Fin juillet, l'Autorité environnementale (Ae) a rendu public son avis (1) sur la demande de modification du décret d'autorisation de création de l'Installation nucléaire de base (INB) du Blayais (Gironde) pour les tranches 3 et 4, en vue d'y introduire du combustible appelé mélange d'oxydes (Mox) (2) .
Faire un bilan de l'usage du Mox en France
Un enjeu économique
L'Ae souligne clairement les enjeux liés au Mox pour EDF.
En premier lieu, le Mox permet d'utiliser de l'uranium naturel, voire de l'uranium appauvri, un déchet de la production de l'uranium enrichi ou un résidu des barres de combustible usagé, en place de l'uranium enrichi. Ensuite, le Mox permet d'utiliser du plutonium issus de l'irradiation de l'uranium dans les réacteurs nucléaires et isolés lors du traitement des combustibles nucléaires usagés.
Or, s'agissant du plutonium, l'Ae souligne qu'il est "le principal responsable de la radiotoxicité du combustible usé" et qu'il "ne trouve d'utilisation que dans le combustible Mox ou dans les usages militaires." L'Ae cite par ailleurs le rapport parlementaire de Christian Bataille et Robert Galey sur l'aval du cycle nucléaire qui souligne que "la poursuite de cette introduction [de Mox dans les réacteurs français] conditionne l'équilibre économique de l'aval du cycle" du combustible.
Afin de répondre à ces enjeux, l'Ae recommande donc de réaliser un état des lieux de la stratégie de "moxage" des réacteurs français. Ce bilan de l'usage du Mox dans les réacteurs français devrait inclure "une appréciation de ses impacts environnementaux en terme tant de rejets liquides et gazeux que de contribution à la fermeture du cycle du combustible et de gestion du plutonium." En effet, "l'Ae estime que le présent projet s'inscrit dans la logique d'un programme au sens de l'article R.122-3 IV" et, à ce titre, "l'étude d'impact devrait comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme."
Des conclusions contradictoires
En introduction, l'Ae rappelle que la centrale du Blayais "prélève et rejette d'importantes quantités d'eau dans l'estuaire de la Gironde qui est un milieu très spécifique, complexe, en cours d'évolution dans un sens a priori peu favorable, chimiquement mais sans doute aussi écologiquement (faune piscicole)." Par ailleurs, l'estuaire est concerné par des mesures de protection de l'environnement (4) .
S'agissant de l'étude d'impact, l'Autorité relève qu'elle "conclut à un impact faible." Or le même document "met aussi en évidence des incertitudes importantes concernant les impacts globaux [de la centrale] sur le milieu estuarien, après comme avant 'moxage'." Pourtant, l'évaluation de l'impact de la centrale sur la faune piscicole de l'estuaire constitue "un enjeu majeur", selon l'Ae.
Par ailleurs, il semblerait que l'étude ne présente pas clairement les enjeux posés par l'usage du Mox dans les deux réacteurs. "Juridiquement cette évaluation environnementale ne porte que sur les effets du 'moxage' des réacteurs 3 et 4, mais dans les faits elle se présente comme une actualisation, pour l'ensemble du site du Blayais, de l'étude d'impact de la fin des années 1970", souligne l'Ae.
Trois enjeux primordiaux
Par ailleurs, au-delà des remarques générales sur l'étude d'impact, le document de l'Autorité insiste sur "trois enjeux qui lui paraissent primordiaux." Il s'agit des impacts sur la santé, de ceux sur l'estuaire de la Gironde et de la prévention des risques accidentels.
En matière de santé, "l'Ae a noté la nécessité de clarifier la présentation des impacts possibles, et recommande de compléter les informations relatives aux impacts du tritium."
S'agissant de l'estuaire de la Gironde, "l'enjeu réside dans l'amélioration des équilibres écologiques estuariens, en particulier de la faune piscicole."
Quant au risque accidentel, l'Ae juge que faute d'une validation par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) du scénario présenté par EDF, elle "n'est pas en mesure de donner un avis sur les impacts environnementaux liés au risque accidentel présenté par EDF comme majorant." Par ailleurs, l'Autorité préconise que "les données correspondantes sur cet accident majorant et ses impacts potentiels soient rendues publiques, dès validation par l'ASN" et que "soit davantage explicité dans le dossier le rôle des risques d'origine naturelle (sismicité, inondations, évènement climatique extrême, ..) propres à ce milieu."
Compléter et rendre lisible le dossier
Au-delà de la demande de l'Ae en matière d'évaluation de la stratégie de "moxage" des réacteurs français, l'AE émet deux préconisations centrées sur le contenu du dossier déposé par EDF.
En premier lieu, elle recommande d'apporter des précisions techniques au dossier présenté par EDF. L'Ae souhaite ainsi que l'étude d'impact et l'étude de maîtrise des risques soient complétées par une série d'analyses des impacts possibles et des mesures prises pour les éviter atténuer ou compenser. Il s'agit des rejets liés à l'opération (tritium, carbone 14 et hydrazine), du détail de la contribution d'EDF à l'atteinte des objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), à savoir le retour au bon état écologique en 2015 et au bon état chimique en 2027, et de présenter un programme de mesures concrètes de limitation des impacts des pompages de la centrale sur les civelles. Cependant, les précisions demandées par l'Autorité ne s'arrêtent pas là et concernent aussi trois autres points du dossier. L'Ae demande ainsi de revoir l'évaluation des incidences sur le réseau Natura 2000, de compléter la présentation du traitement des déchets radioactifs et de reprendre les résumés non techniques de l'étude d'impact et de l'étude de maîtrise des risques afin qu'ils soient plus précis et exhaustifs.
Enfin l'Ae recommande d'améliorer la lisibilité du dossier. "L'Ae constate que le dossier actuel est assez difficile à lire, tant par sa longueur et son organisation générale (renvoi de parties essentielles dans des annexes) que par sa rédaction", regrette l'Autorité, préconisant ", pour faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions, de prendre tous moyens pour en faciliter l'accès et la compréhension."