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La loi biodiversité reconnaît les sols comme patrimoine commun de la nation

En troisième lecture du projet de loi sur la biodiversité, les députés ont reconnu en séance publique la protection des sols d'intérêt général, en les intégrant au patrimoine commun de la nation. Ce qui renforce leur protection dans le code de l'environnement.

Décryptage  |  Biodiversité  |    |  R. Boughriet

Alors qu'en France, le droit actuel ne protège pas les sols en tant que milieu naturel, le projet de loi sur la biodiversité, examiné le 21 juin en troisième lecture par l'Assemblée nationale, entend pallier à cette lacune juridique. Considérer dans le droit les écosystèmes du sol à part entière, qu'il faut protéger pour eux-mêmes : c'est ce qu'ont voulu intégrer les députés au sein de l'article 1er du projet de loi (1) . Le texte mentionne les sols parmi les éléments de l'environnement constitutifs du patrimoine commun de la nation, dont la protection et la restauration sont reconnues d'intérêt général par l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Tels que l'air, l'eau, les espèces végétales ou animales. Cette disposition devrait figurer dans le texte définitif de la loi.

En première lecture du projet de loi en mars 2015, les députés avaient ajouté les sols ainsi que les processus biologiques et la géodiversité (diversité géologique, géomorphologique et pédologique, ndlr), participant au patrimoine commun de la nation. Les sols "sont le support d'un patrimoine génétique fondamental et assurent des fonctions de première importance", avait justifié la députée socialiste Geneviève Gaillard, rapporteure du texte à l'Assemblée. Selon la ministre de l'Environnement Ségolène Royal, il existerait en moyenne 260 millions d'animaux dans un mètre cube de prairie permanente.

Une protection des sols indirecte

Le droit français actuel s'attache aux différentes valeurs d'usage des sols. Son statut juridique est placé au niveau de la propriété (code civil). Le sol apparaît dans le code de l'urbanisme comme une ressource à gérer de façon économe.
Dans le code de l'environnement, les sols bénéficient pour l'heure d'une protection aux pollutions agricoles ou industrielles, à titre préventif (régime de l'épandage des boues) ou curatif (régime des sols pollués). Ils bénéficient également d'une protection dans le cadre du régime des espaces protégés ainsi que dans le droit de l'eau (contre l'imperméabilisation).
Le code de la santé publique vise quant à lui une protection des sols limitée à celle des captages d'eau. La protection des sols est aussi limitée à l'utilisation et de la qualité agronomique dans le code rural, et dans le code forestier à la stabilisation du sol par rapport à l'érosion.
Mais en janvier 2016, en première lecture, les sénateurs avaient supprimé cette précision jugée "redondante". Le Sénat ainsi que Ségolène Royal avaient alors pointé "l'instabilité juridique" que ferait peser la question des sols sur l'activité agricole et le droit de propriété. En seconde lecture du texte, les députés en mars dernier et les sénateurs en mai avaient maintenu la suppression. C'est en nouvelle lecture, en commission du développement durable le 13 juin, qu'un amendement défendu par la rapporteure a réintégré les sols au sein de ce patrimoine. Or, "cela rendra obligatoire leur protection de toute pollution, de toute dégradation. Les sols agricoles seraient concernés par cette nouvelle forme de protection, ce qui tuerait l'agriculture", estime le député Les Républicains Dino Cinieri.

Les députés Les Républicains et radicaux (RRDP) jugent "qu'utiliser les mots « les sols » pourrait être source de confusion au regard de la définition des sols du code civil et du droit de la propriété. Il importe donc de ne pas confondre les sols soumis au droit de propriété, et la biodiversité des sols, ce qui est visé ici dans l'article 1er ", ont-ils ajouté.

Geneviève Gaillard a réaffirmé "que le droit de propriété n'est absolument pas concerné par ce projet de loi. L'année 2015 a été pour l'ONU l'année des sols qui contribuent effectivement à la biodiversité par un certain nombre de processus." Un avis partagé par la secrétaire d'Etat à la biodiversité Barbara Pompili : "Ce sont bien tous les processus biologiques, qu'ils concernent les sols ou tout autre milieu – aquatique, marin ou la géodiversité – qui concourent à la constitution de notre patrimoine naturel", a-t-elle expliqué.

Vers une régulation de l'usage ?

En qualifiant le sol de patrimoine commun, la protection du sol devient d'intérêt général et "pourrait imposer la création d'un service publique lié à cette qualité", selon Philippe Billet, directeur de l'Institut du droit de l'environnement (IDE) de l'Université Lyon 3. "Envisager le droit de propriété comme garant d'une fonction écosystémique permettrait de dessiner un droit à la qualité des sols, garanti par la collectivité, sans qu'il soit nécessaire de priver le propriétaire de son bien, simplement en en régulant l'usage", ajoute Maylis Desrousseaux, docteure en droit public à l'Université d'Aix-Marseille.

