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Actu-Environnement

“« Effectuer des mesures pluralistes de la radioactivité, ça ne fait pas de mal ! »”

La récente polémique sur la capacité d'EDF à surveiller l'environnement des centrales a ravivé la suspicion sur le sérieux de la prise en compte du risque nucléaire en France. Depuis le début de l'ère électronucléaire française, la physicienne Monique Sené se mobilise pour que l'information sur le nucléaire s'améliore. Vice-présidente de l'Association nationale des Commissions locales d'information (ANCLI), elle revient sur cette affaire.

Interview  |  Risques  |    |  C. Saïsset
   
“« Effectuer des mesures pluralistes de la radioactivité, ça ne fait pas de mal ! »”

   
AE : L'ANCLI, dont vous êtes vice-présidente, regroupe - entre autres - les Commissions Locales d'Informations (CLI) des 19 Centres Nucléaires de Production d'électricité (CNPE) en exploitation sur le territoire français. Avant la récente alerte médiatique lancée par la fédération du Réseau « Sortir du Nucléaire », étiez-vous au courant que l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) avait suspendu l'agrément des laboratoires d'EDF depuis le 16 décembre dernier ?
Monique Sené :
L'ANCLI n'a pas été alertée de cette décision de l'ASN. Peu de temps avant la révélation du RSN, son réseau s'est activé, à la suite d'inquiétudes exprimées par la Commission Locale de Surveillance (CLS) du CNPE de Fessenheim auprès du Comité scientifique de l'ANCLI. Par l'intermédiaire du Comité de pilotage du réseau national de mesure de la radioactivité, nous savions seulement qu'EDF avait averti qu'elle ne pourrait être prête avant début février.

AE : Dans le cadre de la Convention Aarhus obligeant les Etats européens à informer ses citoyens, la France s'est engagée à mettre en place un réseau national des mesures obligatoires de radioactivité sur le territoire et dans les Dom-Tom. Où en est ce projet ?
MS :
Ce réseau a démarré jeudi dernier, le 15 janvier 2009, avec une phase de test jusqu'en juin. Tous les laboratoires impliqués dans ces obligations de mesure de la radioactivité dans le sol, l'air, l'eau, les produits agricoles, etc sont concernés : ceux d'EDF, les laboratoires départementaux, de Recherche, de la Défense, de sociétés privées, les 180 balises de Teleray de l'Institut Radiologique de la Sûreté Nucléaire (IRSN), le réseau d'alarme d'accident qui mesure en continu les émissions γ dans l'air, etc. Dans un an, le 15 janvier 2010, les résultats devraient être mis en ligne sur un site Internet accessible au public.

AE : Il existe plusieurs dizaines de laboratoires autorisés à faire des mesures de la radioactivité dans le milieu. Ce nouveau réseau implique une uniformisation des données. Comment est-elle garantie ?
MS :
Au préalable, l'IRSN - bras droit technique de l'ASN -, procédait par intercomparaisons. Aujourd'hui, la réglementation oblige d'une part que le laboratoire soit accrédité par le Comité Français pour l'Accréditation (COFRAC) et d'autre part que le protocole de mesure soit agréé par l'ASN. C'est cet agrément que les laboratoires d'EDF se sont vus suspendre, comme l'a révélé le Réseau « Sortir du Nucléaire ». EDF, qui est pour l'instant la seule à exploiter les centrales électronucléaires est contrainte de mesurer les émissions radioactives induites par le fonctionnement de chacun des 58 réacteurs nucléaires en exploitation sur le territoire : les effluents liquides entreposés dans de grands réservoirs - les bâches - avant qu'ils soient relâchés dans l'environnement, et les effluents gazeux sortant de tous les exutoires des sites (réacteurs, bâtiment de transfert des effluents, bâches, etc.). Ses résultats sont vérifiés par l'IRSN qui effectue des contrôles inopinés sur les sites électronucléaires. Et à partir de ces résultats, l'ASN s'assure que les CNPE sont en conformité avec leurs arrêtés de rejets. Actuellement, on réfléchit à améliorer cette surveillance de l'environnement. Sur le modèle des visites décennales des CNPE qui sont le moment d'inspection de tout le matériel des centrales, on pourrait effectuer tous les quatre ans un état chimique et radiologique de l'environnement autour des CNPE, et par ricochet, un état de santé de la population. Ce qui pourrait être confié à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et à l'Institut national de Veille Sanitaire (InVS).

