meilleur accord possible. Ce qu'il faut comprendre également, c'est que Paris n'est pas tant un aboutissement que le début de quelque chose. La COP 21 s'inscrit dans une tendance de fond : celle d'une transition mondiale vers des sociétés résilientes et sobres en carbone, que la COP 21 devrait contribuer à accélérer mais qui continuera de toute façon après elle.

Réactions1 réaction à cet article

La COP21 ça devait être le triomphe de la politique française.
C'est désormais "le début de quelque chose" engagé par la "société civile".
Voila qui remet les pendules à l'heure !

Levieux | 14 octobre 2015 à 10h21 Signaler un contenu inapproprié

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