La Poste vise la neutralité carbone pour ses services postaux. Ainsi, à compter du 1er mars prochain, l'ensemble des courriers et colis gérés par le groupe affichera zéro émission. Le service Express à destination de l'Allemagne, du Benelux et du Royaume-Uni emboîtera le pas de la neutralité carbone en juillet prochain et à partir de 2013 pour les autres destinations d'Europe. Comment La Poste compte-t-elle atteindre ces objectifs ? En visant une réduction de 20 % de ses émissions de CO2 d'ici 2015 (par rapport à 2008) et en compensant le restant de ses émissions.
La neutralité carbone : "une évidence stratégique"
Les services postaux du groupe ont émis 1,3 millions de tonnes de CO2 en 2010. Globalement, le transport représente les trois quarts de ces émissions (960 millions de kilomètres parcourus par les véhicules du groupe chaque année), soit près de 1 % des émissions françaises totales liées au transport. "Nous avons la flotte de véhicule la plus étendue du pays, le plus gros parc immobilier (25.000 bâtiments) à l'exception du parc de l'Etat et probablement l'un des systèmes informatiques les plus importants. La Poste est un acteur important, sa responsabilité climatique est proportionnelle à sa taille'', explique le président du groupe, Jean-Paul Bailly, ajoutant : "Nous voulons être un service public contemporain". Mais cette démarche est également "une évidence stratégique", selon Nicolas Routier, directeur général adjoint de La Poste, directeur général du courrier et président de Sofipost. Face à la libéralisation des services postaux et la perte du monopole historique, le groupe doit séduire ses clients. "Alors que nos concurrents déploient des gammes vertes plus chères, La Poste fait le choix de la neutralité carbone sans surcoût pour les clients pour l'ensemble de ses services postaux", souligne Jean-Paul Bailly.
La Poste a conçu un éco-calculateur, vérifié par le Bureau Véritas, afin de mesurer de manière précise l'impact de chaque produit. Déjà utilisé par le service commercial du groupe, cet outil sera mis à disposition du public en mai prochain. Un tel outil existe déjà pour le colis et compare les impacts environnementaux de l'achat sur Internet et de l'achat en magasin : "Effectuer un achat sur Internet plutôt qu'en magasin permet de diviser en moyenne par 4 les émissions de CO2 dues aux transports". Un argument de taille pour le e-commerce qui représente une large source d'activité pour le groupe…
Polémique autour de la réduction des émissions du groupe
Pour réduire ses émissions de 20 % d'ici 2015, La Poste a déployé un programme ambitieux dans les transports, les bâtiments mais aussi l'éco-conception de ses offres. Ainsi, le groupe a prévu d'acheter 10.000 véhicules électriques d'ici 2015 (dont 1.600 en 2012) et de remplacer progressivement ses deux roues motorisés par des vélos à assistance électrique et des quads électriques. Le groupe a également formé 60.000 facteurs à l'éco-conduite, ce qui a permis de réaliser une baisse de consommation de carburant de 5 à 7 %. Pour les bâtiments, La Poste compte réduire ses émissions "grâce à un parc justement dimensionné, à la prise en compte des standards environnementaux de construction les plus performants (HQE et BBC) et à un programme de rénovation du parc existant". Enfin, La Poste a lancé la Lettre verte et un Colissimo à emballage éco-conçu et compte, pour ses services Express, optimiser ses tournées et améliorer techniquement ses véhicules motorisés.
Mais le syndicat Sud-PTT, dans un communiqué, dénonce de son côté les transferts d'impact liés à la politique de réduction des émissions de La Poste : "40 plateformes industrielles du courrier construites à proximité des nœuds routiers ont remplacé 120 centres de tri le plus souvent installés près des gares. Des centaines de bureaux distributeurs ont été fermés et regroupés. Bilan de tout cela : toujours plus de route, de transport et de trajet pour se rendre sur son lieu de travail pour de nombreux postiers et postières. En réalité La Poste a totalement reporté ses économies d'émissions de gaz à effet de serre sur le personnel qui, lui, est contraint de plus en plus à utiliser son véhicule personnel".
Le premier projet domestique sur une flotte de véhicules électriques
Les projets domestiques en bref
La mise en œuvre conjointe (MOC) est un des mécanismes de flexibilité prévu dans le cadre du protocole de Kyoto. Il permet aux pays développés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en procédant à des échanges de crédits carbone. En s'appuyant sur ce mécanisme, la France a lancé en 2006 le mécanisme des "projets domestiques". L'objectif est de stimuler les réductions d'émissions de GES dans des secteurs d'activités non couverts par le système ETS. L'Etat délivre alors aux développeurs de projet des crédits carbone issus de son stock.
Le deuxième projet de compensation est porté par le fonds Livehoods, créé en 2011 par Danone, le Crédit Agricole, Schneider Electric et CDC Climat. Il s'agit d'un projet de restauration de la mangrove en Casamance (Sénégal) avec 7.450 hectares replantés, soit 925.000 tonnes équivalents CO2. Un troisième projet devra être sélectionné par les postiers d'ici avril : cinq programmes de solidarité climatique leur seront présentés (centrale hydroélectrique en Indonésie, substitution de foyers de cuisson au Mali…). Enfin, La Poste compte déployer, avec la CDC Climat, un programme dans les DOM "où aucun projet de compensation n'existe pour l'instant''.