AE : Pourquoi EDF s'est vue retirer et suspendre les agréments de ses laboratoires ?
MS :
Lors de son passage devant la Commission d'agrément, il a été demandé à EDF de moderniser ses appareils de telle sorte qu'ils soient adaptés à la mesure du tritium liquide et gazeux. Tous les CNPE sont soumis à l'obligation de mesure des émissions radioactives βtotaux, et de mesure du tritium dans les effluents liquides et dans les rejets aériens. Un récent colloque a d'ailleurs été dédié à cet élément radioactif considéré comme sans effet sur la santé jusqu'à présent ; mais des résultats récents (anglais et canadiens) contredisent ce bel optimisme. EDF peut continuer ses autres mesures réglementaires : γ, mesures dans l'environnement… Mais pour les mesures précédemment nommées, elle avait jusqu'au 31 décembre dernier pour se mettre en conformité. Le laboratoire de la Commission indépendante de recherche et d'information sur la radioactivité (Criirad) avait également jusqu'à cette date pour se mettre en conformité pour d'une part la mesure de la radioactivité γ de plus de 100 keV (émis par l'uranium, le thorium, ou encore les radium 226 et 228 et leurs descendants) dans les végétaux, le lait, la faune, la flore, etc. Et d'autre part pour la mesure de la radioactivité γ de moins de 100 keV (mesures ambiantes) et des gaz halogénés (iode). La Criirad, née après la catastrophe de Tchernobyl, est la seule association du réseau national de mesure. La dernière liste des laboratoires mise en ligne sur le site ASN datant de janvier 2008 ne permet pas de conclure que tous les laboratoires faisant des mesures tritium ont obtenu leur agrément… Et il n'y a pas que les mesures tritium…

AE : En tant que représentante du collège des CLI au sein du Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), vous avez présidé le groupe de travail mis en place pour répondre à la saisine de Jean-Louis Borloo, ministre de l'EEDDAT, à la suite de l'incident survenu le 7 juillet 2008 sur le site de l'usine SOCATRI (groupe Areva). Aux vues de ses conclusions, que vous inspire ce récent événement ?
MS :
L'avis du HCTISN sur le suivi radioécologique des eaux autour des installations nucléaires et sur la gestion des anciens sites d'entreposage de déchets radioactifs a été remis le 6 novembre dernier. Il formule 18 recommandations pour améliorer l'information, la transparence et la concertation. L'affaire sur l'agrément d'EDF montre qu'il en manque une 19ème : améliorer la communication ! Les CLI ont été instituées par un décret du 12 mars 2008. Ces instances de concertation sont submergées d'information de tout genre et attendent encore les budgets de fonctionnement qui leur ont été promis. EDF (ou l'ASN) aurait pu les avertir de ce non agrément, ça aurait évité qu'elles soient submergées d'appels inquiets. Elle aurait pu dire qu'elle ne pourrait plus faire les mesures en question pendant quelques semaines. Et accompagner l'information d'une explication rassurante, précisant que pendant ce laps de temps, elle allait sous-traiter au privé. Effectuer des mesures pluralistes de la radioactivité, ça ne fait pas de mal !

AE : Cette décision de l'ASN vous a-t-elle surpris ?
MS :
Par cette décision, je comprends que l'ASN entend obliger EDF à agir. En novembre dernier, l'ASN a aussi mis en demeure EDF de mettre en conformité au risque d'explosion dans un délai d'un mois les circuits secondaires de chacun des 58 réacteurs. Les circuits de transport de l'hydrogène, explosif et inflammable, sont mal balisés. Ce qui est d'autant plus gênant quand interviennent des prestataires privés. Certaines canalisations de différents fluides présentent des signes de corrosion. Et ça, c'est plus grave ! Pas par rapport au fonctionnement du réacteur : les barres de contrôles auront sans doute le temps de tomber. Mais il y a un grand risque d'accident de personnes ! Lors d'un incident (arrêt pour rechargement de combustible) au CNPE du Tricastin en juillet 2008, des salariés d'EDF ont été légèrement contaminés, mais aussi trois agents de l'ASN !

