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Actu-Environnement

''Les agriculteurs exposés aux pesticides présentent un risque accru de développer un Lymphome Folliculaire''

Dans la catégorie Santé humaine, le 6ème Prix La Recherche récompense cette année les travaux d'une équipe du centre d'immunologie de Marseille-Luminy - Inserm-U631, CNRS-UMR 6102. Ils concernent le lien entre exposition aux pesticides et un certain type de cancer du système immunitaire. Jean-Marc Navarro nous explique.

Interview  |  Risques  |    |  C. Saïsset
   
''Les agriculteurs exposés aux pesticides présentent un risque accru de développer un Lymphome Folliculaire''
Jean-Marc Navarro
Chercheur en immunologie
   
Actu-Environnement : Sur quelle cohorte d'agriculteurs exposés aux pesticides avez-vous effectué vos recherches ?
Jean-Marc Navarro :
Nous devons l'accès à cette cohorte prospective agricole exposée professionnellement aux pesticides, à Pierre Lebailly 1 où Sandrine Roulland a effectué sa thèse avant de rejoindre notre équipe. Il s'agit d'une cohorte de 750 agriculteurs, suivie depuis 1997 répondant à des questionnaires standardisés précis établis à leur domicile. Sachant qu'un Lymphome Folliculaire (LF) peut mettre vingt ans à se développer en tumeur invasive, ce long suivi épidémiologique est déterminant pour nos recherches.

AE : Qu'avez-vous analysé chez cette population ?
JMN :
Il est à noter tout d'abord, que nos récents travaux ont mis en évidence chez une grande partie de la population d'individus sains, la présence d'une translocation chromosomique qui est retrouvée chez les patients atteints de Lymphome Folliculaire, un cancer du système immunitaire. Bien heureusement, les cellules porteuses de cette anomalie sont en très faible nombre dans la grande majorité des individus. Il s'agit de lymphocytes B. Dans un lymphocyte B « sain », le gène bcl-2, impliqué dans la production d'une protéine qui inhibe la mort de la cellule, se localise sur le chromosome 18. Dans un lymphocyte B d'un Lymphome Folliculaire, ce gène est relocalisé sur le chromosome 14. Cette anomalie génétique résulte d'une « translocation » entre les chromosomes 14 et 18 ou t(14 ;18), et génère une dérégulation du gène bcl-2. En conséquence, ces lymphocytes B résistent au processus essentiel qu'est la mort cellulaire programmée. De part leur similitude aux cellules du Lymphome Folliculaire, nous avons nommées ces cellules des « FL like » (Follecular Lymphoma like, en anglais). Dans le cadre de notre étude, nous avons analysé le sang de 128 de ces personnes soumis à une exposition régulière aux pesticides. Sur une période de près de dix ans, nous avons effectué, par l'intermédiaire de nos collaborateurs du GRECAN (Groupe Régional d'Etudes sur le CANcer), des points de prélèvements sanguins, afin de quantifier le taux de ces cellules transloquées et d'en effectuer le suivi au cours du temps.

AE : Quel est le lien entre exposition aux pesticides et « translocation » 14-18 ?
JMN :
Les pesticides sont qualifiés par leurs modes d'action de génotoxiques ou mutagènes, pouvant potentiellement induire des altérations génétiques comme des cassures chromosomiques. Les études épidémiologiques et nos propres travaux ont montré qu'à des périodes corrélées à des pics d'utilisation de pesticides, le sang de ces agriculteurs présente des taux élevés en FL-Like, jusqu'à un sur mille lymphocytes. Habituellement, ce taux est bien plus faible : de un sur un million de lymphocytes. Nous avons montré que ces lymphocytes FL-Like dérivent bien souvent d'une même cellule mère : il s'agit de clones cellulaires à « vie prolongée ».

AE : Identifier un excès de lymphocytes FL-Like dans le sang suffit-il à faire le lien avec le déclenchement d'un lymphome ?
JMN :
C'est une condition nécessaire mais pas suffisante. Nous avons montré chez ces agriculteurs que les FL-Like sont non seulement plus nombreux, mais « actifs » dans le système immunitaire. Fabriquées dans la moelle osseuse, par hématopoïèse comme les autres cellules du sang, elles sont libérées dans la lymphe et atteignent les organes lymphoïdes (ganglions, rate). Là, elles vont être activées pour être capables de combattre les infections avant de reprendre leur circulation dans l'organisme pendant de longues années. A ce stade, elles peuvent subir une seconde altération génétique qui leur confère la capacité à se multiplier indéfiniment. Elles migrent alors dans les organes lymphoïdes, et déclenchent un lymphome folliculaire. Chez certains agriculteurs, nous avons montré que les FL-Like portent de telles « empreintes moléculaires » d'instabilité génomique. Nous en déduisons que les agriculteurs exposés aux pesticides présentent un risque accru de développer un Lymphome Folliculaire.

AE : Comment évaluer le risque de développer un Lymphome Folliculaire ?
JMN :
Il nous faut poursuivre le travail pour prouver le lien entre la présence accrue chez certains individus de ces FL-Like dans l'organisme et le développement du LF. Il nous faudra pour cela, trouver un biomarqueur pour suivre ces cellules dans le sang de populations d'individus identifiés « à risque » comme la population agricole. Ceci pourrait nous permettre à terme de procéder à un dépistage précoce et déterminer un traitement moins lourd qui n'éradique pas toute la famille des lymphocytes B, indispensable au bon fonctionnement du système immunitaire.

AE : Que représente pour vous le Prix La Recherche ?
JMN :
Pour notre équipe, qui n'a que cinq ans d'âge, cela représente une grande fierté. Nous remercions à ce propos les Laboratoires Servier, qui ont accepté de parrainer ce prix du magazine La Recherche. Pour notre équipe pluridisciplinaire biologie/épidémiologie/pharmacopée, cela figure comme une belle récompense, dans un paysage de spécialisation de la recherche. Et puis, une reconnaissance pour un travail d'alerte sur un problème de santé publique que représentent ces substances chimiques largement utilisées en France, premier pays consommateur de pesticides en Europe, troisième au monde. Enfin, comme tout scientifique, nous avons la modeste ambition de participer à ce type de découverte qui pourrait à terme participer à un meilleur confort de vie pour bon nombre de patients. C'est aussi cet objectif qui nous fait avancer au quotidien.

Notes

1 - Cohorte EPIBIO 97, Coordonnateur de l’étude : GRECAN, Caen

Réactions2 réactions à cet article

retour des choses et desactes ou l'effet boomran.

depuis 1945, en gros, les paysans sont devenus des entrepreneurs agricoles. Poussés par l'état, leur syndicat et les grosses boites de la chimie, ont substitués à leurs ancestrals "produit" et "pratique" les produits chimiques et les techniques modernes. Polluant leurs terres et les aliments. Maintenant, avec le temps, on s'aperçoit qu'ile en sont eux même les victimes, eux et leurs enfants. Ce n'est pas réjouissant. Alors stop ? Sauvez vos vies au moins.

oleivol | 16 décembre 2009 à 13h17 Signaler un contenu inapproprié
Bonjour

De quels types de pesticides?

vito | 18 décembre 2009 à 16h47 Signaler un contenu inapproprié

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