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La loi biodiversité révèle l'évolution de notre perception vis-à-vis de l'animal "nuisible"

La loi pour la reconquête de la biodiversité fait disparaître la notion de "nuisible" du code de l'environnement. Le début de la traduction juridique d'un changement de regard de notre société sur les animaux dits "malfaisants".

Biodiversité  |    |  L. Radisson
La loi biodiversité révèle l'évolution de notre perception vis-à-vis de l'animal "nuisible"
Environnement & Technique N°367
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°367
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La loi pour la reconquête de la biodiversité, promulguée l'été dernier, a banni les termes d'"animaux malfaisants ou nuisibles" de la partie législative du code de l'environnement pour les remplacer par ceux de "spécimens d'espèces non domestiques" ou d'"animaux susceptibles d'occasionner des dégâts". Une évolution débattue lors du colloque "Sales bêtes ! Mauvaises herbes" qui s'est tenu les 31 janvier et 1er février à Paris sous l'égide de l'Association pour l'histoire et la protection de la nature et de l'environnement (AHPNE).

Notion anthropocentrée, variable selon les contextes

“ Rien n'est simple, le nuisible d'un jour peut être l'utile du lendemain ” Renaud Bueb, Université de Franche-Comté
Cette modification législative amorce la traduction dans la règle de droit d'un changement de perception de la société vis-à-vis du caractère malfaisant de certains animaux. Le terme "nuisible" tend "à faire de l'élimination de certaines espèces un but absolu au mépris de leur participation à certains cycles biologiques ou au principe général de conservation d'une réelle biodiversité", indiquait l'étude d'impact du projet de loi, qui proposait plutôt le terme de "déprédateur".

"Le qualificatif de « nuisible » est inapproprié car aucune espèce n'est néfaste par nature. Toutes les espèces ont leur place dans notre système ; il est important de le reconnaître", avait également déclaré la députée Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi, durant la discussion à l'Assemblée nationale.

"La notion de « nuisible » est très anthropocentrée, variable selon les contextes et méconnaît le rôle des espèces", relève André Micoud, sociologue, en s'appuyant sur un avis (1) rendu en février 2016 par le Conseil scientifique de patrimoine naturel et de la biodiversité (CSPNB). "Rien n'est simple, le nuisible d'un jour peut être l'utile du lendemain", constate également Renaud Bueb, historien du droit à l'Université de Franche-Comté, qui a analysé l'évolution dans le temps de la législation de la destruction des nuisibles.

Le loup est l'animal le plus emblématique de cette évolution. "Le statut de l'animal a été complètement inversé, passant de la désignation infamante de « nuisible » à un statut d'animal « strictement protégé »", constate Jean-Marc Moriceau, historien à l'Université de Caen, qui déplore l'absence de juste milieu. Il faut dire que ce dernier a recensé les attaques de loups à travers les archives non seulement sur le bétail domestique mais également sur l'Homme. Des attaques "qui ne tiennent pas de la légende", rappelle l'universitaire. Ce constat d'un changement radical de statut peut toutefois être nuancé dans la mesure où le gouvernement continue à autoriser chaque année la destruction d'un certain nombre de spécimens du canidé.

"Un nouveau régime se profile"

En tout état de cause, "un nouveau régime se profile pour justifier notre action pour la gestion du vivant", estime André Micoud. Mais la transition vers ce nouveau régime ne fait pas l'unanimité et reste, sans doute pour cette raison, largement inachevée. "Aujourd'hui en France, les représentations sociales des animaux ne sont pas les mêmes selon que l'on questionne des ruraux, des agriculteurs ou des citadins", relève le CSPNB, qui ne se dit pas certain que l'évolution législative se traduise "effectivement et rapidement par un changement de pratiques sur le terrain".

Pour Aline Treillard, doctorante en droit public à l'Université de Limoges, l'intention du législateur reste confuse. Car, si le terme "nuisible" a été remplacé par des "périphrases", celui de "destruction" est en revanche resté dans le code de l'environnement. "Le terme de « régulation » aurait été plus adapté", estime la chercheuse. Le titre même de la loi "pour la reconquête de la biodiversité" perpétue, selon la juriste, l'organisation d'une rivalité entre monde sauvage et monde humain.

En d'autres termes, pour cette dernière, les nuisibles continuent à faire peur au législateur. Une assertion qui fait bondir Julien Astoul-Delseny du ministère de l'Environnement qui, très légaliste, se refuse à commenter "l'expression de la volonté de la Nation". Pour le représentant du bureau de la chasse et de la pêche en eau douce, la législation est forcément trop sévère pour les chasseurs/piégeurs et trop laxiste pour les naturalistes.

"Tous les animaux sont protégés"

"Il ne faut pas rester le nez collé à la vitre !", réagit Chantal Cans, maître de conférence à l'Université du Maine, qui propose de réunir ces deux approches du droit. "La loi devrait affirmer que tous les animaux sont protégés et mettre en place des dérogations en cas de nécessité", estime l'universitaire pour qui la règle de droit s'applique d'autant mieux qu'elle est intelligible.

