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Les impacts mutagènes du tritium sous-estimés ?

Selon l'ASN, les impacts sur l'environnement et la santé du tritium, un radionucléide dit ''peu toxique'', pourraient être sous-estimés. D'autant que les sources d'émissions sont amenées à s'amplifier avec le développement des réacteurs EPR et ITER.

Risques  |    |  R. Boughriet
   
Les impacts mutagènes du tritium sous-estimés ?
   
Dans un Livre Blanc publié le 8 juillet après deux ans de travaux, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) fait l'analyse des risques potentiels sur l'environnement et la santé du tritium, un isotope radioactif de l'hydrogène considéré peu ''dangereux''. Des risques qui pourraient être sous-estimés, selon les deux groupes de réflexion, créés en 2008 par l'ASN, après l'examen de plusieurs études scientifiques sur le sujet.

Rappelons que le tritium est un émetteur bêta (électron) de faible énergie avec une période ou demi-vie de 12,3 ans. Il est produit naturellement par action des rayons cosmiques (neutrons) sur l'air mais également par l'industrie nucléaire (centrales, installations de traitement du combustible, activités militaires, …) . Plus de 20.000 mesures réglementaires par an de tritium dans l'eau et dans l'air sont ainsi réalisées autour des centrales, a rappelé l'ASN, à l'occasion d'une conférence de presse.

Ce radionucléide est considéré ''peu radiotoxique'' en France. Il délivre ''une dose moyenne annuelle de l'ordre d'un microsievert (µSv)'', soit le millième du seuil limite pour le public (de 1 millisievert), a précisé André-Claude Lacoste, président de l'ASN. Mais même ''faibles'' (l'équivalent au total d'une quarantaine de grammes par an), les rejets du tritium, issus de l'industrie nucléaire, pourraient fortement progresser dans les prochaines décennies, dus notamment à l'évolution du parc (avec les deux réacteurs EPR prévus à Flamanville et Penly), de ses modes de gestion du combustible mais aussi le projet international ITER de réacteur à fusion thermonucléaire. Ce projet consiste en effet à fusionner deux atomes de l'hydrogène - le deutérium et le tritium - pour créer un noyau plus lourd, celui de l'hélium. Les nouveaux réacteurs de 4e génération (plus enrichis) seront aussi amenés à produire davantage de tritium que ceux actuels à eau pressurisée.

Des risques liés à des expositions in utero

Le comportement du tritium dans l'environnement tout comme les modalités d'évaluation de l'impact biologique du radionucléide sur l'homme ont également fait l'objet de recherches, notamment en Grande-Bretagne fin 2007. L'une des études, menée près de Sellafield, où se trouve une usine de retraitement de combustibles, a montré des concentrations de tritium dans la faune marine (poissons plats, crustacés, mollusques) de la baie de Cardiff ''1.000 à 10.000 fois supérieures à celles de l'eau de mer'', a rappelé Patrick Smeesters, de l'Agence fédérale de contrôle nucléaire belge, ayant participé au Livre Blanc. L'étude souligne une possible accumulation du tritium le long de la chaîne alimentaire marine. D'autant que cette bioccumulation pourrait être liée à des rejets d'eau tritiée? Deux autres facteurs expliqueraient les concentrations ''anormalement élevées'' dans les poissons. Celles-ci pourraient être liées à une rémanence du tritium dans des sédiments, suite à des rejets antérieurs importants, ou à l'existence, dans les mêmes eaux de rejets, de molécules organiques tritiées.

Cet isotope de l'hydrogène, rejeté sous forme d'eau tritiée, serait ensuite ingéré par les animaux et intégré à des molécules organiques. Associé à certains composants des cellules, le tritium peut agir ''au coeur même de l'ADN'', selon M. Smeesters. Les études de toxicité (menées sur des animaux) se focalisent sur les stades de la grossesse. Pour un embryon de quelques cellules seulement, de tels composés organiques à base de tritium s'intégrant à leur ADN risquent de provoquer des mutations, ''comme tous les rayonnements ionisants''. Le plus important des risques identifiés est une recrudescence de fausses-couches.

Une autre étude britannique a également indiqué d'accroître le poids du tritium dans le calcul de la dosimétrie, face une possible ''sous-estimation de l'efficacité biologique relative du rayonnement du tritium''. Le groupe de travail, présidé par M. Smeesters, préconise notamment d'utiliser un facteur de pondération pour les rayonnements (wR) de 2 (au lieu de 1) dans les situations d'évaluation de risque individuel.

Un plan d'actions

Dans ce Livre Blanc basé sur la synthèse des travaux des groupes et leurs recommandations, l'ASN a élaboré un plan d'actions ''au nom du principe de précaution''. Le directeur général de l'ASN Jean-Christophe Niel, a appelé les organismes de recherches (IRSN, Agence nationale de sécurité sanitaire, CEA, Commission Internationale de Protection Radiologique..) à approfondir les études notamment sur les effets de l'exposition de l'embryon et du fœtus au tritium. M. Niel a aussi préconisé une harmonisation des méthodes d'évaluation des doses en fonction de la forme physico-chimique du tritium, de la voie de contamination, outre la durée d'exposition. L'ASN a également demandé des investigations sur de nouvelles approches par rapport à d'éventuels effets héréditaires et de cancers (études épidémiologiques chez les travailleurs, etc.).

Outre l'évaluation de l'impact sur la santé et l'environnement prévue dans le plan, l'ASN va également créer un comité de suivi et invite les exploitants d'installations nucléaires (Areva, EDF) à maîtriser leurs rejets du tritium et mettre en place une veille technologique dans le domaine de la détritiation.

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