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Actu-Environnement

Nucléaire : EDF sous-estime vraisemblablement les coûts du démantèlement

Les coûts de démantèlement du parc nucléaire français sont vraisemblablement sous-estimés, conclut un rapport parlementaire, notamment parce qu'ils sont incomplets. De même, les hypothèses techniques retenues par EDF sont optimistes.

Risques  |    |  P. Collet

Les coûts de démantèlement calculés par EDF font apparaître "une sous-évaluation vraisemblable". "Les hypothèses optimistes sur lesquelles EDF a bâti ses prévisions, de même qu'un certain nombre de dépenses lourdes négligées, conduisent à s'interroger sur la validité des prévisions, d'autant que dans le même temps, certaines charges semblent sous-évaluées". Telle est l'une des principales conclusions d'un rapport d'information (1) de l'Assemblée nationale présenté ce mercredi 1er février en commission du développement durable. L'enjeu n'est pas anodin, car si EDF ne peut faire face à ces coûts, le contribuable devra les financer, rappelle la rapporteure Barbara Romagnan (Doubs, Socialiste) qui s'interroge sur le rôle de l'Etat actionnaire.

Au-delà des coûts, les députés s'inquiètent de l'absence de visibilité. "Est-ce qu'on peut considérer que la France a une stratégie de démantèlement ?", interroge Julien Aubert (Vaucluse, Les Républicains). Le président de la mission répond par la négative : "On est en marche sans réfléchir". A ce stade, "EDF parie sur le prolongement de la durée de vie des réacteurs", explique Barbara Romagnan, ajoutant que "ce pari est d'autant plus audacieux qu'EDF n'a pas eu l'aval de l'Autorité de sûreté nucléaire".

Les comptes d'EDF sont-ils sincères ?

Les "conclusions [de la mission] tempèrent fortement l'optimisme des responsables d'EDF", explique le rapport. Aujourd'hui, EDF évalue à 75,5 milliards d'euros le démantèlement de ses réacteurs de première et deuxième génération. Cette somme devrait être décaissée sur plus de 80 ans, les opérations ne devant pas être achevées avant la fin du siècle. Pour couvrir ces charges futures, EDF a provisionné 36,1 milliards d'euros, dont 23,5 milliards sont effectivement couverts par des actifs dédiés. Selon le rapport, si ces coûts sont sous-évalués, c'est notamment parce qu'ils ne tiennent pas compte de la remise en état des sols, de l'évacuation des combustibles usés stockés sur les sites, des taxes et assurances, ainsi que du coût social de la fermeture des sites. S'agissant des taxes, l'Etat pourrait y renoncer, suggère Julien Aubert. Quant au taux d'actualisation (2) de 4,4%, il est "trop optimiste au regard de la situation financière actuelle". Dernier argument des députés : "Les démantèlements étrangers sont tous plus onéreux".

Si les douze membres de la mission parlementaire (3) partagent ces conclusions, son président tient à se démarquer de certaines expressions employées dans le rapport. "La filière nucléaire est en crise", il faut donc faire attention aux termes employés, alerte Julien Aubert. Alors que le document explique que "la sous-évaluation des charges brutes constatée (…) conduit mathématiquement à une sous-évaluation du niveau des provisions", il a tenu à faire inscrire noir sur blanc "son désaccord avec la tonalité générale" de cette partie du rapport. La mission "ne doit pas laisser à penser que les comptes de l'électricien sont insincères", explique-t-il, ajoutant qu'"une telle interprétation erronée ferait courir un risque injustifié à la valorisation de l'entreprise".

Le député ne l'évoque pas, mais c'est aussi sur cet aspect que EDF et Greenpeace s'affrontent sur le terrain judiciaire après que l'ONG ait publié un rapport remettant en cause la sincérité des provisions de l'entreprise. Pour sa défense, EDF indique que "les provisions pour déconstruction du parc en exploitation ont fait l'objet d'un audit commandité par le ministère de l'Environnement", précisant que "le ministère a conclu que l'audit (…) conforte globalement l'estimation faite par EDF".

Etaler le démantèlement dans le temps

Plus fondamentalement, les députés remettent en cause les hypothèses de base d'EDF. La mission critique en particulier la stratégie de mutualisation des coûts. EDF compte réduire les coûts de démantèlement en affectant certains d'entre eux aux réacteurs qu'il souhaite construire sur les sites pour remplacer les unités fermées. Il s'agit, par exemple, du gardiennage du site ou de l'utilisation de certains équipements et matériels de chantier. "Ce n'est pas le plus vraisemblable au regard de la loi de transition énergétique (…) et de la puissance toujours plus importante des nouveaux réacteurs", jugent les parlementaires.

De même, l'effet d'échelle "semble globalement apprécié de manière trop optimiste". En cause, la rotation des sous-traitants. EDF fait partie des plus optimistes lorsqu'il évalue à 40% le gain possible des effets d'échelle, explique Julien Aubert, ajoutant que pour leur part les pessimistes les évaluent à 10%.

Enfin, le démantèlement prendra plus de temps que prévu, explique le rapport qui se base notamment sur le report à 2100 du démantèlement des centrales de première génération. "La tentation sera donc grande pour l'électricien d'étaler le démantèlement dans le temps pour compenser la faiblesse des provisions", conclut la mission.

1. Télécharger le rapport parlementaire sur faisabilité technique et financière du<br />démantèlement des installations nucléaires
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-28383-rapport-faisabilite-technique-financiere-demantelement-INB.pdf
2. Il s'agit du taux retenu pour évaluer la somme correspondant aux dépenses futures. Plus le taux est élevé, moins sa valeur actuelle des dépenses futures est importante.3. Il s'agit de Julien Aubert (Vaucluse, Les Républicains), Guy Bailliart (Calvados, Socialiste), Patrice Carvalho (Oise, Gauche démocrate et républicaine), Stéphane Demilly (Somme, UDI), Jean-Marc Fournel (Meurthe-et-Moselle, Socialiste), Jacques Krabal (Aisne, Radical), Marie Le Vern (Seine-Maritime, Socialiste), Gérard Menuel (Aube, Les Républicains), Philippe Plisson (Gironde, Socialiste), Catherine Quéré (Charente-Maritime, Socialiste), Barbara Romagnan (Doubs, Socialiste) et Jean-Pierre Vigier (Haute-Loire, Les Républicains).

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