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Actu-Environnement

La loi biodiversité limite timidement la brevetabilité du vivant

La loi pour la reconquête de la biodiversité contient deux dispositions visant à limiter la brevetabilité du vivant. Elle prend soin de préserver les certificats d'obtention végétale et ne s'attaque pas aux nouveaux OGM.

Agroécologie  |    |  L. Radisson

"La loi interdit la brevetabilité du vivant", affirme le dossier de presse du ministère de l'Environnement relatif à la loi pour la reconquête de la biodiversité promulguée l'été dernier. Cette affirmation doit être nuancée car, loin d'une interdiction totale, la loi fixe plutôt des limites à cette brevetabilité, en prenant soin de ne pas porter atteinte aux semenciers français dont le poids économique est considérable et en ne s'attaquant pas à la brevetabilité des gènes natifs que permettent les nouveaux OGM.

Non-brevetabilité des produits biologiques

Que contient exactement la loi publiée ? Elle modifie deux articles du code de la propriété intellectuelle. L'article L. 611-19 (1) tout d'abord qui affirme désormais que "ne sont pas brevetables (…) les produits exclusivement obtenus pas des procédés essentiellement biologiques [comme le croisement ou la sélection], y compris les éléments qui constituent ces produits et les informations génétiques qu'ils contiennent".

Ce principe de non-brevetabilité concerne les produits biologiques comme les informations génétiques, dès lors que ces découvertes peuvent avoir lieu de manière naturelle, explique le Gouvernement. "Par le même principe, pour des matières vivantes déjà brevetées, la protection du brevet ne pourra pas s'étendre aux matières ou informations génétiques qui peuvent être découvertes de manière naturelle", ajoute-t-il.

"Cet article ne concerne que les plantes cultivées et les animaux d'élevage, seuls à mêmes d'être obtenus par des procédés essentiellement biologiques", décrypte de son côté Frédéric Prat de l'association Inf'OGM. Exemple ? Cette interdiction empêchera l'octroi d'un brevet sur un chou brocoli obtenu exclusivement par des procédés essentiellement biologiques et contenant une certaine quantité de protéines aux vertus anti-cancéreuses, ainsi que sur les gènes codant pour cette protéine, illustre le spécialiste des semences. Mais ce, uniquement en France alors que cette brevetabilité restera autorisée par l'Office européen des brevets.

La brevetabilité des matières biologiques limitée

La loi ajoute ensuite de nouvelles dispositions à l'article L. 613-2-3 (2) qui porte sur la brevetabilité des matières biologiques. Ces dispositions sont ainsi rédigées : "La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées ne s'étend pas aux matières biologiques dotées de ces propriétés déterminées, obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication".

Traduction ? "Lorsqu'une plante obtenue par un procédé essentiellement biologique a les mêmes caractéristiques qu'une matière biologique brevetée, la protection du brevet ne s'étend pas à cette plante", explique Frédéric Prat. En revanche, une matière biologique préexistant naturellement reste brevetable si elle est dotée de propriétés déterminées par une invention (comme la résistance à un insecte), ajoute le journaliste d'Inf'OGM.

"Amendement des semenciers"

Ces dispositions permettent par conséquent de limiter la brevetabilité du vivant mais restent éloignées de l'interdiction totale affichée par le ministère de l'Environnement. Et surtout, elles permettent de ne pas remettre en cause le système des certificats d'obtention végétale (COV), système de protection intellectuelle défendue par la France comme alternative au brevet. Leur rédaction résulte en effet d'un amendement (3) introduit en lecture définitive à l'Assemblée par la députée socialiste Anne-Yvonne Le Dain et visant à rétablir la version adoptée antérieurement par le Sénat. Opposée à cette rédaction, la rapporteure Geneviève Gaillard l'avait qualifié d'"amendement des semenciers".

"Par nature et par fonction, le secteur des semences exerce un travail de recherche génétique (…). Il me semble compliqué d'interdire ce qui se pratique depuis longtemps, notamment en matière de certificats d'obtention végétale, pour la seule raison que nous aurions peur du brevet", a expliqué Mme Le Dain. "ll convient de ne pas décourager cette filière économique française puissante, la deuxième du monde, dont le chiffre d'affaires annuel atteint 4 milliards d'euros, dont 1,6 milliard d'euros d'excédent commercial à l'international", a ajouté la députée. De fait, le Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS) avait salué ces dispositions lors de leur adoption par le Sénat.

Rien sur les nouveaux OGM

Aussi, le collectif Semons la biodiversité salue-t-il les avancées apportées par la loi mais souligne aussi ses insuffisances. "Sous la pression des lobbys industriels, le Parlement a refusé d'aborder la réglementation des nouveaux OGM [issus des techniques de génie génétique et de bio-informatique] et d'interdire les brevets sur les gènes natifs qu'elles permettent", dénonce ce collectif qui regroupe une trentaine de structures comme le Réseau Semences paysannes, la Confédération paysanne ou la Fédération nationale des agriculteurs biologiques (FNAB).

"Si ces nouveaux OGM restent cachés, tout comme les brevets qui vont avec, aucune étiquette n'informera les consommateurs tandis que les paysans et les petits semenciers verront leurs propres semences et animaux menacés d'appropriation par ceux qui auront breveté certains de leurs caractères natifs", alerte le collectif.

1. Consulter l'article
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=EF4C79E1364F1C1E17DF8F7E05915296.tpdila16v_2?idArticle=LEGIARTI000033033596&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160916
2. Consulter l'article
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=678D2F09E47089E107E6005311ECA23A.tpdila16v_2?idArticle=LEGIARTI000033033605&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20160916
3. Consulter l'amendement
http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/TA0775/AN/38.asp

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