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Actu-Environnement

L'océan moins efficace pour absorber le CO2 émis par les activités humaines

Avec le changement climatique l'océan Indien Austral est soumis à des vents plus forts qui brassent les eaux et entraînent une remontée du CO2 contenu dans le phytoplancton des profondeurs. Conséquence : une absorption de CO2 atmosphérique en baisse.

Gouvernance  |    |  A. Sinaï
Battues par des vents de plus en plus violents, les eaux de surface de l'océan Austral se mélangent avec les eaux profondes, et cette agitation fait ressurgir vers la surface le phytoplancton marin tapi dans les profondeurs.
Le phytoplancton, cet ensemble d'organismes végétaux et d'algues vivant en suspension dans l'eau, pompe et fixe ordinairement le CO2 par l'activité de photosynthèse. C'est grâce au cycle de la photosynthèse sous-marine qu'une grande partie du surplus de carbone dégagé par les activités humaines est absorbée par les océans. C'est ainsi que le réchauffement est atténué par les océans et les écosystèmes continentaux, capables de séquestrer naturellement une grande partie des excédents de CO2. Les océans sont le principal puits de carbone de la planète, c'est-à-dire un réservoir naturel de carbone qui absorbe le CO2 de l'atmosphère, et contribue ainsi à en diminuer la quantité. Or les scientifiques ont découvert que le brassage du phytoplancton par des vents de plus en plus forts perturbe le cycle de la fixation du carbone par ces organismes.

Lien confirmé avec le réchauffement climatique

L'océan est le principal puits de carbone planétaire, mais depuis dix ans, il est de moins en moins capable de jouer ce rôle, au nord comme au sud. Ce constat est celui de Nicolas Metzl et de son équipe au laboratoire d'océanographie et du climat de l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), qui regroupe cinq laboratoires mixtes du CNRS. Il s'appuie sur les mesures du Service d'observation de l'océan Indien (OISO).

De 1998 à 2008, l'observatoire OISO a mené des campagnes répétées de mesures de CO2 dans le sud de l'océan Indien, entre 20 et 60 degrés de latitude, à bord du navire Marion-Dufresne, affrété par l'Institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV) dans les mers australes. Les données ainsi récoltées, associées à des données plus anciennes (1991-1995), indiquent que la quantité de CO2 augmente plus rapidement dans les eaux de surface que dans l'atmosphère (de 2.1 microatmosphères/an dans l'eau contre 1.7 seulement dans l'air). Ainsi, bien que le taux de CO2 dans l'atmosphère reste supérieur à celui des eaux de surface, la différence s'amenuise.

Selon l'analyse de Nicolas Metzl, qui est également le responsable du programme OISO, cette augmentation est la conséquence des changements climatiques dans les hautes latitudes, qui se traduisent par une différence relative des pressions atmosphériques entre 40 et 60 degrés de latitude sud. Cette différence accrue entraîne une augmentation de la vitesse des vents, qui a pour effet un brassage plus important de l'océan : les eaux de surface se mélangent avec les eaux profondes. Or les eaux de surface contiennent moins de CO2 qu'en profondeur, car ce gaz est pompé par l'activité de photosynthèse du phytoplancton marin. De plus, quand ces organismes meurent, ils sédimentent dans les eaux profondes où ils sont dégradés par les bactéries, contribuant ainsi à enrichir les eaux profondes en CO2. Ainsi, lorsque l'océan est davantage brassé par les vents, cela conduit à des apports plus importants de CO2 en surface depuis les couches profondes et, par conséquent, une moindre capacité d'absorption par l'océan du CO2. C'est la première fois que des mesures de terrain viennent confirmer le rôle des changements climatiques sur le cycle du dioxyde de carbone océanique dans l'hémisphère sud.

Les océans s'essoufflent

Lors des campagnes dans les mers australes, menées à bord du navire-laboratoire Marion Dufresne, les scientifiques pratiquent depuis une dizaine d'années des mesures des eaux de surface, afin d'en déterminer la salinité, la température, et la teneur en CO2. Le Marion-Dufresne est un navire exceptionnel. Il tient bien la mer. On peut travailler par tous les temps. Les expéditions durent environ un mois. En janvier et en juillet-août. Pendant l'été austral, il y a de la lumière, ce qui plaît beaucoup au phytoplancton qui absorbe alors plus de CO2. En hiver, en revanche, il y a plus de vent, du coup le brassage est plus important. A bord, les mesures des eaux de surface sont faites pratiquement en continu grâce aux instruments embarqués. On voit aussi comment le CO2 évolue sur la colonne d'eau à l'arrêt. On quantifie le CO2 des eaux grâce à une technique par infrarouge qui permet de mesurer une phase gazeuse en équilibre avec une phase liquide, explique Nicolas Metzl.

Les océans s'essoufflent, leur faculté à absorber les excédents de carbone s'amenuise. Au niveau international, on se répartit les zones : les équipes américaines couvrent le Pacifique équatorial, le Japon sillonne le Pacifique Nord, la Grande Bretagne l'Atlantique Nord car ils ont un brise-glace, et nous l'océan Indien Austral, car nous avons des données de longue durée sur cette zone. Cette répartition permet de travailler en complémentarité pour essayer de formuler une réponse globale, poursuit Nicolas Metzl. Et l'on parvient à un bouclage Nord-Sud des observations : la baisse de la captation du carbone, on l'observe aussi dans le Nord, pas seulement dans les mers australes.
Nicolas Metzl et ses collègues ont pris part à l'analyse du puits de CO2 océanique dans l'Atlantique Nord, en associant les données récoltées dans cette région depuis 1993 à d'autres données internationales. Conclusion : le puits de CO2 a diminué de 50 pour cent de 1996 à 2005 dans l'Atlantique Nord. Le mécanisme proposé par les chercheurs semble pour l'instant davantage lié à l'oscillation des conditions météorologiques qu'au changement climatique.

Au sud comme au nord, on assiste depuis plus de dix ans à une diminution des puits de carbone océaniques, ce qui va dans le sens d'un renforcement du taux de CO2 dans l'atmosphère et donc du réchauffement climatique. Jusqu'où cela peut-il aller et quelles seront les conséquences sur le climat futur ? Avec quelle rapidité les océans emmagasinent le CO2 ? A quel moment le système va-t-il devenir irréversible au point de modifier les écosystèmes ? C'est la question, selon Nicolas Metzl. Pour le savoir, les chercheurs doivent poursuivre ces observations et tenir compte de ces nouveaux résultats pour valider les modèles employés dans le cadre des rapports du GIEC. En effet, les modèles actuellement utilisés pour les prédictions climatiques ne simulent pas correctement l'évolution du CO2 océanique observé depuis deux décennies dans les hautes latitudes nord et sud. De fait, le niveau des émissions de CO2 dans l'atmosphère est plus élevé que ne le prévoyaient les scénarios les plus pessimistes des experts du climat.

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