AE : Souvent, on vous taxe d'anti-nucléaire. Qu'en pensez-vous ?
MS :
C'est tellement fréquent, en effet… Mais ça m'est bien égal. Je sais pourquoi : je pose des questions ! Or l'interrogation, c'est le devoir du citoyen. Ce n'est pas parce que nous avons un Parlement et un Sénat qu'on n'a rien à faire ! Il faut pouvoir répondre aussi, et pas dans les trois jours. La démocratie, ça demande du temps. Par exemple, cinq mois pour que les quelque 3000 communes sollicitées par l'Agence nationale de la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) se prononcent pour recevoir un centre de stockage de déchets…, c'est court. Et la démocratie, ça demande aussi de la proximité. Actuellement, un député du Nord préside le Comité Local d'Information et de Suivi (CLIS) du laboratoire de Bure, très probable site d'enfouissement des déchets nucléaires hautement radioactifs, alors que Bure se trouve dans le sud de la Meuse, à la frontière avec la Haute-Marne. Est-ce bien raisonnable ? La démocratie, c'est de répondre à ses administrés.



La liste actualisée des laboratoires agréés pour les mesures réglementaires de la radioactivité dans l'environnement se trouve non plus sur le site de l'ASN, mais sur celui du réseau national de mesures de la radioactivité :
http://www.mesure-radioactivite.fr/

Dans un communiqué, ''Le laboratoire de la CRIIRAD tient à préciser qu'il dispose de tous les agréments qu'il a demandés dans le domaine de la mesure de la radioactivité dans l'environnement :
1 / Les eaux : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV (agrément valable jusqu'au 31/12/2009) et tritium (agrément valable jusqu'au 28/04/2009)
2 / Les sols : émetteurs gamma d'énergie supérieure à 100 keV, uranium etdescendants, thorium et descendants, Ra 226 et descendants, Ra 228 et descendants (agrément valable jusqu'au 31/12/2009)
3 / Les matrices biologiques : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV (agrément valable jusqu'au 11/09/2009)
4 / Les matrices gaz : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV et gaz halogénés (agrément valable jusqu'au 31/12/2009).
En outre, le laboratoire de la CRIIRAD est agréé pour la mesure du radon dans les lieux ouverts au public (niveaux 1 et 2 ; validité jusqu'au 15 septembre 2011).

Précisons par ailleurs que l'obligation de disposer d'un agrément formel ne s'impose que pour les mesures de radioactivité de l'environnement réalisées dans le cadre de prescriptions réglementaires. Or l'essentiel des mesures et expertises réalisées par le laboratoire de la CRIIRAD s'effectuent hors de ce contexte. Elles ont d'ailleurs le plus souvent pour objet de compléter les dispositifs de surveillance réglementaire et de pallier à leurs défaillances.''

Réactions8 réactions à cet article

Merci

Merci à Actu-Environnement pour cette interview fort intéressante, même si je reste sur l'envie de poser pleins de questions à Mme Sené, pour éclaircir certains points.


Entre autres choses, l'interview montre bien les relations complexes entre les différents acteurs, et qu'on peut aborder ces questions sans invectives, avec envie de travailler tous ensemble, ... comme on doit s'y attendre en démocratie.

Christian | 21 janvier 2009 à 14h21 Signaler un contenu inapproprié
Communication

En effet, il y a un sérieux manque de communication.
Ces aspects de la question nucléaire sont rarement mis au jour, même ces acteurs "de l'ombre" sont méconnu. C'est une lacune dans le débat...

Jérémie | 22 janvier 2009 à 11h16 Signaler un contenu inapproprié
Submergé d'information !!!

