Aux côtés de vingt-et-un pays volontaires, la France a présenté le 20 juillet son premier rapport de mise en œuvre des 17 Objectifs de développement durable (ODD) d'ici 2030, fixés par l'ONU en septembre 2015. Ces 17 ODD, détaillés en 169 cibles, prennent la relève des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) adoptés en 2000 pour l'échéance de 2015.
La ministre de l'Environnement Ségolène Royal a remis la première feuille de route nationale des ODD, à l'occasion du Forum politique de haut niveau pour le développement durable, organisé au siège de l'ONU à New York. L'accès à l'eau et l'assainissement, le recours aux énergies renouvelables, la protection de la faune et de la flore, la lutte contre le changement climatique, la consommation et production responsables …, toutes ces thématiques environnementales bénéficient d'objectifs à l'horizon 2030.
Ce rapport (1) dresse "un premier état des lieux de [leur] mise en œuvre". Il a été élaboré en consultant les parties prenantes (scientifiques, ONG, entreprises, syndicats, associations spécialistes des questions humanitaires, de biodiversité et d'éducation, citoyens…).
Application de la loi de transition énergétique
Concernant la lutte contre les changements climatiques et le déploiement des énergies "propres", la France mise sur sa loi phare sur la transition énergétique d'août 2015. La France a inscrit sa contribution climatique nationale (INDC) dans cette loi: réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2030 par rapport à 1990. Selon le service de l'observation et des statistiques (SOES) du ministère de l'Environnement, les émissions de GES du territoire ont baissé de 11% depuis 1990.
La France met aussi en avant sa tarification carbone qu'elle défend aux plans européen et international. La contribution climat énergie sur les émissions de GES intégrée aux taxes applicables sur les produits pétroliers, a été introduite dans sa fiscalité : de 22 €/tonne en 2016, elle atteindra 100 €/tonne d'ici 2030. Un
La loi de transition énergétique fixe également comme objectifs de porter la part des énergies renouvelables (ENR) à plus de 30% de la consommation énergétique finale d'énergie en 2030 et de baisser à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité à horizon 2025. Toutefois, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui doit définir concrètement les tendances à suivre pour atteindre ces objectifs n'est pas encore finalisée. Selon le SOES, les ENR ont représenté, en 2014, 15% de la consommation finale brute d'énergie. Soit une hausse de 5,4% depuis 2005.
Territoires d'expérimentation de la transition écologique, les collectivités françaises sont également "encouragées", grâce au fonds de la transition énergétique (doté de 750 millions d'euros sur trois ans), à mettre en place des solutions visant à développer la rénovation thermique du bâti et des réseaux de transports propres, à promouvoir la sobriété en carbone et la nature en ville. Plus d'un ménage sur cinq connaît une situation de vulnérabilité énergétique en 2014, "ce qui justifie qu'une aide publique soit déployée pour les ménages précaires", ajoute l'Etat. A compter de 2018, le chèque énergie, prévu par la loi, de 150€ en moyenne, sera alloué aux foyers les plus modestes pour leur permettre de s'acquitter de leur facture énergétique. Il est testé en Ardèche, en Aveyron, Côtes d'Armor et Pas-de-Calais jusque fin 2017.
Lutte contre les pesticides et économie circulaire
La "priorité française" pour la qualité de l'eau est également la lutte contre les nitrates et les pesticides. 3.800 communes supplémentaires (à ajouter aux 19.000 existantes) vont être classées "vulnérables" aux pollutions. 48% des eaux de surface sont en bon état chimique, selon le SOES. Le 3e plan national santé environnement (PNSE3) a pour objectif de protéger 600 nouveaux captages par an, via une déclaration d'utilité publique. Il vise aussi à mettre en place des plans d'actions contre les pollutions diffuses sur 1.000 captages prioritaires, inscrits dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux 2016-2021.
La France promeut également les pratiques agro-écologiques, conformément à la loi d'avenir agricole d'octobre 2014 : formation des agriculteurs, réglementations limitant l'usage de pesticides (Ecophyto 2) et d'antibiotiques, plan pour des semences durables, biocontrôle. 14,3% des exploitations françaises sont engagées en agro-écologie (GIEE, agriculture biologique, certification environnementale, MAEC), selon le ministère de l'Agriculture.
En matière de production et consommation durables, le pays réaffirme son engagement dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. La loi, parue en février dernier, interdit notamment de rendre impropres à la consommation les invendus alimentaires sains, assortie de sanction.
Il s'agit aussi de développer une économie circulaire, inscrite dans la loi de transition énergétique, renforcer les informations relatives aux produits (affichage environnemental, obsolescence programmée). L'Etat accompagne également les collectivités volontaires pour réduire les déchets de 1 million de tonnes d'ici 3 ans, et économiser 63 millions d'€.
Bon état des écosystèmes : "des efforts à réaliser"
"Des efforts restent toutefois à réaliser", notamment en matière de maintien en bon état des écosystèmes et de gestion durable des ressources naturelles, souligne le rapport. "Il convient de poursuivre les efforts notamment en matière de lutte contre la surpêche, de conciliation des usages et de réduction des pollutions". Le projet de loi sur la biodiversité, adopté le 20 juillet dernier, prévoit de créer des zones fonctionnelles halieutiques pour "une protection ciblée et efficace des espèces au regard de toutes les activités." La France estime qu'elle "dépassera en 2016 son objectif de protection de 20% de son espace marin".
L'Etat veut également renforcer la lutte contre l'artificialisation et la dégradation des sols. En 2014, les sols artificialisés représentaient 9,3 % du territoire, selon l'Insee. La loi sur la biodiversité reconnaît la protection des sols d'intérêt général, en les intégrant au patrimoine commun de la nation. Cette loi crée en 2017 l'Agence française pour la biodiversité (AFB) qui " doit répondre aux enjeux de protection et de valorisation de la biodiversité terrestre, aquatique et marine, que ce soit en métropole ou en Outre- mer." Elle interdit aussi les insecticides néonicotinoïdes au 1er septembre 2018, avec une possibilité de dérogations jusqu'au 1er juillet 2020.
"Contribution médiocre" de la France
Ce rapport doit contribuer à l'élaboration du plan d'action national pour les ODD. Ce plan sera élaboré "en veillant à associer tous les acteurs à chaque étape (définition, mise en œuvre, suivi et évaluation, révisions périodiques)", indique le Gouvernement. Le ministère de l'Environnement prévoit cet automne d'organiser des ateliers de concertation en région.
Coordination Sud, qui rassemble 170 ONG, a dénoncé "une contribution médiocre" de la France. Elle "n'a pas été au rendez-vous de cette discussion de haut niveau, Ségolène Royal endossant, lors de sa présentation, tantôt l'habit de présidente de la COP ou de ministre de l'Environnement, laissant de côté les problématiques économiques et sociales et les enjeux de la solidarité internationale", ont critiqué les ONG dans un communiqué.
Pour Philippe Jahshan, président de Coordination Sud," les ODD sont universels et inclusifs et doivent s'appliquer à l'ensemble des politiques publiques (…). Le gouvernement français ne s'est pas saisi du sujet et n'a produit aucun engagement en termes de redevabilité". Coordination Sud attend "qu'un plan d'action soit mis en place au plus vite, en lien avec le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, cet automne".