Sans nul doute que le législateur sera appelé à se repencher sur cette question, d'autant que perdure dans le code rural la notion d'"organismes nuisibles" qui, rappelle le CSPNB, vise "tous les ennemis des végétaux ou des produits végétaux, qu'ils appartiennent au règne animal ou végétal".

En attendant, l'exécutif doit faire évoluer la partie réglementaire du code de l'environnement pour la mettre en conformité avec les nouvelles dispositions législatives. Un toilettage qui sera réalisé d'ici trois mois, assure Julien Astoul-Delseny.

1. Télécharger l'avis du CSPNB du 17 février 2016
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28393-cspnb-avis-utile-nuisible.pdf

Réactions8 réactions à cet article

Pardonnez-moi si je n'ai pas tout suivi, mais ce recadrage sémantique d'importance aboutit-il à des interdictions de faire figurer le mot "nuisible" sur des affichages de tous types (paquets, publicités, signalétique, etc.)?

Oli | 03 février 2017 à 10h12 Signaler un contenu inapproprié

Si on considère nuisibles tous les destructeurs d'espèces vivantes ,que dire des adeptes de l'agriculture chimique quand
on sait que dans un champ de maïs n'existent que deux espèces :le maïs et l'agriculteur .

sirius | 03 février 2017 à 15h30 Signaler un contenu inapproprié

Merci à sirius qui considère les agriculteurs comme nuisibles , ces propos sont malfaisants !!!!
Nous sommes là en pleine sémantique de la part d ' une population devenue urbaine et qui perd tout lien directe avec la nature et dont ce lien se résume à des émissions télé ou articles de presse bien loin des réalités de la vrai nature .

balxha | 06 février 2017 à 13h11 Signaler un contenu inapproprié

Bonjour,
Petit recadrage à Balxha: il n'est pas moins malfaisant de qualifier aussi grossièrement la population urbaine dans ses liens à la nature ou dans la façon dont elle s'informe. A titre d'exemple, plus de 180 espèces d'oiseaux (au moins de passage) ont été dénombrées à Paris dans les dix dernières années, par des Parisiens. Réunissez vos amis ornithologues et allez en faire autant autour de chez vous.
Sachons donc faire la part des choses, voir qu'il existe partout du bon et du mauvais, sans coller des étiquettes sur des personnes ou des populations, en dénonçant les pratiques qui détruisent notre environnement et en proposant des façons de les améliorer. Merci à Actu Environnement, qui oeuvre dans ce sens.

Oli | 06 février 2017 à 15h29 Signaler un contenu inapproprié

Il y a donc les bons et les méchants ? Les gens de la ville et ceux de la campagne ?
L'article évoque les nuisibles et j'ose vous rappeler que nous en sommes dès lors que nous, espèce humaine, s'auto proclamons régulateur.... tueur donc !
Restons humble

Phil66 | 06 février 2017 à 19h27 Signaler un contenu inapproprié

Bien sur qu ' il faut faire la part des choses . Mais dire que : " que dans un champ de maïs n'existent que deux espèces :le maïs et l'agriculteur " est totalement stupide et montre une profonde méconnaissance de l ' agriculture . Déjà dans un sol cultivé il y a 3 à 5 tonnes d ' être vivant qui vivent dans le sol , nos sols cultivés ne sont pas stériles . Dans les cultures de mais , la pyrale insecte "nuisible" ou maintenant " malfaisant" ( elle pond ses œufs sur les tiges de mais et les larves pénètrent dans la tige et s y développent finissant par provoquer la casse de la tige . La lutte contre cet insecte peut se faire par épandage d insecticides mais aussi et de plus en plus par la dispersion de trichogrammes( petit hyménoptère) dans les parcelles de mais (300.000 à l ' ha ) . Les femelles pondent leurs œufs dans ceux du ravageur ; de l'œuf parasité émergera, quelques jours plus tard, un adulte libre.
Voilà une solution qui permet de limiter les traitements insecticides et de préserver les auxiliaires . Arrêtons de juger l ' agriculture sur des apriori loin de la réalité.

balxha | 06 février 2017 à 22h36 Signaler un contenu inapproprié

Phil66 . le tueur est il nuisible ? Ce n ' est pas sur . Dans la nature , pour de nombreuses espèces la lutte pour la vie c ' est : manger ou être manger .

balxha | 08 février 2017 à 14h13 Signaler un contenu inapproprié

balxha. j'adhère à presque tous vos propos, ne vous y trompez pas.
Néanmoins dès lors qu'une espèce désire éliminer une autre quelque soit l'objectif.... elle devient un tueur donc nuisible pour l'autre espèce!

Phil66 | 08 février 2017 à 15h56 Signaler un contenu inapproprié

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