Ben oui, l'avalanche d'information est un frein puissant, et il faut beaucoup d'expérience pour, comme on le voit dans l'interview, trier ce qui mérite grande attention et ce qui en mérite moins. Il y a un très gros effort de formation et de vulgarisation à faire. On soupçonne souvent le "sachant" qui estime que tel ou tel point est d'importance moindre d'être pronucléaire "ce qui apparaît souvent comme une tare". On pourra se référer aux prises de positions formulées lors de l'incident de Tricastin. Chacun comprend aussi que les associations, profitent de tels incidents pour valoriser leur savoir faire.

RobertVnt | 22 janvier 2009 à 11h53 Signaler un contenu inapproprié
La CRIRAD est-elle agrée ?

La lecture de l'article mentionne la CRIRAD. Je n'ai pas compris si la CRIRAD est agrée (ou pas encore) pour effectuer des mesures de radioactivité dans l'environnement..

RobertVnt | 22 janvier 2009 à 11h59 Signaler un contenu inapproprié
Re:Merci

Oui Merci de l'interview. L'information sur le nucléaire n'est pas toujours floue, il suffit de la chercher un peu sur internet. Mais il faut bien le reconnaitre, les 3/4 de l'information sur le nucléaire sont protégées.
Je me demande malgré tout si il serait opportun de signaler tout accident d'une centrale (thermique ou nucléaire). Cela ne créerait-il pas des panique inutiles?? Le juste milieu doit être trouvé, y est-on?

Kent | 22 janvier 2009 à 12h29 Signaler un contenu inapproprié
Trop d'info...

Pire que la panique, serait l'indifférence (la lassitude)...
Comment justifier une abondance d'incidents suffisante à créer la panique, dans une industrie prétendue parfaitement maitrisée ?

Jérémie | 22 janvier 2009 à 12h49 Signaler un contenu inapproprié
Re:La CRIRAD est-elle agrée ?

Oui voir mise à jour de la liste des laboratoires agréés sur site : www.mesure-radioactivite.fr/media/document/liste_agrement_010109.pdf

Jo | 22 janvier 2009 à 22h32 Signaler un contenu inapproprié
Réponse de la rédaction

La liste actualisée des laboratoires agréés pour les mesures réglementaires de la radioactivité dans l'environnement se trouve non plus sur le site de l'ASN, mais sur celui du réseau national de mesures de la radioactivité :
http://www.mesure-radioactivite.fr/

Dans un communiqué, " Le laboratoire de la CRIIRAD tient à préciser qu'il dispose de tous les agréments qu'il a demandés dans le domaine de la mesure de la radioactivité dans l'environnement :
1 / Les eaux : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV (agrément valable jusqu'au 31/12/2009) et tritium (agrément valable jusqu'au 28/04/2009)
2 / Les sols : émetteurs gamma d'énergie supérieure à 100 keV, uranium etdescendants, thorium et descendants, Ra 226 et descendants, Ra 228 et descendants (agrément valable jusqu'au 31/12/2009)
3 / Les matrices biologiques : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV (agrément valable jusqu'au 11/09/2009)
4 / Les matrices gaz : émetteurs gamma d'énergie inférieure à 100 keV et d'énergie supérieure à 100 keV et gaz halogénés (agrément valable jusqu'au 31/12/2009).
En outre, le laboratoire de la CRIIRAD est agréé pour la mesure du radon dans les lieux ouverts au public (niveaux 1 et 2 ; validité jusqu'au 15 septembre 2011).

Précisons par ailleurs que l’obligation de disposer d’un agrément formel ne s’impose que pour les mesures de radioactivité de l’environnement réalisées dans le cadre de prescriptions réglementaires. Or l’essentiel des mesures et expertises réalisées par le laboratoire de la CRIIRAD s’effectuent hors de ce contexte. Elles ont d’ailleurs le plus souvent pour objet de compléter les dispositifs de surveillance réglementaire et de pallier à leurs défaillances."

La rédaction

La Rédaction | 23 janvier 2009 à 17h10 Signaler un contenu inapproprié

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