"L'idée est assez ancienne, on la retrouve notamment dans les mécanismes de protection des monuments historiques par exemple. Le propriétaire est bien le propriétaire des murs mais pas de leur valeur historique, valeur dont il a la charge", explique Mme Desrousseaux."La protection du sol au nom de l'intérêt général légitime le recours à l'action publique. Lors des achats de terrains ou de locations, un état des lieux d'entrée et de sortie pourrait être réalisé sur la qualité du sol comme pour les baux ruraux par les agriculteurs, pour contrôler le maintien de cette fonctionnalité par le propriétaire. Il y aurait potentiellement une police administrative des sols comme pour l'eau chapotée par l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema). Des agents assermentés qui seraient habilités à pénétrer sur les parcelles pour réaliser les prélèvements des sols comme l'on contrôle la qualité de l'eau sans problème", poursuit-elle.

Aller plus loin via les services rendus par les sols

Les juristes de l'environnement aimeraient aller plus loin par une reconnaissance du sol dans sa qualité et dans ses multifonctions environnementales (habitats de la biodiversité, fonction d'entretien, biomasse, filtration d'eau, stockage de carbone…) pour renforcer sa protection. Mais la tendance actuelle, depuis la Conférence Paris Climat (COP 21), met en avant sa fonction de stockage carbone pour sauver le climat. Elle est promue par l'initiative française "4 pour 1000", soutenue par plus de 160 pays et organisations, tout en engageant les acteurs du monde agricole vers une transition agro-écologique. Une initiative bénéfique pour les sols mais qui suscite des inquiétudes. "Il serait dommage d'hiérarchiser les services des sols", juge Mme Desrousseaux."Tant que l'on restera sur une approche monofonctionnelle, les sols sont en danger", a également prévenu Claire Chenu, ambassadrice spécial des sols pour la FAO, lors de la journée technique sur les sols, organisée en mai dernier par l'Ademe.

La CCFD-Terre Solidaire craint "le risque de réduire les terres à des puits de carbone destinés à compenser les émissions de gaz à effet de serre". Un avis partagé par Solène Demonet, juriste en droit de l'environnement à la fédération d'associations France Nature Environnement (FNE) : "Aujourd'hui, comme nous sommes en post-COP 21, on met en avant le service de stockage carbone des sols mais on ne parle pas de la manière dont cela sera fait. Si c'est mal fait, renforcer le stockage carbone, c'est renforcer l'utilisation de pesticides. S'il ne fallait ne mettre qu'un service en avant ça serait l'alimentation qui dépend à 99% des sols, selon la FAO, les épuiser revient à compromettre notre capacité à nous nourrir", estime Mme Demonet. Les règles de gouvernance des projets portés par "4 pour 1000" doivent être fixées lors de la COP 22 au Maroc en novembre 2016.

FNE coordonne en France l'initiative citoyenne européenne "People 4 soil (2) " pour relancer la directive cadre européenne sur les sols, retirée en mai 2014 par la Commission européenne, après huit ans de blocage de la part des Etats. "People 4 soil" invite également la Commission à présenter une nouvelle proposition législative afin de reconnaître le sol comme patrimoine commun et assurer sa gestion durable. Une pétition sera lancée de septembre 2016 à septembre 2017 pour recueillir le nombre requis de signatures : 1 million au total, avec un nombre minimum dans au moins 7 Etats membres. "En France il nous faut récolter au moins 55.000 signatures", a indiqué Mme Demonet. La Commission se prononcera fin 2017.

"La reconnaissance des sols comme patrimoine commun de la nation dans le code de l'environnement est un premier pas très encourageant, qui si elle est confirmée dans le texte final, sera la première pierre d'un régime de protection de sols en France", espère Solène Demonet. "Notre cadre de vie est dépendant du bon fonctionnement de ce milieu, au même titre que l'air et l'eau, il est grand temps de lui conférer un statut", a-t-elle ajouté.

En France, des travaux sont également en cours, avec les professions concernées, afin de définir une stratégie nationale des sols. Elle "énoncera des mesures de suivi, de prévention et d'utilisation rationnelle et durable. Cette démarche permettra alors d'élaborer des dispositions législatives", selon Ségolène Royal.

1. Consulter le projet de loi sur la biodiversité adopté le 21 juin
http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-pdf/3833-p.pdf
2. En savoir plus sur l'initiative citoyenne européenne People 4 soil
http://www.people4soil.eu/index-fr.php

Réactions2 réactions à cet article

Si on en croit le couple Bourguignon (aussi critiquée qu'il soit) nos terres françaises ont perdu globalement 95 % de leur fertilité naturelle au grand bonheur des vendeurs d'engrais

Toutes les "petites bestioles" qui faisaient du bon boulot en fait de fertilisation des terres ont été les premières victimes de nos agricultueurs et leurs labours trop profonds , sauf ceux qui travaillaient ou se sont décidés depuis à passer au bio malgré les critiques sceptiques idiotes qui circulent tout juste dignes de la fosse .... septique.

L'avenir est à la permaculture, mais combien de nos parlementaire, voire de lecteurs ici ignorent ce qu'il y a derrière ce mot ?

Sagecol | 23 juin 2016 à 08h41 Signaler un contenu inapproprié

C'est la raison pour laquelle il faut une réglementation dans la gestion des sols...la terre reste un bien propre mais la loi doit changer..Peux-t-on rester dans la notion de "usus - abusus- fructus" dans la GESTION du sol ... Quant on voit faire commerce de la vente des pailles qui devraient rester à la terre... La terre donne le fruit mais la paille doit lui revenir...

agregat | 23 juin 2016 à 10h10 Signaler un contenu inapproprié

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