Interpelée à l'Assemblée nationale le 23 juillet par Paul Giacobbi, député de Haute-Corse (Radical, républicain, démocrate et progressiste) sur les conclusions d'une étude (1) faisant le lien entre nuage de Tchernobyl et cancers de la thyroïde en Corse, la ministre de la Santé Marisol Touraine (2) a déclaré : "Les évidences scientifiques restent encore aujourd'hui complexes à établir. (…) Les nombreuses études scientifiques réalisées montrent que depuis une trentaine d'années on assiste dans l'ensemble des pays développés à une augmentation du nombre de personnes atteintes par des cancers de la thyroïde. L'étude italienne ne permet pas aujourd'hui d'établir un lien de cause à effet plus direct entre le nuage de Tchernobyl et le développement de ces cancers", ajoutant un peu plus tard : "L'INVS (sic) considère que la méthodologie adoptée ne nous permet pas d'avancer".
Des limites majeures, selon l'IRSN
Au lendemain de ces déclarations, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) publie un avis (3) sur cette fameuse étude publiée par un groupe italien début juillet, sur commande de la collectivité territoriale de Corse.
"Des analyses antérieures indiquent que la Corse est parmi les territoires français les plus impactés par les retombées de l'accident de Tchernobyl (rapport IRSN de 2002). Par ailleurs, l'incidence des cancers de la thyroïde en Corse semble être parmi les plus élevés de France (rapports InVS de 2006 et 2012). La demande d'une analyse plus fine des conséquences sanitaires potentielles de l'accident de Tchernobyl par la population Corse est donc compréhensible", indique en préambule l'institut.
Cependant, il pointe du doigt des limites majeures dans les trois études réalisées, aussi bien sur les données utilisées, la réalisation des études elles-mêmes, l'analyse statistique et l'interprétation des résultats.
"Par rapport à notre expérience, la réalisation de telles études dans un délai aussi court ne peut permettre le degré de qualité nécessaire à de bonnes études épidémiologiques. Si l'idée de l'utilisation des archives des médecins de l'île est intéressante et aurait pu répondre à l'absence de système de surveillance dans les années 1980, l'utilisation de ces données aurait nécessité un protocole mieux établi, sur une base plus exhaustive, et avec des méthodes d'analyse mieux adaptées", souligne l'IRSN.