Assurer la fertilisation des sols, respecter la directive européenne Nitrates et améliorer l'autonomie des exploitations. Tels sont les principaux objectifs du Plan d'action (1) relatif à une meilleure utilisation de l'azote en agriculture rendu public par le ministère de l'Agriculture le 30 octobre.
L'utilisation de l'azote en France est trop importante et génère des problèmes environnementaux, compte tenu des pertes dans les sols et les eaux (sous forme de nitrates) et dans l'air (sous forme d'ammoniac). Parallèlement, les zones d'élevage intensif sont excédentaires en azote d'origine organique provenant des effluents d'élevage, alors que simultanément le recours à l'azote minéral produit à partir de gaz naturel reste important. C'est à partir de ce constat que le plan propose des gains environnementaux et économiques, notamment grâce à une rationalisation de la fertilisation et au recyclage des effluents d'élevage par méthanisation.
Le plan proposé fixe quatre grands objectifs : doubler le rythme actuel de 1,5% par an de baisse des utilisations d'azote minéral, réduire de 10% les pertes d'ammoniac, augmenter de 50% les volumes de fertilisants organiques azotés commercialisés (dont la moitié sous forme de digestats de méthanisation homologués) et réduire de près de 25% les pertes sous forme de nitrates.
Un système inefficient
Du côté de l'utilisation de l'azote, le document constate que quelque 2 millions de tonnes d'engrais azotés, obtenus à partir d'énergie fossile et vendus majoritairement sous forme d'ammonitrates, sont répandues en France chaque année. L'Hexagone produit 45% de cet azote minéral et en importe 35% des pays membres de l'Union européenne et 20% des pays tiers. Parallèlement, l'épandage des effluents d'élevage est estimé à environ 1,7 million de tonnes par an.
Cependant, les pertes sont particulièrement importantes : sur ce total d'environ 3,7 millions de tonnes, 900.000 tonnes disparaissent sous forme de nitrates dans les sols et les eaux de surface ou souterraines et 600.000 tonnes sont perdues dans l'air sous forme d'ammoniac. Si les pertes en nitrates proviennent à parts égales de l'azote minéral ou organique, "les pertes par volatilisation proviennent à 80% de l'azote organique".
Ces pertes expliquent en grande partie les problèmes de conformité que rencontre la France par rapport à la directive Nitrates. Concernant l'ammoniac, si la conformité à la directive relative au plafonnement des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (dite directive NEC) ne pose pas aujourd'hui de soucis, le rapport souligne néanmoins qu'elle doit être renégociée en 2013 et que "les plafonds pourraient être fortement abaissés".
Le rapport estime qu'une "réduction des pertes, qui passe à la fois par la diminution des quantités d'azote minéral utilisées et par une meilleure utilisation de l'azote organique, constitue un objectif essentiel".
ICPE ; abandonner les plans d'épandage ?
La rapport identifie des "freins" relatifs à la gestion des plans d'épandage et des "incertitudes" quant aux conditions d'agrandissement des exploitations en zone d'excédent nitrates.
Pour les élevages soumis à autorisation, les modifications substantielles des plans d'épandage nécessitent une nouvelle enquête publique. "Cette procédure est lourde et conduit les pétitionnaires à sur-dimensionner leur plan d'épandage", explique le rapport, jugeant qu'"il est donc souhaitable de ne pas faire repasser en enquête publique les mises à jour des plans d'épandage". Plus généralement, le document suggère de "s'interroger (…) sur la pertinence du plan d'épandage lui-même".
Le rapport suggère de "simplifier, voire remplacer par un dispositif moins lourd et plus efficace" la procédure du plan d'épandage. Les plans d'épandage pourraient alors être remplacés par un système de plafond individuel basé sur les apports d'azote historiques.
Premier point positif pour réaliser la transition de l'usage de l'azote minéral vers l'azote organique : la consommation d'azote minéral recule en France depuis 1990. "En 20 ans, [les utilisations d'engrais azotés] ont chuté de 24% alors que la production agricole augmentait de 30%", relèvent les auteurs du rapport, expliquant que "cette évolution favorable est imputable au développement de la fertilisation raisonnée, encouragée par le découplage des aides de la PAC et le renchérissement du prix des engrais minéraux, qui est lié à celui des énergies fossiles et qui a augmenté plus vite que celui des céréales".
Parallèlement, la production d'effluents d'élevage se stabilise sous l'effet des dispositions réglementaires prises en application de la directive Nitrates. Concrètement, le rapport pointe surtout les plans de fumures prévisionnels qui ont permis de stabiliser la production d'effluents d'élevage en la limitant aux besoins des cultures dans les zones vulnérables.
Pour aller plus loin, le rapport suggère un plan d'action visant à réduire le recours à l'azote grâce aux outils d'aide à la décision dédiés à la fertilisation de précision et à de nouvelles plantes économes en azote, à la relance des légumineuses dans les rotations culturales ainsi qu'à la valorisation des effluents d'élevage, notamment par le biais de la méthanisation. Le plan suggère aussi une "levée des freins réglementaires à l'utilisation d'azote organique" (voir encadré).
Les mesures proposées pourraient être financées par "une redevance pollution sur l'azote minéral qui pourrait être de l'ordre de 30 euros par tonne d'engrais azoté, ce qui générerait un produit annuel de 60 millions d'euros".