La France a connu ce printemps un sévère épisode de pollution aux particules fines, qui a conduit le Gouvernement à imposer la circulation alternée en Ile-de-France le lundi 17 mars.
Ce pic de pollution et les mesures prises pour y faire face, en pleine campagne électorale pour les municipales, ont suscité de très nombreuses réactions. Si la mise en œuvre de la mesure de circulation alternée a été plutôt une réussite, elle a aussi montré les limites des mesures d'urgence et la nécessité de prendre des mesures pérennes en matière de lutte contre la pollution de l'air.
"Le gouvernement n'est pas spectateur de la situation", avait indiqué le 11 mars le ministre de l'Ecologie. La Commission européenne a également annoncé en décembre dernier l'adoption d'un nouveau "paquet" sur la qualité de l'air. Alors peut-on dire que des mesures pérennes sont prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la pollution atmosphérique ? Ou restons-nous dépendants des caprices de la météo qui, lors des épisodes anticycloniques, révèlent le degré véritable de pollution de nos villes ?
La France en infraction
Au niveau de l'Union européenne, la Commission a préféré prendre des mesures pour que les Etats membres respectent d'ici 2020 les seuils actuels de la directive sur la qualité de l'air ambiant plutôt que de renforcer les seuils existants ou d'ajouter de nouveaux paramètres à surveiller.
Il faut dire que nombre de ces Etats sont d'ores et déjà en infraction. La France a été assignée en mai 2011 par la Commission devant la Cour de justice pour dépassement des concentrations en particules (PM10) dans l'air ambiant. Elle devrait l'être de la même manière pour le dioxyde d'azote (NO2), l'exécutif européen ayant rejeté en février 2013 une demande de report réclamée par Paris.
La stratégie de la Commission passe par ailleurs par des actions dirigées vers les sources industrielles : révision de la directive sur les plafonds d'émissions nationaux (directive NEC) et adoption d'une nouvelle directive limitant les émissions polluantes des installations de combustion de taille intermédiaire.
Retard dans la mise en œuvre du plan d'urgence
En France, face au retard pris dans la mise en œuvre du plan d'urgence de lutte contre la pollution atmosphérique annoncé par Delphine Batho en février 2013 et aiguillonné par une plainte déposée par l'association Ecologie sans frontières pour mise en danger d'autrui, Philippe Martin a établi à la mi-mars un état des lieux des mesures prises par le Gouvernement.
Sur les 38 mesures du plan d'urgence pour la qualité de l'air, 26 étaient achevées ou en passe de l'être, avait-il précisé. Parmi les mesures examinées par le Comité interministériel de la qualité de l'air (Ciqa) figurent l'identification des véhicules en fonction de leur impact sur la qualité de l'air, la charte de logistique propre en ville, le versement d'une indemnité kilométrique pour les trajets domicile/travail effectués à vélo, ou encore l'extension de la possibilité d'instaurer la circulation alternée en cas pic de pollution aux particules (PM10) ou aux oxydes d'azote (NOx).
Faisant feu de tout bois, l'ancien ministre de l'Ecologie avait également cité la baisse de la vitesse sur le périphérique parisien, les outils donnés aux collectivités locales par la loi Mapam pour améliorer la mobilité urbaine, le plan d'action pour le vélo, l'arrêté interministériel réorganisant le dispositif de gestion des pics de pollution, la mise en œuvre des plans de protection de l'atmosphère (PPA) ou encore un volet consacré à la qualité de l'air dans la loi de transition énergétique.
La difficile réduction du trafic routier et du diesel
Reste que les questions cruciales de la réduction du trafic routier et de la "dédiésélisation" du parc automobile ne sont que peu ou pas traitées. La contribution du trafic routier aux pics de pollution aux particules a été relativisée, le CNRS indiquant notamment que l'agriculture était la principale émettrice de particules en Ile-de-France suivie par le chauffage au bois et les transports. Il faut toutefois distinguer entre la pollution de fond et la pollution de proximité, rappelle Airparif. "Plus on se rapproche des axes routiers, plus la part du trafic augmente pour atteindre près de 50% à proximité directe des axes principaux", indiquait le 19 mars l'association francilienne de surveillance de la qualité de l'air.
Relayant ces travaux, Les Amis de la Terre montrent que les dépassements des seuils en particules fines sont le lot des stations situées au plus près du trafic routier. "Les mesures de diminution du trafic prises lors d'un épisode de pollution sont donc pertinentes", constatent-ils avec Airparif. Mais ces mesures d'urgence restent insuffisantes, ajoute l'ONG. Compte tenu de la pollution chronique supportée par les citadins, "la réduction progressive et permanente du trafic routier est un impératif sanitaire de premier plan", estime-t-elle.
En ce qui concerne le diesel, le Comité pour la fiscalité écologique (CFE) a préconisé en avril 2013 une réduction progressive de l'écart de fiscalité avec l'essence, le gazole bénéficiant d'avantages injustifiables. Les émissions des moteurs diesel sont en effet pointées du doigt tant dans les pics de pollution aux particules que dans ceux aux oxydes d'azote, et sont classées "cancérogènes certains" par l'OMS. Mais aucune mesure n'a été prise en ce sens, mise à part l'instauration de la contribution climat-énergie qui réduit à la marge cet écart de taxation, sans que ce soit là son objet principal.
En plein pic de pollution aux particules, le ministre de l'Ecologie Philippe Martin, ne déclarait-il pas "en aucune façon, la question de la lutte contre la pollution ne saurait se résumer à celle sur la fiscalité du diesel". Manière de dire qu'il ne s'agissait pas là d'une priorité du Gouvernement. Il n'est pas sûr que Ségolène Royal, qui a pris entre-temps les rênes du ministère de l'Ecologie, soit plus allante sur la question. L'une de ses premières interventions visait en effet à